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Mélius, malgré fes libéralités à l'é gard du Peuple, & à cause de ces libéralités même, qui l'avoient rendu fufpect, fut puni de mort. Manlius Capitolinus fut précipité du haut de ce même Capitole qu'il avoit défendu fi courageusement, & qu'il avoit fauvé des mains des Gaulois, parce qu'on crut qu'il vouloit fe faire Roi. Le fond d'un Romain, pour ainfi parler, étoit l'amour de la liberté & l'amour de la patrie.

JOIGNEZ à ces deux caracté res le defir de la gloire, & l'envie de dominer, vous aurez le Romain tout entier.

pour

la

La gloire, étoit le grand mobi- Paffion le de ces belles actions qui ont fait gloire. tant d'honneur aux Romains. Je ne prétends pas ici les juftifier fur ce point : je marquerai dans la suite ce qu'il en faut penfer. Je a dis

feu

a Civitas,incredibile brevi creverit: tanta memoratu eft, adepta cupido glorie inceffe libertate 2 quantum rat! Salluft.

Defir de dominer.

feulement que c'eft cette vûe, ce motif d'honneur, qui fit prendre en peu de tems de fi merveilleux accroiffemens à la République, depuis qu'elle fe fut mise en liberté. Les fréquens exemples d'amour de la patrie & de dévouement au bien public dont Rome fut témoin dans ce tems de crife, & qu'elle récom penfa d'une maniére fi éclatante, allumérent, non feulement dans la Nobleffe, mais parmi le peuple même, cette noble émulation & ce beau feu de gloire qui fait tout entreprendre, & donnérent le ton, pour ainfi dire, à toute la nation, & pour toujours. Avides a de louanges, ils comptoient l'argent pour rien, & n'en fefoient cas que pour le diftribuer. Ils fe contentoient d'un bien médiocre, mais defiroient la gloire fans mefure.

LE DESIR d'être honoré produit

Laudis avidi, pecu- vitias honeftas voleniæ liberales erant : bant. Salluft, in bello gloriam ingentem, di- ' Catil.

duit pour l'ordinaire celui de dominer. Il paroit beau d'être le maître, de commander aux autres, d'impofer des Loix, de fe faire craindre & obéir. Cette a paffion, naturelle à tous les hommes, étoit plus vive & plus agiffante dans les Romains, que dans aucun autre peuple. On diroit, à voir le ton d'autorité qu'ils prennent d'affez bonne heure, que dès lors ils le croioient destinés à devenir un jour les maîtres du monde. Ils traitoient avec douceur les peuples vaincus, mais en exigeant toujours d'eux une fou miffion marquée. Une premiére victoire conduifoit à une feconde. Pouffant leurs conquêtes de proche en proche, ils alloient toujours en avant, & ne favoient ce que c'étoit que de s'arréter. Tout ce qui

a Ea libido dominandi, inter alia vitia generis humani,meracior inerat populo Rom. S. Auguft. de Civ. Dei, Lib. 1. cap. 30.

b

ne

b Omnia non-serva, & maximè regna, hoftilia ducant.Salluft.in fragm C'eft Mithridate qui parle dans ce paffage, dans le fuivant.

ne se foumettoit point à eux, étoit ennemi; & fur tout les têtes couronnées. La a raifon qui les enga geoit à faire la guerre à tous les peuples, à toutes les nations, à tous les Rois, n'étoit autre, qu'u ne paffion démesurée de dominer. Mais cette ambition étoit couverte d'un voile d'équité, de modération, de fageffe, qui lui ôtoit tout ce qui auroit pu la rendre odieufe. Si les Romains étoient injuftès pour conquérir, ils gouvernoient avec douceur les nations fubjuguées, & elles ne furent jamais plus heureufes que fous leur domination. Ni la Grèce, ni l'Afie mineure, ni la Syrie, ni l'Egypte, ni enfin la plupart des autres provinces, n'ont été fans guerre que fous l'Empire Romain.

LES

a Namque Romanis, | landi, eft, cupido procum nationibus, populis,regibus cunctis, una & ea vetus caufa bel

funda imperií, Salluf. ibid.

la Répu

LES QUALITE's dont j'ai Quelle parlé jufqu'ici, fi propres à faire conftitudes Conquérans, étoient aidées,tion de & foutenues par la conftitution mê-blique me de l'Etat, & par les principeser de politique fur lefquels rouloit le gouvernement des Romains.

Romai

continu

l'un & à

Deux Corps partageoient à Ro- Deux Corps de me l'autorité, le Sénat, & le Peu-l'Etat. ple. Nous les verrons toujours aux Diviprises l'un contre l'autre dans tou-fions te la fuite de l'hiftoire. Une ja-elles enloufie mutuelle, fondée d'un côtétre le Séfur le defir de dominer dans la Ré-nat & le Peuple, publique, de l'autre fur celui de utiles à fe conferver libres & indépendans, l'autre. excitera entr'eux des querelles & & des combats qui ne finiront qu'avec la République même. Ce peuple généreux, qui fe regardoit comme né pour commander à tous fes voifins, ne pouvoit confentir à fe laiffer réduire en une espèce de fervitude par fes concitoiens. De là tant de réfiftances aux entreprises

que

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