& de corrompre les femmes mariées.

Mes nouveaux principes furent trèsutiles à mes projets : je vis qu'il feroit facile de féduire celles auxquelles je pourrois faire adopter mes opinions, & que rien n'étoit plus néceffaire que de les répandre, appuyées des raifons qui pourroient paroître m'avoir convaincu. Les femmes, incapables de fuivre cette difcuffion, imaginèrent que mes raifons les convaincroient ellesmêmes, fi elles pouvoient les comprendre ainfi, par un affentiment secret, elles faifoient honneur à leur jugement, & s'applaniffoient la route qui les alloit livrer aux paffions.

C'étoit ainfi que je continuois mes déréglemens, & qu'une faute en entraînoit une autre, lorfque mon coufin fe détermina à retirer fa fille de l'école. Elle avoit dix-neuf ans; il voulut la mettre à la tête de fon ménage, quitta fon appartement, & prit une maifon.

J'avois fouvent vu cette jeune per

fonne, & j'avois toujours admiré fa beauté: elle ne fut pas plutôt chez fon père, que je cherchai à m'en faire diftinguer par mes affiduités; je faififfois avec joie les occafions de l'entretenir feule, & je m'apperçus qu'elle n'étoit point infenfible à mes foins, & qu'elle fe plaifoit avec moi.

Mon coufin avoit vu l'effet de fes leçons fur mes mœurs. Il ne pouvoit cependant s'empêcher de tourner en ridicule devant fa fille les devoirs les plus facrés. Je mêlois mes plaifanteries aux fiennes: ce moyen facilitoit l'exécution du projet que j'avois formé de la féduire. J'aurois pu l'époufer, & peutêtre fon père penfoit-il en fecret à ce mariage; mais je connoiffois trop les femmes, pour me fentir capable de me borner à une feule, & j'étois entièrement éloigné d'un état dans lequel il falloit facrifier les plaifirs de l'inconftance, au repos du ménage, ou ce repos aux charmes de la variété. Je ne penfois

pas qu'il me fût poffible de me livrer à des libertés défendues fans que

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quelque accident ne l'apprêt à mon époufe, qui ne feroit fans doute ni affez complaifante, ni affez philosophe pour le fouffrir fans bruit & fans aigreur. Je ne me fouciois pas non plus d'avoir des enfans, dont les befoins deviendroient Importuns, & qui auroient des droits trop reconnus aux produits de mes épargnes & de mon industrie; au lieu que je pouvois abandonner à la mifère les fruits d'un amour illégitime, sans bleffer les lois, & fans nuire à la fociété.

pus

La jeune fille, au contraire, qui voyoit que mes attentions paffoient les civilités ordinaires, ne doutoit pas que je n'euffe envie d'obtenir sa main. Je diftinguer qu'elle attendoit fouvent ma déclaration, & qu'elle paroiffoit déconcertée, de ce que je ne l'avois pas encore demandée à fon père: mais, croyant que j'attendois une circonftance plus fa

vorable, elle fe permettoit, fans fcrupule, toutes les libertés qui pouvoient s'accorder avec la modeftie. J'approchois chaque jour infenfiblement du but de mes defirs, fans alarmer fa pudeur, & fans réalifer fes efpérances.

Je fentis qu'il me reftoit encore à faire deux chofes abfolument néceffaires qu'il falloit enflammer fes paffions, & écarter les motifs qui l'empêchoient de les écouter. Je ne ceffois de lui infinuer que rien de ce qui eft dans la nature ne peut être mal; je me plaignois de la gêne & des entraves impofées par la bigoterie & la fuperftition: alors, comme fices réflexions m'étoient venues naturellement & par hafard, je chantois une chanfon tendre, je récitois des vefs galans, ou je lifois une nouvelle.

Nous nous querellions quelquefois, & ces querelles favorifoient toujours mes projets, quoique je fiffe fouvent femblant de badiner, de peur de trop l'alarmer. Si je hafardois de prendre

quelque liberté contraire à la pudeur, je m'arrêtois tout-à-coup avec l'air de n'y pas fonger comme je n'allois pas plus loin, je paroiffois ne rien vouloir tenter de plus; un coup léger, un regard févère, étoit la feule punition de mon efpliéglerie. C'eft ainfi que je la conduifois de la familiarité à l'oubli de la décence & de fes devoirs.

Un jour je l'engageai adroitement dans une difcuffion, pour favoir, s'il étoit innocent de fuivre, dans fes defirs, l'inftin&t de la nature, & fi, dans le cas que cela fût, le défaut des cérémonies prefcrites pouvoit rendre, en aucun cas, la chofe criminelle. J'infiftai fur ce que le vice & la vertu ne peuvent dépendre des rites & des ufages, & ne peuvent être fondés fur les loix humaines, qui font bitraires, éphémères & locales. Elle nia entièrement cette propofition. Je demandai de porter la question à fon père; fans l'inftruire de notre difpute, & de nous en rapporter à fon opinion. Elle y con

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