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entrailles? pourquoi faire partager mon fort à cet enfant? Enfant infortuné, je te donnerai donc le jour, pour que ta main, à peine née, foit chargée de fers honteux; pour que tu fois accablé de maux & d'ennuis, au lieu des nombreux plaifirs que te promettoit l'Angleterre ! Ne conferve que les traits, & non l'ame de ton père; dompte le fort par ta vertu; garde une ame libre dans les fers; confole ta pauvre mère injuftement malheureufe; que tes tendres baifers effuient fes yeux humides de larmes. Si ton père retardoit fon départ pour t'emmener, je me réjouirois de ta perte. Mais c'eft en vain que je prie; les vents rapides enflent tes voiles, Inkle ; ils emportent ton vaiffeau & nos vœux. Sois heureux! je ne puis pas affez oublier mon amour, pour charger ta tête d'imprécations. Et pourquoi conjurerois-je les vents & les flots? tes remords feront ton fupplice; ils déchireront continuellement ton cœur; des fpe&tres horribles

te poursuivront par-tout; mon image te reprochera fans ceffe tes mille parjures, & troublera le repos de tes jours & de tes nuits je te le prédis; tu voudras alors me racheter, quelque prix qu'il t'en coûte, & la mort aura terminé mes peines.

LA VIE

DE COWLEY,

TRADUITE DE L'ANGLOIS

DE SAMUEL JOHNSON *

LÀ vie de Cowley a été écrite par le docteur Sprat, auquel ut ftyle élégant & une imagination facile ont mé

(1) Ce morceau est tiré d'un ouvrage éxcellent, intitulé Vie des meilleurs Poëtes Anglois, que Samuel Johnson publia l'an passé. J'aurois bien voulu pouvoir apprendre au public quelques particularités fur un homme de lettres auffi intéreffant, dont les Mufes pleurent la perte récente. Je n'ai pu me procurer encore des détails fuffifans. Il eft mort dans le courant du mois

rité une place diftinguée dans la littérature. Mais fon amitié pour ce poète, ou fa prétention à l'éloquence, ont produit une oraison funèbre plutôt qu'une hiftoire. Il a tracé le caractère & non la vie de Cowley; il entre dans fi peu de détails, que rien n'eft clairement connu; tout eft montré confufément. & fe perd dans l'exagération du panégyrique.

Abraham Cowley naquit à Londres l'an 1618. Son père étoit épicier. Le docteur

de décembre 1784. Les plus grands feigneurs de l'Angleterre ont affifté à fes funérailles. Johnson avoit une érudition immenfe ; & ce qui ne s'allie pas toujours avec elle, un tact fin, un goût fûr, un efprit délicat. Ses principaux ouvrages font, un Voyage aux Hébrides; un Dictionaire; le Rodeur; le Pareffeux, ouvrages dans le genre du Spectateur; une édition de Shakespear, justement eftimée comme la meilleure; la Collection des meilleurs Poëtes Anglois, & leur Vie.

Sprat, pour cacher fon état, lui donne le titre vague de citoyen. Son nom ne se trouve pas dans les regiftres de la paroiffe de Saint Dunftan; ce qui fait foupçonner qu'il étoit fectaire. Quoi qu'il en foit, il mourut avant la naiffance de fon fils qu'il laiffa aux foins de fa mère. Elle fit, dit Wood, des efforts continuels pour lui donner l'éducation d'un homme de lettres: elle en fut récompensée par la célébrité de fon fils. Sprat nous apprend que la tendreffe de Cowley fut le jufte prix de fes foins.

Dans fon enfance il trouva la Reine des Fées (1) fur une croifée de l'appartement de sa mère. Corwley lut cet ouvrage avec tant de plaifir, qu'entraîné

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(1) Poëme de Spencer, qui vivoit fous le règne d'Elizabeth. Cette princeffe fut fi charmée d'une pièce qu'il lui préfenta, qu'elle lui fit donner 100 livres fterlings en préfent. Spencer étoit né à Londres: il mourut en 1598.

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