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tre fes Rivaux les vapeurs de l'envie, qui retournent bientôt fur celui qui les a foufflées.

2. CRÉBILLON, [Claude - Profper JOLYOT DE] fils du précédent, né à Paris en 1707, mort dans la même ville en 1777.

La plupart de fes Ouvrages ne font guere lus aujourd'hui que par de jeunes Offi ciers dans les garnifons, & n'ont dû leur célébrité qu'à la licence & à la malignité qui en font le principal caractere. Avec de l'efprit, de l'imagination, une fineffe de tact & la connoiffance du monde, qui percent dans fes Romans les plus médiocres, M. de Crébillon auroit pu enrichir la République des Lettres par des travaux estimables. Il n'eût pas, à la vérité, acquis autant de gloire que fon pere, dont les talens étoient fupérieurs aux fiens; mais il fe fût garanti du blâme d'avoir préféré le coupable plaifir d'amufer le libertinage & la frivolité, au mérite folide de donner des Productions décentes & utiles,

Il n'avoit qu'à mieux choisir ses sujets. Quel peut être le fruit de ces Romans dont le ton cavalier & cynique fait le principal ornement? On les achete d'abord par curiofité, on les lit avec empreffement; l'honnête homme n'ofe convenir qu'il les a lus, & chacun finit par les payer du mépris qu'ils méritent.

Il faut encore remarquer que la Littérature perd autant que les mœurs dans ces fortes de Productions. Eft-il facile de bien écrire, quand on fait parler le vice? Non: les Ouvrages de M. de Crébillon en font la preuve: Tanzaï, le Sopha, Alcibiade, &c. n'ont pas même le mérite du style. Il n'eft jamais meilleur Ecrivain, que lorfque l'honnêteté guide fa plume. Aufli fes Lettres de la Marquife de***, les Egaremens du cœur & de l'efprit, font-ils mieux écrits & plus agréables que fes autres Romans. L'Auteur y développe avec art les plus fecrets refforts des paffions; tous les mouvemens d'un cœur entraîné par la tendrelle y font peints avec naturel, intérêt, & variété. C'est à ceton, c'eft à

ce ftyle que M. de Crébillon auroit dû s'attacher par préférence. Le Public eût joui alors fans danger du fruit de fes talens, & fes tableaux ne reffembleroient pas à ceux des Peintres de nudité, qu'il faut dérober à tous les yeux.

CREVIER, [Jean-Baptifte-Louis] an cien Profeffeur de Rhétorique au Collége de Beauvais, né à Paris en 1692, mort dans la même ville en 1765, Continuateur de l'Hiftoire Romaine de M. Rollin, & très-inférieur à fon Maître.

M. le Beau lui eft également très-fupé-· rieur dans l'Hiftoire du Bas-Empire, qu'on peut regarder comme la continuation de fon Ouvrage. Ce n'eft pas qu'il manque d'ordre dans la diftribution des faits, qu'on ne trouve des pensées juftes, des réflexions utiles, des fentimens vertueux dans le cours de fa narration; mais fon ftyle eft pesant', diffus, prefque toujours négligé, vicieux, & rampant. Après avoir enfeigné, pendant plus de vingt ans, la Rhétorique, il est étonnant que cet Ecrivain paroiffe avoir perdu

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totalement de vue cette réflexion de Longuin: » Rien n'avilit autant le Difcours, » que les termes bas & vicieux; ce font » comme autant de taches & de marques » honteufes qui flétriffent l'expreffion ".

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CRILLON, [Louis- Athanafe BAlbe BERTON DE] Abbé Commendataire, ancien Agent général du Clergé de France, né à Avignon en 17.. L'Homme moral, & fur tout les Mémoires philofophiques du Baron de**, dont il vient d'enrichir notre Littérature, prouvent que l'efprit & les talens ne font pas moins héréditaires dans fa famille, que les vertus patriotiques qui l'ont depuis long-temps illuftrée. Il feroit difficile de préfenter fous un jour plus frappant le Charlatanisme, les intrigues les manéges & tous les travers de la Philofophie moderne, qu'ils ne le font dans ces Mémoires; Production vraiment originale, où la critique eft mise en action de la maniere la plus piquante & la plus capable de faire impreffion fur les efprits mêmes prévenus. C'eft le fruit d'une raj

fon lumineuse qui fait le revêtir de toutes les richesses de l'imagination, & employer, quand il le faut, les armes de la plaisanterie & du ridicule. Préférable aux Provinciales de Pafcal, par fon objet, cet Ouvrage n'est pas moins digne d'admiration par fon plin & par la maniere dont il eft exécuté. Energie & vérité dans les tableaux, jufteffe & nouveauté dans les cadres, agrément & vivacité dans les entretiens des perfonnages que l'Auteur met en fcène, style correct, harmonieux, semé de traits hardis & heureux; il réunir, en un mot, tout ce qui peut attacher le Lecteur, & lui infpirer du mépris pour la fecte dangereufe dont on y dévoile les menées. Encore une attaque de cette force, & la Philofophie pourra dire: Quis numen Junonis adoret ? Le fuccès foutenu de l'Ouvrage de M. l'Abbé de Crillon, les vains efforts des Philofophes pour le décrier, les heureux effets qu'il a déjà produits fur l'opinion publique, femblent autotifer notre prédiction. Le Public peut être dupe quelque temps du charlatanifme,

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