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Cibber, les Théobald & leurs femblables 3 tous ceux enfin qui s'élevèrent contre la fublime verfion de l'Iliade.

La diction de Parnell eft douce & facile ; il eft fpirituel fans effort; chaque chofe eft à fa place, & paroît pourtant l'effet du hafard. Il y a beaucoup d'art dans fes écrits, mais cet art eft fi raffiné qu'il reffemble à

na ture.

LA VIE

DE ZOILE,

TRADUITE DE L'ANGLOIS

DE THOMAS PARNELL

Pendentem volo Zoilum videre.
MARTIAL.

L'ART de la critique fe divife en trois branches; l'édition des auteurs, leur traduction, & le jugement qu'on en doit porter. Cette dernière qui nous dirige dans le choix des ouvrages, & nous prépare à les lire avec fruit, eft fans contredit la plus utile. C'est à elle que fe livrèrent Ariftote, Demetrius de Phalere, Denys d'Halicarnaffe, Cicéron, Horace, Quintilien & Longin. Ces hommes célèbres, par la critique des écrivains qui les avoient

précédés, formèrent le goût de ceux qui les fuivirent, & leur montrèrent à faifir ce tour heureux & naturel dans la penfée & dans l'expreffion, qui rend la lecture d'un ouvrage auffi inftructive qu'agréable.

Cet art, dont les progrès avoient été fi rapides fous de pareils maîtres., fut auffi profeffé par d'autres dont les forces étoient bien au deffous d'une telle entreprise, & qui furent entraînés par leurs passions ou leur partialité. L'empire de la critique fut fouvent ufurpé par des juges minutieux ou de mauvais goût, incapables de fentir les beautés du ftyle figuré, ou d'être émus par une imagination brillante; & par d'autres que la mauvaise humeur ou l'envie avoient rendus détracteurs infatigables de toute réputation.

C'eft ainfi que les anciens nous dépeignent Zoïle, avec un caractère fi violent, que fon nom fervit depuis à défigner tous ceux qui l'imitèrent. Il osa

s'élever contre Homère, & fe couvrit par là d'autant d'opprobre que ce poète fublime avoit de réputation. Quelques-uns accordèrent à Zoile de l'efprit ; d'autres ne virent en lui qu'un forcené, qui vouloit détruire le temple d'Apollon & des Mufes pour s'immortalifer par fes fureurs. Le récit de fa vie eft fait pour piquer la curiofité: il devroit être mis à la tête de l'ouvrage immortel, fur lequel cet audacieux ofa répandre fon fiel impur. Si fa critique eft jufte, Zoïle est un cenfeur estimable; fi elle eft fauffe, cet impie doit expier fon crime fur l'autel du dieu qu'il outrage.

Zoïle naquit à Amphipolis, ville de Thrace, dans les temps les plus floriffans de l'empire de Macédoine. Les auteurs de fes jours font inconnus, mais fi ce n'eft pas par mépris qu'on l'appela l'efclave de Thrace, ce nom prouve la baffeffe de fon origine. Il fut difciple du fophifte Polycrate, qui fe rendit fameux par fes écrits contre des hommes jufte

ment célèbres, & par deux accufations, ou plutôt deux invectives, contre la mémoire de Socrate. Ainfi Zoïle s'élevoit comme une plante venimeufe, dont la culture & la préparation rendoient le poifon plus fubtil & plus aigu.

Il étoit grand & maigre; il avoit le teint pâle, l'air vif. Élien (1) nous le repréfente avec une longue barbe, & la tête rafe, pour fe donner l'air plus magistral. Sa robe traînoit malproprement, & les manières étoient entièrement contraires aux ufages reçus. Il aimoit à femer la difcorde & à médire. Ce penchant fut attribué par quelques-uns à une grande connoiffance du monde, & fes traits hardis paffèrent quelquefois pour de l'efprit. Ce défaut s'accrut au point qu'il ne fe cacha plus, ne garda plus de mefure: enfin cette paffion tourna tellement en fureur, qu'un jour qu'on lui demandoit pourquoi il difoit du mal de tous

(1) Variæ Hift. 1. xj, c. x.

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