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avec ces notions grandes & générales que donne un coup d'oeil vafte qui embraffe le monde & la nature, ce défaut tient plus fouvent à Cowley qu'au Taffe; ils ne fe reffemblent tous deux qu'en ce qu'ils ont fait également agir les efprits céleftes & infernaux ; & dans cela même ils diffèrent évidemment. Cowley fuppofe ordinairement qu'ils n'agiffent que par les infpirations qu'ils font naître dans les ames; le Taffe les repréfente comme s'oppofant aux événemens, ou les favorifant par des a&ions.

Je ne connois à comparer que la description du ciel; encore la manière de ces deux auteurs eft-elle totalement différente. Le morceau de Cowley n'eft pas précisément une defcription, à moins qu'on ne puiffe décrire par négation; il nous dit feulement ce qui n'eft pas dans le ciel. Le Taffe cherche à peindre l'éclat & les plaifirs des régions du bonheur: il s'attache aux images; Cowley aux penfées.

Dans la Davidéide, ainfi que dans les autres ouvrages de Cowley, on trouve beaucoup d'érudition inutilement prodiguée. L'attention n'a rien qui la foulage. L'ame n'eft point émue. Nous éprouvons de la furprise, point de plaifir: nous admirons beaucoup, & nous approuvons peu. Cet ouvrage eft pourtant celui d'un génie vafte enrichi par l'étude.

En général Cowley écrivit avec une étonnante fertilité; mais auffi avec un goût négligé & peu formé. Il ne fut jamais pathétique, & s'éleva rarement jufqu'au fublime; mais il étoit ingénieux, inftruit, pénétrant & profond.

Il eft vrai que le genre de fes écrits n'étoit pas le fien propre ; il adopta malheureusement celui qui étoit prédominant: il vit une route fûre à la gloire du moment; & fans obferver fuf. fifamment par quels moyens les anciens avoient continué à plaire, au milieu de tous ces changemens de mœurs &

de modes, il fe contenta d'un laurier périffable, vert & brillant dans fon printemps, mais que le temps a fait tomber par degrés de fon front.

fans rivaux,

Il jouit dans fon temps, de la plus haute eftime. Clarendon dit qu'il s'étoit élevé au deffus de tous ceux qui l'avoient précédé, & Milton déclara que les trois plus grands poètes de l'Angleterre étoient Spencer, Shakespeare & Cowley.

Sa manière lui étoit donc commune avec d'autres; mais fes idées lui étoient propres. Il penfoit toujours d'après lui. L'étendue de fes connoiffances étoit fi prodigieufe, que les idées qu'il falloit adopter ou rejeter fe préfentoient à la fois à fon efprit. Je ne croirai pas qu'il dédaigna une idée agréable parce que d'autres l'avoient eue avant lui. Ses richeffes étoient fi grandes, qu'il pouvoit beaucoup emprunter fans perdre de fon crédit.

pourtant

Les premiers vers de fon élégie fur

fir Henry Wolthon reffemblent fi fort à ceux de la belle épigramme de Grotius fur la mort de Scaliger, qu'il l'avoit furement imitée, quoique cette copie foit de main de maître.

Un paffage de fa Maîtreffe eft fi clairement tiré de Donne, que c'est certainement une réminifcence, & qu'il s'en étoit cru l'auteur.

Clarendon dit que Cowley reconnut les obligations qu'il avoit au favoir & aux talens de Johnfon. Je n'ai rien trouvé dans fes ouvrages qui appartînt à Johnson (1). Il paroît qu'il s'étoit feulement proposé d'imiter Donne, & qu'il avoit pris de lui cet abus des images religieufes, ces frivoles allufions aux chofes faintes, qui choquent le lecteur le moins pieux, & qui ne feroient pas fupportées dans ce fiècle où la dévotion

(1) Poète dramatique contemporain de Shakespear.

eft peut-être moins fervente, mais plus délicate.

La négligence de fon ftyle fut blâmée même de fon temps. Il paroît avoir ignoré, ou n'avoir pas obfervé que les mots font arbitraires, & ne doivent leur force qu'à leur pofition. Ils n'ont d'autre influence que celle que l'ufage leur donne. Le ftyle eft la parure de la pensée. L'air le plus noble, les mouvemens les plus gracieux feront dégradés & avilis par l'habit destiné aux travaux ruftiques ou mécaniques. Ainfi les idées les plus élevées perdront leur énergie, les idées les plus impofantes leur magnificence, fi elles font revêtues de mots ufités dans des occafions baffes & triviales, avilies par des bouches vulgaires, ou fouillées par de groffières applications.

Le ftyle étant le véhicule de la pensée frappe d'abord l'efprit: s'il déplaît, on quitte l'ouvrage. Commencez donc par plaire fi vous voulez inftruire.

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