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de Plutarque.

Grande modeftis présente naïvement & avec énergie. C'est pourquoi il ne feroit pas d'un homme fsensé de la raconter après lui. Tout ce qu'on doit faire c'eft de rapporter quelques particularitez dignes de mémoire qui lui ont échappé, ou qu'il a obmifes.

63500. pas, c'est

Le lieu donc, où cette bataille de fe donna, environ vingt lieues eft appellé Counaxa, & il est à cinq cent stades de Babylone. Un peu avant le combat Clearque confeilloit à Cyrus de ne pas s'engager dans la mêlée, & de fe tenir derriere les bataillons Macedoniens, & on rapporte que Cyrus lui réBelle réponse de pondit: Que me dis-tu là Clearque? Quoi tu veux que Cyrus à Clearque dans le même tems que je cherche à me faire Roi, je me montre indigne de l'être?

Faute de Cyrus.

Faute encore plus

Cyrus fit là une grande faute de fe jetter au milieu du péril fans aucune précaution. Mais grande dont Plutar- Clearque en fit de fon côté une autre qui n'eft pas moindre, fi elle n'eft même plus grande, c'est qu'il refufa de ranger fes Grecs vis-à-vis du Roi, &

que accufe Clearque.

C'est pourquoi il ne feroit pas d'un homme fenfé de la raconter après lui. ] On voit par tout des marques de la modeftie de Plutarque. Il ne veut pas toucher à la rélation que Xenophon a fait de la bataille d'Artaxerxe contre Cyrus, il trouve cette entreprise infenfée. On connoît des écrivains qui ne font pasfi fcrupuleux,nifi timides. Mais pourquoi Plutarque ne ra conte t'il pas cette bataille commeXenophon,&pourquoi oblige

t'il fon lecteur à aller chercher un autre ouvrage pour s'inftruire, ou à demeurer fans être instruit?C'est que Xenophon étoit alors entre les mains de tout le monde.

C'eft qu'il refufa de ranger fes Grecs vis à-vis du Roi, & de donner où il étoit, comme Cyrus l'avoit ordonné.] Ce reproche, que Plutarque fait à Clearque, qui commandoit l'aîle droite de Cyrus, mérite d'être examiné. Quand les armées furent en bataille, Cyrus,

de donner où il étoit, comme Cyrus l'avoit ordonné,& qu'il approcha fon aîle droite de la riviere,de peur d'être enveloppé par les ennemis qui le débordoient. Car s'il ne cherchoit qu'à fe mettre en fûreté, & qu'il n'eût d'attention qu'à fe garentir lui-même de tout efchec, il auroit encore mieux fait de ne bouger de fa maison. Mais après avoir fait en armes tant de milliers de ftades depuis la mer jufqu'à la plaine de Babylone, fans que perfonne l'y contraignît, & dans la feule vue de placer Cyrus fur le Thrône des Perfes, d'avoir enfuite choifi pour fe mettre en bataille Raifons dont Pluun endroit d'où il ne pourroit fauver fon Général tarque appuye le ve-

qui paffoit le long de la ligne avec
Pigrés fon truchement & trois ou
quatre autres cria à Clearque.
qu'il donnât au milieu où étoit le
Roi, parce que de la dépendoit
tout le fuccès du combat. Mais
comme les ennemis étoient en fi
grand nombre qu'une feule de
feurs aîles tenoit tout le front du
corps
de bataille de Cyrus, & le
débordoit Clearque craignit
d'être enveloppé s'il abandonnoit
la riviere, & il lui répondit,
qu'il ne fe mit en peine de rien &
qu'il auroit foin de faire ce qu'il
faudroit. Plutarque accufe donc
Clearque d'avoir fait une grande
faute de n'avoir pas fuivi l'ordre
de fon Général, & le malheureux
fuccès du combat fait voir que
Plutarque a raifon. Cependant
M. d'Ablancourt veut juftifier
Clearque dans fa note fur cet en-

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droit de Xenophon. Plutarque
dit-il, le blâme dans la vie d'Ar-
taxerxe, comme s'il avoit été caufe
par là de la perte de Cyrus. Mais
il n'étoit pas refponfable de l'éve
nement, & fçavoit bien mieux las
guerre que Plutarque. Voilà deux
mauvaises raifons. Un officier fe
rend en quelque façon.refponfable
de l'évenement quand il fait tout
le contraire de ce que fon Gérreral
lui a ordonné.. Clearque fçavoir
mieux la guerre que Plutarque
je le veux, mais Plutarque la fça-
voit auffi bien que Mi.d'Ablan-
court, & ce qu'il y a de plus fort
encore, Cyrus la fçavoit auffi-bien
que Clearque, & il avoit fort bien
vû que le fuccès du combat dé--
pendoit de cette attaque. Les rai
fons que Plutarque donne de fa
cenfure font très-folides.

Clearque.

