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que ce

aucun ménagement fe jettoit au travers d'une grefle de traits qu'on lui lançoit de toutes parts, & le frappa de sa javeline dans le même tems que tous les autres tiroient auffi fur lui. Cyrus Cyrus eft tudo tomba mort, les uns disent fut du coup que le Roi lui donna, & les autres affeurent qu'il fut tué par un Soldat Carien, à qui le Roi, pour le récompenfer de ce grand exploit, donna le privilege de porter un coq d'or au bout d'une pique à la tête de l'armée dans tous les combats; car les Perfes appellent les Cariens des coqs, des crêtes dont ils ornent leurs cafques. Voilà la les Peres. maniere dont Dinon rapporte le fait, & voici celle de Ctesias, que j'ai un peu abregée,

caufe

Privilege de por= bout d'une pique.

ter un coq d'or au

Cariens pourquoi appellez coqs par

Après que Cyrus eut tué de fa main Artagerfes, il pouffa fon cheval contre le Roi, & le Roi vola à la rencontre, tous deux fans dire une feule parole, Ariée, l'ami de Cyrus, frappa le premier le Roi, & ne le blessa point. Le Roi lança sa javeline à Cyrus & le manqua; mais il frappa Tifa pherne, homme d'un grand mérite, & fidéle ferviteur de Cyrus, & le tua. Alors Cyrus lança fa javeline contre fon frere. Le trait perça la cuiraffe, & lui entra environ deux doigts dans l'eftomach, de forte que le Roi tomba de fon cheval. Le de par Cyrus,

Artaxerxe tue Tifapherne. ] Mais Tifapherne étoit un des principaux Officiers d'Artaxerxe même. Y en avoit-il un autre de ce nom dans les troupes de Cy

rus? Je crois que ce nom eft cor-
rompu ici, & qu'il faut rétablir
la

leçon du MS. de la Bibliothé-
que de S. Germain, où on lit Sati-
pherne au lieu de Tifapherne.

Artaxerxe tue
herne, ou plu

Tifapherne,
tôt Satipherne.

Artaxerxe blessé

fordre fe met dans fes troupes, elles prennent la fuite, & lui s'étant relevé, il gagna avec un petit nombre de ses gens, parmi lefquels étoit Ctefias, une petite éminence où il fe tint en repos. Cyrus environné d'ennemis, fut emporté fort loin par Cyrus emporté fon cheval qui prit le mords aux dents. Comme il

par fon cheval.

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étoit déja nuit, les ennemis ne purent le reconnoître, & fes gens étoient fort en peine, & le cherchoient avec grand foin. Mais enflé de fa victoire, & naturellement plein d'impetuofité, de feu & d'audace, il alloit çà & là au travers des ennemis, leur criant en langage Persien, Ouvrezvous, pauvres gens, ouvrez-vous. Comme il repetoit cela à tout moment, la plûpart s'ouvroient pour le laiffer paffer, en lui donnant des marques de leur refpect. Mais la tiare qu'il avoit fur la tête, tomba malheureusement, & un jeune Perfe nom11 eft bleßé par mé Mithridate, paffant par hazard près de lui, le nommé Mithrida- frappa de fa javeline à la temple près de l'œil fans le connoître. Il perdit tant de fang par cette plaïe, que bien-tôt il fut saisi d'un vertige ténébreux, tomba à terre évanoui, fon cheval s'échappa & s'enfuit errant par la plaine. Le tapis qui le couvroit étant tombé, un Efclave de celui qui l'avoit blessé le ramassa tout fanglant.

un Soldat Perfe

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&

Quand Cyrus fut un peu revenu de fa défaillance avec affez de peine,quelques Eunuques qui l'avoient suivi en petit nombre, tâcherent de le mettre fur un autre cheval & de le fauver. Mais comme il n'avoit pas la force de fe tenir à cheval,

il crut qu'il iroit mieux à pied, & fes Eunuques le prenant fous les bras lui aidoient à marcher. Il avoit la tête fi étonnée de fa bleffure, qu'elle panchoit fur fon épaule, & ne pouvant se soûtenir fur fes pieds, il bronchoit à chaque pas. Mais il étoit ranimé par la joye de la victoire, qu'il croyoit avoir remportée; car il entendoit de tous côtez les fuyards qui appelloient Cyrus leur Roi, & qui demandoient quartier.

par

Cauniens, de la dans la Carie miferables, qui fui

ville de Caunus

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voient l'armée du Roi comme des goujats.

Cyrus avoient des

Celles du Roi en

Dans ce moment quelques Cauniens, gens miferables, qui fuivoient l'armée du Roi, gagnant leur vie à rendre les fervices les plus bas & les plus abjects, se trouverent hazard mêlez comme amis parmi les gens qui étoient autour de Cyrus. Mais enfin ayant reconnu avec peine les cottes- Les troupes de d'armes rouges que fes gens portoient, ils virent cottes d'armes rouque c'étoient des ennemis, car les troupes du Roi ges. en portoient de blanches. L'un d'eux eut l'audace de donner par derriere un de fa javeline à ches. Cyrus fans le connoître. Le coup donna dans le jarret, & lui coupa le nerf. Cyrus tombe, & en tombant fa temple bleffée donne contre une pierre, & il rend l'esprit fur le moment. Voilà comment Ctefias raconte la mort de Cyrus. Et fon recit eft comme un poignard émouffé dont il le tuë enfin avec des peines infinies.

