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à tous, parce que nous feavons tirer une belle chaîne de conféquences. Il n'eft plus question de ces belles figures qui enlevent l'ame, de ces tours vifs qui peignent & infinuent la vérité. Quand nous immolons tout à une raifon fèvére, nous difons que nous avons de la précision, mais n'eft-ce point de la fécheresse?

La deuxième Lettre regarde parti culiérement la décadence du goût: elle eft ici attribuée à ceux, qui attentifs à n'avoir rien de commun avec leurs Prédéceffeurs, fe font écartés du chemin ; écart que nous avons été affez fots d'admirer; le nouveau nous a éblouis par fon éclat, fans voir ce qu'il a de vicieux... Le bon côté joint au nouveau nous accoûtume infenfiblement au mauvais. Sénéque gâta l'éloquence Romaine, parce que , parce que malheureusement il étoit homme de beaucoup d'efprit ; ce qui produifit un ftile lâche & fans douceur, mais propre à ébloüır. Ainfi périt la fimplicité de Ciceron.

Au reste, le goût de la Poëfie,felon l'Auteur, dégénera dès le fiecle d'Augufte par les Poëfies d'Ovide, dont

le grand défaut étoit l'abondance des tours & d'avoir toûjours de l'efprit: Ce fut par cette feule envie de briller, que ne pouvant être meilleur qu'Horace & Virgile, il voulut fe diftinguer. L'Auteur qui fuppofe ces intentions à Ovide, en attribuë de pareilles à un homme, lequel aujourd'hui a peutêtre en France la plus grande reputation de litterature dans les genres les plus oppofes; on voit que c'eft M. de Fontenelle. On pénétre ici bien avant dans fes intentions, & apparemment au-delà du but, quand on dit de lui, que plein du projet qu'il avoit formé de changer le goût, & né avec les talens propres à y réuffir fans expliquer fes deffeins, il effaïa de décrier les plus grands hommes de l'antiquité, &c. D'ailleurs, il acheve un portrait fort beau & fort vrai de cet illuftre Auteur, & dont les traits avantageux fuffifent feuls à tenir contre les défauts qu'on voudroit lui trouver : car enfin, ces défauts vrais ou prétendus, ne fe rencontrent qu'en des ouvrages deftinés à divertir l'imagination,autant que la raifon;

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& dans ceux où il ne s'agit que de parler à la raifon, tout le monde avoue qu'il le fait avec une méthode & une clarté, qui peut fervir de modéle aux ouvrages les plus fçavans & les plus judicieux. Mais dans les talens mêmes de M.de Fontenelle, M. D. S. M. trouve le principe de la décadence du goût en France. On a voulu l'imiter, dit-il, on n'a pu atteindre à ce qu'il a d'excellent, on n'a pris que ce qui est défectueux. On voulut, poursuivit nôtre Auteur, être enjoué quand il falloit être chaud. L'Auteur tombe ici de nouveau & plus fortement qu'auparavant fur feu M.

de la Motte.

Dans la troifiéme Lettre fur le goût l'Auteur en attribue encore la décadence à un efprit d'interêt, d'intrigue, de manége & de cabale qui s'eft introduit: ce qui a mis comme hors de mode les Ecrits merveilleux que nous a fourni le fiecle paffé: il nous fait cependant la grace d'avouer que la dépravation du goût n'eft pas générale en France; & c'eft un bonheur, car fans cela, à qui en appelleroit-il

pas

pour avoir justice de fon zéle ? Quoiqu'il en foit, le Livre dont nous parlons, contient beaucoup de pensées fines & recherchées, avec beaucoup de problêmes curieux, qui ne feront réfolus d'une maniére unanime. Pour le ftile de l'ouvrage il est trèsfamilier, & plus ordinaire dans une converfation égayée, que dans un livre férieux, comme on l'a pu remarquer. Auffi étoit-ce l'intention de l'Auteur, comme il l'avoit déclaré d'abord, de faire un amufement ingénieux, qui cachât à fes Lecteurs l'air de maître & de précepteur ; il l'a caché avec fuccès.

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ARTICLE V.

AURORE ET PHOEBUS, Hiftoire Espagnole. A Paris, chez André Morin, ruë Saint Jacques, à l'Image S. André 1733. in-12. pag. 143.

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penchant aux chiméres. Celui-ci s'annonce lui-même par le titre de Phébus ; fi on y joint celui d'Aurore,c'cft l'Aurore du Phébus, & d'un Phébus moins dans les mots que dans les chofes où l'on n'a cherché place ni à la vérité ni à la vrai-femblance, mais au grand loifir de l'Auteur & des Lecteurs. On ne s'attend pas que nous faffions une analyfe fuivie des. avantures qui font rapportées dans le Livre. Il fuffit pour juftifier la difpofition des efprits raisonnables rapport à ces fortes de productions Romanefques, d'indiquer les premiéres démarches de Phébus.

par

Il entreprend un voyage fans qu'on foit inftruit d'où il vient & où il va. Il fait naufrage, & fe fauve fur la vafe. Au même tems il voit tomber du haut de la côte dans la mer, un homme que dans la fuite on appelle Dom Henrique. Phébus le faifit par par fon habit, le tire à terre & le trouve fans connoiffance. Phébus en fut affligé, c'étoit un bon cœur. D'ailleurs, la bonne mine & les riches habits de l'Inconnu, lui font

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