CXCV. LETTRE.

De la Comteffe de Dalet au
Comte de Buffy.

A Chafeu, ce 30. Octobre 1691.

'Etois fi enyvrée de joye en lifant votre Lettre, Monfieur, que je danfois en l'achevant. J'ai bû à la fanté du Roy, j'y ai fait boire tout ce qui s'eft trouvé ici. Je riois du bienfait, je pleurois de reconnoiffance; enfin j'ay éprouvé que l'excés de la joie avoit affez l'air de la folie, & je comprends bien qu'elle peut faire perdre la raifon, & quelquefois la vie. Il y en a des exemples, & je crois que j'en ferois un, fi vous deveniez jamais Roy de quelque Royaume électif; à moins que de cela, je veux vivre pour ne vous point quitter. C'est tout ce que pourroit faire une Couronne, de vous confoler de moi; vos bontez pour moi m'en affurent, & je croi auffi que vous êtes bien content de mon cœur. Il ne m'eft pas poffible de faire une feule réflexion fur toutes les nouvelles que vous me mandez. Je vous dirai feulement,

fur celles qui vous regardent,que vous devez être bien content d'éprouver aujourd'hui que Dieu récompense toujours un cœur confiant & résigné.

CXCVI. LETTRE.

De Monfieur de la Bruyere Auteur des Caractéres fur les mœurs du Siécle, au Comte de Buffy.

A Paris, ce. Décembre 1691.

I vous ne vous cachiez pas de vos bienfaits, Monfieur Vous auriez plutôt mon remerciement. Je vous le dis fans compliment, la maniere dont vous venez de m'obliger m'engage pour toute ma vie à la plus vive reconnoiffan ce dont je puiffe être capable. Vous aurez bien de la peine à me fermer la bouche; je ne puis me taire fur cette circonftance qui me dédommage de n'avoir pas été reçû dans un corps à qui vous fai tes tant d'honneur. Les Alteffes à qui je fuis, feront informées de tout ce que vous avez fait pour moi, Monfieur. Les fept voix qui ont été pour moi, je ne les

ai pas

mendiées, elles font gratuites; mais il y a quelque chofe à la vôtre qui me flate plus fenfiblement que les autres. Je vous envoye, Monfieur, un de mes livres des Caracteres fort augmenté, & je fuis avec toute forte de refpect & de gratitude, &c.

CXCVII. LETTRE,

Du Comte de Buffy à Monfieur de la Bruyere.

A Chafeu, ce 16. Décembre 1691.

Uand je vous ai voulu faire plaifir fans me faire de fête, Monfieur, ce n'eit pas que j'euffe honte de vous fervir, mais c'eft qu'il m'a paru qu'un fervice annoncé avant qu'il foit rendu a perdu fon mérite. Les voix que vous avez eûës n'ont regardé que vous; vous avez un mérite qui pourroit fe paffer dela protection des Alteffes, & la protection de ces Alteffes pourroit bien, à mon avis, faire recevoir l'homme du monde le moins recommandable. Jugez combien vous auriez paru avec elles & avec vous-mêfi vous les aviez employez. Pour

moi je vous trouve digne de l'eftime de tout le monde, & c'eft auffi fur ce pied-là, que je fuis votre ami fincere, & votre, &c.

CXCVIII.

LETTRE.

De l'Abbé de Choify au Comte de Buffy.

A Paris, ce 26. Décembre 1691.

ERoi reçut hier la nouvelle dela prise nouvelledela de Montmélian.Une de nos bombes étant tombée dans une mine que les Ennemis avoient faite fur le haut d'un baftion, le fit fauter de plus de quinze toifes de large; les Grenadiers monterent à l'affaut, & s'y logerent, & auffi-tôt les Affiégez battirent la chamade, & capitulerent le 21. Monfieur de Catinat leur a accordé une Capitulation fort honorable, comme à de braves gens qui fe font bien & long-tems défendus. Meffieurs de Baviere & de Savoye marchoient au fecours avec vingt mille hommes. Le Marquis de Braq Colonel de la Sarre a été tué devant cette Place. Le Vaiffeau du Roy dont on étoit en peine,

eft arrivé à la Rochelle avec neuf cens Irlandois. Le Roy a donné vingt mille livres de penfion à Monfieur de Pomponne, & vingt mille à Monfieur de Barbefieux. Madame de Veruë a failli mourir de la petite-verolle. Le Roy d'Angleterre eft allé à Breft. Monfieur de Baviere eft Gouverneur Général des Païs-Bas pour le Roy d'Efpagne. La Paix de l'Empereur avec les Turcs eft tout à fait rompue. On fortifie Grenoble. Madame de la Vauguyon, autrefois SaintMegrin eft morte.

CXCIX. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify.

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A Chafeu, ce 30. Décembre 1691.

E Roy étoit fur le point de manquer Montmélian, fi la fortune ne s'en fût mêlée. Ce n'eft pas que Monfieur de Catinat n'eût pû fort bien battre encore Monfieur de Savoye. J'approuve fort qu'on donne d'honorables Capitulations aux Gouverneurs qui ont bien défen du leurs Places. Il faut honorer la

Py