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Son fiftême furla Poëfie eft fi abfurde, dit l'Auteur, qu'on a presque mauvaise grace de le combattre ; je ne me rapelle pas quel eft ce fiftême, fi ce n'eft l'ocafion où M. de la Motte a avancé qu'on pouvoit faire en Profe une belle Tragédie, & même d'autres Piéces poëtiques; par la commodité de n'être point affujéti aux regles génantes de la verfification; fur quoi l'Auteur dit que les antraves mises à la poëfie, ne font antraves que pour les hommes mé diocres.

Après ces réflexions générales; M. D. S. M. vient aux petits Poëmes François en particulier; il commence par l'Eclogue, & pour raprocher fes idées du ton qui convient à ce Poëme, il déclare qu'une de fes folies eft l'Eclogue; on feroit heureux de n'en point avoir de plus dangereufe: peutêtre, ajoûte-t'il, il y a de la fottife à moi de m'occuper de pareilles chimeres; à quoi il répond, qu'il n'y a de bon dans le monde que les chiméres, & il donne fa parole de n'en manquer pas une. Du refte, il

fe doute bien que les Bergers ne font pas tels qu'on les repréfente dans l'Eclogue. Je fçaurois bien, dit il, fi je voulois, que ceux qu'on y peint font imaginaires, mais je ne veux pas le fçavoir.... Mon avidité à gouter le plaifir fait le refte, & je ne me chicane pas fur mon bonheur. Il avoue néanmoins qu'il a l'imagination aifée à bleffer, & qu'il ne faut pas compter fur fon ardeur pour le plaifir; car à moins qu'on ne lui tienne la tête ferme, es qu'on ne lui fixe les yeux fur le plaifir même, il a le chagrin de le voir échaper. Il donne un exemple de fon malheur par une Eclogue de M. de de Fontenelle dont les fix premiers vers le touchent pour le Berger introduit dans l'Eclogue; mais peu-à-peu il fe refroidira à l'égard du Berger; parce que le Berger dit de jo lies chofes dans la fuite, & qu'il fe plaint avec élégance. Il critique donc un vers de cette Eclogue où il eft dit,

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Quand on a le cœur tendre, il ne faut point qu'on aime.

Notre

Nôtre Auteur trouve la maxime des plus ingénieufes, nous n'en voyons point, dit-il, de fi bien tournées dans les Maximes de la Rochefoucault; mais il juge que M. de Fontenelle peche contre les leçons qu'il a données luimême fur l'Eclogue, de faire parler les bergers d'une maniere très-fimple.

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L'Auteur après avoir rapporté une Eclogue dont il reléve la naïveté & la fimplicité, & qui n'eft point en Dialogue, nous dit que les Eclogues en récit font bien plus faites pour plaire, que celles qui font en Dialogue; celles-là,dit-il, ayant communément un deffein & une espéce de nœud, ce qui caufe un trouble agréable,& forme un intérêt qui jette dans des craintes heureufement calmées par une iffuë qui vous renvoye content. Voilà des prérogatives finguliéres à quoi bien des gens n'avoient peut-être pas penfe; non plus qu'à un défaut qu'il trouve dans une autre Eclogue de M. de Fontenelle; fur quoi il avance une forte de paradoxe au fujet de ce défaut ; fçavoir, Janvier 1734.

F

qu'il fait bien de l'honneur à M. de Fontenelle; car, dit-il, on n'en eft pas choqué la moitié de ce qu'on en devroit être; & même ceux qui n'ont pas le fentiment délicat, ne le font point du tout: mais felon lui, les expressions de cette Eclogue font des fimptômes groffiers d'une fauffe agitation, qui ont ce qu'il faut à eux tous feuls pour nous agiter. Quelqu'un demandera peut-être fi en cas que nous en foyons effectivement agitez, fi, dis-je, ce fera une fauffe agitation, ou feulement une agitation qui ne feroit pas bien placée? à quoi l'Auteur répond que les figures produifent une espéce de chaleur vive &belle qui vient de l'accord des chofes avec la maniere dont elles font dites. Du refte, M. D. S. M. voulant expliquer la nature de l'Eclogue dit que M. de Fontenelle lui a enlevé tout ce qu'il avoit à en dire; c'est pourquoi ila raporté plufieurs pages du Difcours fur l'Eclogue de cet Auteur célébre dont Monfieur R. D. S. M, fait alternativement l'objet de fon admiration & de fa critique: car après en avoir exalté la précision &

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la netteté, il trouve que fon efprit (de M. de Fontenelle) épuifé fur la forme, fe néglige fur le fond des chofes il faut, difoit celui-ci, que les bergers ayent de l'efprit & de l'efprit fin; mais jufqu'à un certain point: & notre Auteur reprend, à quoi penfe M. de Fontenelle de vouloir que les bergers ayent de l'esprit fin: loin de leur en demander, je les prie- rois de n'en avoir point du tout. Mais pour tirer quelque plaifir de cette fineffe d'efprit que prête M. de Fontenelle à des bergers, notre Auteur ne pourroit-il point pratiquer ce qu'il a dit plus haut: Je fçaurois bien, fije voulois, que ce font des perfonnages imaginaires, mais je ne veux pas le fçavoir par mon avidité à goûter le plaifir. Quoiqu'il en foit, je veux un › peu de mal à M. de Fontenelle, conclut-il, de nous avoir gâté l'Eclogue, & d'avoir fait un difcours qui tend indirectement à juftifier le fard & les faux ornemens dont on peut charger l'Eclogue. Pour moi, ajoûte - t'il., je ne le Jouffrirai pas; c'eft à M. de Fontenelle & à fes admirateurs de prendre là

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