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goût de l'architecture: il voyagea, pour s'inf truire de cette fcience, dans les différentes contrées de l'Italie, & compofa un bon Traité de re ædificaria. Paul II le chargea de la conftruction de plufieurs édifices dont l'exécution lui fait honneur. Alberti étoit né en 1398; il mourut en 1485. Il a laiffé un très-grand nombre d'ouvrages fur différens fujets.

Celui-ci eft un petit Traité didactique de l'art d'aimer & de plaire. Peut-être verrat-on avec intérêt quelles étoient, à ce fujet, les opinions reçues au quinzième siècle.

Alberti n'a point, comme Ovide, le mérite d'avoir profeffé l'amour en beaux vers; il a écrit en profe; & véritablement cela feul lui affigne un rang inférieur à celui da poète latin; mais il a du moins l'avantage d'avoir, autant qu'il l'a pu, fuivi une route nouvelle. Son art d'aimer eft celui des femmes: c'est pour les femmes qu'il a écrit: c'eft aux femmes qu'il a voulu plaire; pouvoit-il mieux employer fes talens?

On doit s'attendre à ne pas trouver beaucoup d'action dans un petit ouvrage tel qu'eft celui-ci. Les perfonnes qui veulent être émues fortement peuvent se difpenfer de le lire; mais celles qui aiment

affez un ton de converfation doux, careffant, naturel & tendre, pourront y trouver quelque vérité de paffions, & je ne fais quoi d'intéreffant pour le cœur.

Le nom d'Hécatomphile qu'Alberti donne à fon héroïne, eft tiré de deux mots grecs, & fignifie cent Amours. Elle n'a pourtant aimé que trois fois, & confeille aux Belles qui fuivent fon cours de galanterie, de n'avoir jamais qu'un feul attachement. Cela eft vrai; mais elle a eu plus de cent adorateurs; & d'ailleurs le nombre déterminé de cent, eft pris ici pour un nombre indéfini. Il y a eu plufieurs verfions françoises d'Hécatomphile. La première parut en 1534, & eft fort rare (1); la dernière fut imprimée en 1584.

(1) Voyez la Bibliogr. inftructive.

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HÉCAT OMPHILE,

TRADUCTION DE L'ITALIEN

DE

LÉON-BAPTISTE ALBERTI,

Par M. LEVRIER DE CHAMP-RION, de la Bibliothèque du Roi.

HÉCATOMPHILE

IL

AUX JEUNES FILLES.

AVERTISSEMENT.

L me paroît, mes belles demoiselles, que ce feroit œuvre pie, & fentiment d'humanité tout-à-la-fois, fi, aux douloureufes follicitudes qui viennent oppreffer vos tendres cœurs, j'allois oppofer tout ce que je puis avoir d'efprit

& d'art pour les adoucir. J'en vois là certaines parmi vous porter fans ceffe la main au front; d'autres fe preffer la poitrine; celles-ci coller les deux mains fur leur visage, en foupirant; celles-là enfin, & c'eft le plus grand nombre interroger des yeux tous les coins de cette falle, comme pour reconnoître dans la foule cet amant aimé qu'elles attendent & qu'elles brûlent de voir.

Il m'eft impoffible de ne pas avoir pitié des jeunes cœurs que je vois dans la même peine où j'ai langui fi longtemps, faite de connoître la véritable manière d'aimer. Quelque intelligence, quelque fagacité que vous apportiez dans vos amours, j'ai encore plus d'expérience que vous, & il va vous être auffi utile qu'agréable de m'écouter. En effet, le moyen de trouver un médecin préférable à celui qui fe fouvient d'avoir effuyé lui-même autrefois la maladie dont il entreprend de guérir aujourd'hui les autres! Telle que vous me voyez, j'ai

eu plus de cent amans, un par chaque faifon; auffi eft-ce à cause de cela que les littérateurs, espèce de gens que j'ai toujours préférés aux autres, m'appellent, dans leurs phrases galantes Hécatomphile: cela fignifie cent amours, ce qu'ils prétendent. Le nombre de mes propres inclinations s'eft pourtant jusqu'ici borné à trois.

D'abord, je vous enseignerai la manière de bien choifir un amant.

Enfuite, je vous dirai à quel appât vous devez le prendre ; par quels doux artifices vous pourrez gagner fon cœur, & vous en rendre maîtreffes bfolues.

Enfin, vous apprendrez de moi comment il vous deviendra poffible de voir -long-tems durer vos plaifirs.

Mais, que me donnerez-vous pour prix de mes leçons? Tenez, je ne demande qu'une chose: aimez beaucoup celui-là feul qui vous aime fincèrement.

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