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coup

ble & laborieux que Ctefias fair
de la mort de Cyrus, où après
bien des avantures tragiques il est
cufin obligé d'avoir recours à tu

portoient de blan

Cyrus tué par un Caunien, felon Ctefias.

appellé l'œil du

Roi.

&

Cyrus ne venoit que d'expirer, lorfqu'ArtafyArtafyras Officier ras, qu'on appelloit fail du Roi, paffa à cheval près du lieu où il étoit. Il reconnut les Eunuques, qui témoignoient une grande affliction & qui fondoient en larmes. Il s'adressa à celui qui paroiffoit le plus fidéle & le plus attaché à son Maître, lui dit, Parifcas, qui eft celui que tu pleures ainfi affis près de lui? Eh, Seigneur Artafyras, lui répondit Pariscas, ne voyez-vous pas que c'eft Cyrus qui eft mort? A ce mot Artafyras étonné, exhorta l'Eunuque à avoir bon courage, & à garder bien le mort, le quittant il pique à toute bride, & va trouver Ilus apprendre Artaxerxe qui désesperoit déja de ses affaires & croyoit tout perdu, & qui étoit dans un grand abattement, tant par la foif qui le brûloit, que

au Roi la mort de Cyrus.

miferable Caunien, qui ne le tue
pas même & qui ne le bleffe qu'au
jarret.Cyrus tombe,& en tombant
il ne meurt que du coup qu'il fe
donne à la tête bleffée, ce qui eft
très-ridicule.

Lorfqu' Artafyras, qu'on appel-
loit l'œil du Roi. ] Les Rois de
Perfe avoient des Miniftres que
l'on appelloit les yeux du Roi,
c'étoient ceux qui lui rappor-
toient tout ce qu'ils avoient vû
dans le Royaume, & d'autres
qu'ils appelloient les oreilles du
Roi, c'étoient ceux qui lui rap-
portoient tout ce qu'ils avoient
entendu, Car les Rois ne peuvent
ni tout voir, ni tout entendre par
eux-mêmes, & ils ont befoin de
fecours; c'est pourquoi Ariftote

&

loue cet ufage dans le xvi. chap. du III. Liv. de fa République. Il eft peut-être abfurde, dit il, de penfer qu'un homme feul voye mieux avec deux yeux, qu'il entend mieux avec deux oreilles, & qu'il agit mieux avec deux pieds & deux mains, que plufieurs avec plufieurs. C'est pourquoi auffi nous voyons que les Monarques fe font plufieurs yeux, plufieurs oreilles, plufieurs pieds, & plufieurs mains & que ceux qui font affectionnez & à eux & à leur Royaume, its les affocient à leur Empire, &c. Ariftophane ne laiffe pas de plaifanter fur ce titre d'œil du Roi dans fes Acharnenfes, act. 1. fe. II. & III.

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par la bleffure qu'il avoit reçûë, & l'approchant
il lui crie avec un tranfport de joye, qu'il venoit de
voir Cyrus mort. D'abord le premier mouvement
du Roi fut de l'aller voir lui-même, & il com-
manda à Artafyras de le mener fur le lieu. Mais
comme tout étoit rempli de crainte & d'effroi, à
cause du bruit qui s'étoit répandu que les Grecs
avoient tout vaincu de leur côté, & qu'ils étoient
encore à pourfuivre les fuyards, & à tout passer
au fil de l'épée, il changea d'avis, & jugea plus
2 propos d'y envoyer un plus grand nombre de
gens qui verroient fi la nouvelle étoit vraye, &
qui lui en feroient le rapport. Il y envoya donc
trente hommes avec des flambeaux. Et comme il
étoit fur le point de rendre l'ame par la grande
foif qu'il enduroit, l'Eunuque Satibarfanes fe mit
à courir çà & là pour chercher de l'eau, car il n'y
en avoit point dans la plaine, & le camp étoit fort Roi
éloigné. Enfin après avoir bien couru, il rencon- foif.
tra par hazard un de ces pauvres Cauniens, qui
portoit dans une méchante outre toute rapiecée,
environ huit verres d'une méchante eau toute
corrompuë. Satibarsanes la prit & la porta au Roi,
qui la but toute entiere. Après qu'il eut bû, l'Eu-
nuque lui demanda, fi cette boiffon ne lui avoit pas
paru bien mauvaise, & le Roi lui jura par tous fes
Dieux, que jamais il n'avoit bû avec tant de plaifir le vin
Le plus délicieux, ni l'eau la plus claire & la plus légere ;
j'en fuis fi content, ajoûta-t-il, que fi je ne puis trou-
ver celui qui te l'a donnée pour le récompenfer, je prie les

L'Eunuque Satibarfanes apporte de

Peau corrompue au qui étoit sur le

point de mourir de

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