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un étranger. Dans cette diverfité de fentimens, tous vouloient pourtant un Roi.

714.

Cependant les Sénateurs craignant que la Ville qui étoit fans Roi, ne se trouvât expofée à l'infulte de quelques voifins à qui la puiffance de Rome fesoit ombrage, convinrent de confier alternativement à l'un d'entre eux, felon un AN. R. certain ordre qu'ils établirent, l'auto- 38. rité & le commandement pendant cinq Av.J.C.. jours, pendant lefquels il jouiroit de tous les honneurs de la Souveraineté :. cette forme de gouvernement dura l'ef pace d'un an, & fut appellée Interrégne.. Le même plan & le même nom fe confervérent depuis pendant la vacance du trône, & même du tems de la République, dans les intervalles qui fe trouvoient fouvent entre les élections des Magiftrats.

Le Peuple ne pouvant s'accoutumer à cette forte de gouvernement nouveau, commença à murmurer, & se, plaignit hautement qu'on avoit multiplié fa fervitude, & qu'au lieu d'un. Maître on lui en donnoit deux cens.. Le mécontentement éclata fi fort qu'on vit bien que le Peuple ne vouloit E5 plus;

plus fouffrir qu'un Roi qu'il auroit lui même choisi. Les Sénateurs, qui fentirent bien ce qui fe préparoit, crurent fagement devoir offrir de bonne grace au Peuple ce qui autrement leur feroit arraché de vive force, & lui laifférent la liberté de faire l'élection d'un Roi, de forte néanmoins que ce choix n'auroit lieu qu'après qu'il auroit été approuvé & ratifié par le Sénat, ce qui étoit, en un certain fens, fe réserver autant de pouvoir qu'ils en donnoient. Cette démarche fit tant de plaifir au Peuple, & en fut fi bien reçue, que, pour ne point le céder aux Sénateurs en honnêteté & en déférence, il abandonna entiérement à leurs fuffrages l'élection du Roi. Il eft beau de voir une telle dispute entre le Sénat & le Peuple. La fuite en montrera encore plufieurs exemples pareils, qui leur font beaucoup d'honneur.

Cette élection devint fort difficile, les Romains & les Sabins, qui compofoient alors le Sénat, tâchant chacun de la faire tomber fur une personne de leur nation. Ne pouvant, à caufe de cette partialité, convenir d'un fujet, ils s'accorderent enfin fur la maniére

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d'en choifir un. Ce fut de tirer au fort, & de laiffer au parti fur lequel il tomberoit le droit d'élection, mais avec cette clause, qu'il feroit obligé de prendre un Roi dans l'autre nation. Leur vûe étoit d'infpirer par ce moien au Prince une égale affection pour les deux partis. Car, fi d'un côté l'amour de la nation le déterminoit à favorifer fes compatriotes, de l'autre côté le devoir de la reconnoiffance l'engageroit à rendre juftice à ceux à qui il étoit redevable de fon élévation. Le droit d'élection échut aux Romains.

Il y avoit pour lors dans la ville de Caractes Cures, dont nous avons fouvent eure de Numa lieu de parler, un homme d'une grande réputation de probité & de juftice, appellé Numa Pompilius. Naturellement porté à la vertu, il avoit eu une excellente éducation, qui affermit & perfectionna beaucoup des difpofitions fi heureuses. Il s'endurcit de bonne heure au travail & à la fatigue. Il avoit un extrême éloignement de l'ambition & de la violence, eftimant que la vé ritable grandeur confiftoit à refréner fes defirs, & à les tenir toujours fous L'empire de la raison. Tout luxe & tou E. 6,

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te magnificence lui étoient inconnus.. Il fe livroit tout entier au fervice des Citoiens & des Etrangers, dont il étoit `le confeil, l'arbitre, & le juge. Il avoit un grand refpe&t pour la Divinité, dont il s'étoit fait un devoir d'étudier avec foin la nature & les perfections. Toutes ces rares qualités lui avoient acquis tant de réputation & de gloire, que Tatius, qui régnoit à Rome avec Romulus, l'avoit choifi pour fon gen dre, & lui avoit donné fa fille unique Tatia. Ce mariage ne le rendit pas plus vain, & ne le porta pas même à aller s'établir dans Rome auprès de fon beau-pére. Il demeura toujours dans le pays des Sabins, pour donner à fon pére les fecours dont il avoit befoin dans fa vieilleffe. Et Tatia fa femme, fe conformant à fon goût & à fes fentimens, préféra une vie tranquille & obfcure avec fon mari, à tous les honneurs dont le Roi fon pére l'auroit fait jouir à Rome. Elle mourut treize ans après fon mariage, & Numa, quit tant le féjour de la ville, fe retira à la campagne, où, dans un doux repos & une agreable folitude, il fe livra fans réserve à fon panchant naturel qui le portoit

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portoit à l'étude de la morale, & à la contemplation de la Divinité.

Après qu'on eut lontems délibéré, ce fut ce Numa Pompilius qu'on choifit pour remplir le trône vacant. Il eft des caractéres de vertu & de probité qui s'attirent généralement l'eftime & le refpect, qui fe font jour à travers les paffions des hommes & les plus grands obftacles, & auxquels on cft comme forcé quelquefois de rendre juftice malgré foi. C'eft ce qui arriva ici. Dès qu'on eut nommé Numa Pompilius, tous les efprits fe trouvérent réunis. Les vûes d'intérêt particulier difparurent, On oublia qu'il étoit étranger, Sabin, & établi ailleurs qu'à Rome. On ne vit en lui que P'homme de bien, qu'un Sage capable de rendre des fujets heureux. Sur le champ, du confentement du Peuple, on députa vers lui les principaux des deux Corps du Sénat, pour le prier de venir, & d'accepter le Sceptre.

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Numa étoit dans fa quarantiéme I refi année, lorfque les Ambaffadeurs Ro, fe laRoi mains arrivérent auprès de lui. Ceux qui portérent la parole, furent Véléfus & Proculus, fur l'un defquels on avoit

cru

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