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étoit la patrie. L'affection pour le lieu qui a donné la naiffance, elt naturelle à tous les hommes: mais il femble que ce fentiment avoit quelque chofe de plus animé & de plus vif dans les Romains, que dans aucune autre nation. Ils a étoient toujous prêts à tout entreprendre & à tout fouffrir pour fon falut. Biens,, repos, vie, gloire même, amis, parens, enfans, ils fe croioient obligés de lui tout facrifier. Et il ne faut pas s'en étonner, ni juger des dif pofitions du Peuple Romain par cellés des autres peuples. A Rome: chaque particulier avoit part au gou vernement: il avoit un intérêt perfonnel à la prospérité de l'Etat, d'où dépendoient fa fureté & fon bonheur. Les fuccès publics étoient fon ouvrage, parce qu'il y avoit

con

Cari funt parentes, cari liberi, propinqui,, familiares: fed omnes omnium caritates pa-

a Pro qua (patria) mori, & cui nos totos dedere,& in qua noftra omnia ponere & quafi confecrare debemus.tria una complexa est.. 1. Offic. n. 57.

2. de Leg.n.5.

contribué par différentes voies: par la fageffe de fes confeils dans les délibérations, par la fermeté de fon courage dans les combats, , par le choix des Généraux d'armée & des Magiftrats dans les Affemblées. Or il eft naturel d'aimer fon ouvrage, de s'applaudir avec complaifance fur le fuccès de fes entreprises, & de s'intéreffer vivement à la conferva tion de tout ce qui nous appartient, & de tout ce que nous poffedons. Les Romains trouvoient tout cela dans le falut de leur patrie; & c'eft pour conferver tous ces avantages. qu'ils facrifioient tout pour elle.

Aucun mauvais traitement ne pouvoit étoufer dans leur coeur cet amour que la nature y avoit imprimé dès leur naiffance, & que l'éducation avoit bien fortifié. On leur inculquoit dès les premiéres années. de l'enfance, qu'un fils ne peut jamais s'acquitter de ce qu'il doit à une mére, quand même elle oublie-

roit les fentimens de la nature : & qu'un citoien est toujours obligé à à fa patrie, quelque ingrate & injufte qu'elle puiffe être à fon égard. De quoi un tel principe ne les rendoit-il pas capables?

Cette difpofition étoit entretenue & cimentée par l'union particu

liére des citoiens entr'eux. C'eft à quoi les premiers Rois, dès le commencement, donnérent tous leurs. foins & toute leur application, convaincus que de là dépendoit le falut de l'Etat. La diftribution des Artifans en différens Corps qui les réuniffoient tous enfemble chacun felon leur profeffion, les devoirs réciproques établis entre les Patrons & les Cliens, c'eft-à-dire entre les grands & les petits, tendoient à ce but, & contribuoient beaucoup à l'union des citoiens malgré la différence d'emplois, & l'inégalité de Amour Conditions.

'de la li UN AUTRE LIEN, encore berté.

plus

plus ferme que le premier, & qui en ferroit les noeuds plus étroitement, étoit l'amour de la liberté. Les Romains aimoient la patrie, parce qu'elle étoit ennemie décla rée de toute fervitude & de tout efclavage. Ils fe figuroient, fous ce nom de liberté, un état où perfonne ne fût fujet que de la Loi, & où la Loi fût plus puiflante que les hommes.

Ce goût Républicain paroiffoit né avec Rome même, & la puiffance des Rois n'y fut point contraire, parce qu'elle étoit tempérée par le pouvoir du Sénat & du Peu ple, qui partageoient avec eux l'autorité du gouvernement. Il est vrai néanmoins que pendant tout ce tems. ce ne fut encore qu'un foible effai de la liberté Les mauvais traitemens de Tarquin le Superbe en ré veillérent vivement en eux l'amour, & ils en devinrent jaloux à l'excès, quand ils en eurent goûté la dou

ceur

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ceur toute entiére fous les Confuls. Il faloit que dès lors cet amour de la liberté fût bien vif & bien violent, pour étoufer dans un pére tous les fentimens de la nature, & pour lui mettre en quelque forte un poignard à la main contre fes propres enfans. Mais Brutus crut devoir fcêler par leur fang la déli vrance de la patrie, & inspirer aux Romains pour tous les fiécles par cette fanglante exécution une horreur invincible de la fervitude & de la tyrannie.

Ce fut l'effet véritablement que produifit cet exemple. Le plus lé ger foupçon contre un citoien de vouloir donner atteinte à la liberté, fefoit oublier dans l'inftant même toutes les grandes qualités, & tous les fervices qu'il pouvoit avoir rendus à fa patrie. Marcius, tout bril. lant encore de la gloire qu'il s'étoit acquife au fiége de Corioles, fut banni pour cette feule raifon. Sp.

Mélius,

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