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juger que c'étoit un homme de quafite. Phébus apperçoit que Henrique eft bleffé à la tête. Sa charité lui fait craindre qu'il n'ait d'autres blessures cachées, il déboutonne fon jufte-aucorps, & lui trouve avec la Croix de l'Ordre de Saint Jacques une boëte à Portrait. Il l'ouvre, & croit y trou→ ver le vifage d'une perfonne du fexe qu'il aimoit; il n'en faut pas davantage pour lui faire oublier l'homme de qualité qu'il venoit de fecourir au péril de fa vie. Que tout cela eft naturel & touchant! Mais la fortune

eft plus charitable que Phébus, elle rend le fentiment à Dom Henrique qui ouvre les yeux, & voit ceux de Phébus fondre en larmes; il ignore le fujet de fa douleur. Mais il prend le ton de Philofophe, & tâche de le confoler par des réflexions morales, Il lui demande la caufe de fes pleurs Phébus accablé du poids de fes malheurs, ne fcait par où en commencer le récit ; à la fin il fe reffouvient de la bleffure de Dom Henrique, il l'invite à paffer avec lui dans quelque endroit du pays où ils puiffent trou

ver du fecours; fur quoi ils s'embraffent avec une démonftration de tendreffe, que fit apparemment naître la fympatie. Dans ce moment même arrive un domeftique de Dom Henrique qui lui apporte un billet avec d'autres lettres, c'étoit un billet doux. Cependant Dom Henrique méne fon nouvel ami dans un château, ils s'y repofent l'un & l'autre un jour ou deux, Dom Henrique oublie qu'il avoit un voyage important à faire, il demeure & pour apprendre l'hiftoire de Phébus, & pour lui raconter la fienne propre. On voit affez qu'ils font tour à tour le récit de leurs bel les inclinations, récit qu'on ne doit toucher dans un Journal que pour en faire voir l'inutilité dangereufe.

ARTICLE VI.

HISTOIRE

J

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MACARONIQUE de Merlin Coccaie, Prototype de Rabelais, avec l'horrible bataille des Mouches & des Fourmis. Deux Vol. in-12. chacun environ 400 pages fans nom d'Imprimeur. 1734

B.

Amais Ouvrage n'a été présenté au Public auffi nud que celui-ci. Quelque peu connus que foient & l'Auteur & l'Ouvrage, l'Editeur n'a feulement pas pris la peine de les faire connoître dans un Avertiffement, ni de prévenir les Lecteurs fur la nature d'une production fi finguliére. Nous allons y fuppléer.

Pour peu qu'on ait frequenté les Colléges, on fçait ce que c'eft que le ftile Macaronique. C'eft une façon de compofition de Vers Burlesques, qui confifte à habiller des mots François en terminaifons Latines, en confervant avec ce ftile bouffon toute la gravité apparente d'un Poëme épique. Par exemple, au lieu de faltare,

occidere,

occidere, pugna, dire danfare, tuare, batailla, voilà où eft l'efprit, & avec une vingtaine de mots pareils on feroit pâmer de rire tous les Pedants d'une Province. A parler férieufement, on a de la peine à concevoir que le premier Auteur qui a pu fans rougir avouer de pareilles productions, ait eu des imitateurs; mais l'Hiftoire Litteraire ne nous permet pas d'en douter. Cette maladie Macaronique après avoir pris naissance en Italie dans le cerveau d'un Moine bouffon, infecta d'abord les Pays voifins ; & elle a auffi depuis attaqué dans le dernier fiecle quelques cervelles Françoifes mal timbrées. De la nous font venus les deux Poëmes d'Antonius de Arena Provençalis, de bragardiffimâ villa de foleriis. Le premier, de arte danfandi. Le fecond, de guerra Napolitana. De là nous eft encore venu le Poëme de M. Frey fur une émeûte de payfans à Ruel. Recitus veritabilis fuper terribili emeuta Païsanorum de Ruellio, où on lit ces beaux Vers:

Mufæ nudipedes,feu vos ad littora chattou Janvier 1734.

G

Gardetis vaccas, feu dejeunetis in agris.... Dicite cur animis tantæ vigneronibus iræ.

,

Mais quelque admirables que ces Vers ayent paru aurefois à Naudé même, tout fçavant & tout homme d'efprit qu'il étoit, il faut avoüer qu'ils font fort au-deffous de leur modéle, c'est-à-dire, de ce Merlin Coccaie dont il eft ici queftion & dont nous allons dire deux mots en avertiffant, que fi nous le faisons, ce n'eft nullement par eftime pour fon ouvrage, mais pour fatisfaire les curieux, qui peuvent regarder comme un point d'érudition litteraire, de connoitre l'origine de ce ftile burlefque.

Merlin Coccaie eft un nom fuppofé, fous lequel il y a deux cens ans qu'un Moine Bénédictin natif de Mantouë & nommé Théophile Folengio publia divers Ouvrages Poëtiques. S'il eft vrai que cet Auteur ne manquoit pas d'efprit, il eft difficile d'en faire dans un ouvrage un abus plus étrange. Né avec une imagination vive, & naturellement tournée à la bouffonerie,

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