Ii eft certain que n'auroient pas foù

les troupes du Roi

tenu l'attaque des Gress.

proche qu'il fait à qui le foudoyoit, mais où il pourroit combattre en fûreté, & tout à fon aife, cela reffemble fort à un homme à qui la vûë du danger présent fait abandonner l'idée du tout, & oublier le but de son entreprise. Car qu'aucun de ceux qui étoient rangez autour du Roi, n'eût foûtenu le choc des Grecs, s'ils l'euffent chargé, & que tous ces gens-là étant renverfez & le Roi tué ou mis en fuite, Cyrus n'eût gagné la bataille, & qu'après La victoire il n'eût été couronné, c'eft de quoi perfonne ne sçauroit douter, & l'évenement même le montre. C'est pourquoi il faut bien plûtôt accufer Clearque d'avoir ruiné les affaires & causé la mort même de Cyrus par fa trop grande précaution, que de s'en prendre à la témerité & Imprudence de à la trop grande audace du Général. Car fi ArClearque dans le choix du pofte où il taxerxe avoit eu à choifir lui-même l'endroit à Je plaça. mettre les Grecs en bataille, afin qu'ils lui fiffent le moins de mal, il n'en auroit jamais pu trouver un meilleur, ni un plus commode que celui que Clearque prit près de la riviere, & fort loin d'Artaxerxe & de ceux qui étoient autour de lui, & d'où il ne put s'appercevoir ni de la défaite d'Artaxerxe, ni de la mort de Cyrus, qui fut tué avant que de pouvoir fe prévaloir de la victoire

Et l'évenement même le montre. ] Carles Grecs furent victorieux de leur côté, & Cyrus fut tué par Artaxerxe, ce qui ne feroit pas arrivé fi les Grecs euffent atta

qué le Roi.

D'où il ne put s'appercevoir ni de ba défaite d'Artaxerxe. ] Car non feulement les fix mille chevaux, qui combattoient devant lui, fu

de

Cyrus loué de l'orà Clearque.

dre qu'il avoit don

de Clearque. Auffi eft-il conftant qu'avant la bataille Cyrus avoit très-bien vû ce qui étoit le plus expedient pour le fuccès de cette journée; car il avoit ordonné formellement à Clearque de donner au milieu où étoit le Roi. Et Clearque après avoir répondu qu'il auroit soin de faire ce qui feroit pour le mieux, ruina & perdit tout. Car les Grecs battirent les Barbares comme ils voulurent, & les chafferent fort loin devant eux. Cyrus monté sur un cheval hardi & courageux, mais qui avoit la bouche mauvaise, on l'appelloit Pafacas, fut rencontré, comme le rapporte Ctefias, , par Artagerses, Général des Cadufiens, qui du plus loin qu'il le vit, pouffa droit ral des Cadufiens. à lui & lui cria, O le plus injufte & le plus infenfe des hommes, toi qui deshonores le nom de Cyrus, qui eft le plus grand nom qui foit parmi les Perfes, tu as fait dans le combat, faire à ces braves troupes Grecques un voyage très-malheureux pour leur abandonner au pillage les biens des Perfes, & dans l'efperance de tuer le Roi ton frere & ton Seigneur, qui a autour de lui un million de Serviteurs d'Efclaves, mille fois plus vaillans que toi &tu vas l'éprouver fur l'heure, car tu vas perdre ici la tête avant que d'avoir seulement vû la face du

Roi,

En finiffant ces mots il lui lança sa javeline de

rent renverfez, mais fes troupes qur le fuivoient furent miles en défordre, & lui bleffé il fut obligé de fe retirer fur une éminence

avec peu de gens. Et c'eft de quoi
Clearque ne put s'appercevoir à
caufe du pofte qu'il avoit pris.

Artagerfes Géné

Difcours qu'il adreße à Cyrus

Cyrus le tuë de ja main.

d'Artaxerxe.

toute fa force. La cuiraffe se trouva de fi bonne trempe, que la javeline ne la perça point, Cyrus ne fut point bleffé, mais la violence du coup fut fi grande, qu'il chancela fur fon cheval, & comme Artagerses faifoit tourner le fien, Cyrus lui lança fa javeline fi heureusement au défaut de la cuiraffe, qu'il lui perça le cou au-deffus de la clavicule. Car qu'Artagerses ait été tué de la main de Cyrus, c'eft de quoi prefque tous les Historiens conviennent. Mais fur la mort de Cyrus, comme Xenophon n'en dit qu'un mot, parce qu'il ne fe trouva pas present au lieu où il fut tué, rien n'empêche que nous ne détaillions ici la maniere dont Dinon la raconte & enfuite celle dont la rapporte Ctefias.

Dinon écrit donc qu'Artagerfes étant tombé du coup, Cyrus pouffa son cheval de furie fur ceux qui étoient en bataille devant le Roi pour Combat de Cyrus le couvrir; qu'il les écarta, qu'il joignit le Roi, qu'il lui tua fon cheval fous lui, & que le Roi étant tombé, Tiribase le dégagea, le monta fur un autre cheval, & lui dit; Seigneur, fouvenezvous toûjours de cette journée, car elle mérite de n'être pas mife en oublie ; que dans ce moment Cyrus pouffant encore à lui le blessa du second coup; qu'après cela il le chargea encore, & qu'à cette troifiéme charge le Roi plein d'indignation, dit à ceux qui étoient près de lui, il vaut beaucoup mieux mourir que de fouffrir tant d'infultes, & pouffa fon cheval contre Cyrus, qui tête baissée & sans

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