mefures, comme s'ils n'y comptoient pas.

Les premieres découvertes d'Ifles & de Ports placés en haute Mer & comme préparés pour le naufrage dans la tempête, ranimerent les Marins de la Cour de l'Infant, & reveillerent les Portugais. Chacun s'offrit au Prince pour exécuter de nouveaux ordres. Mais ce fut alors que l'envie fe reveilla auffi : & un Prince même inventeur n'en devoit pas être exempt. Car tandis que l'affaire fe paffoit entre quelques Sçavans & quelques Pilotes on n'en prenoit point d'ombrage. Mais une Nation entiere qui commence à s'intéreffer pour le fuccès, intéreffe l'envie à la contradiction.

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Enfin il s'éleva des murmures de toutes parts. La Cour fe dechaîna avec une efpece de fureur contre la chimere d'un nouveau Monde, d'un Ocean navigable d'un commerce établi au delà des Mers, contre les dépenfes exceffives de toutes ces entreprifes, contre les rifques d'une infinité de bons Sujets & de Vaiffeaux

qui y periffoient. Un Inventeur a toûjours tort devant le Peuple qui lui applaudit d'abord, mais qui l'abandonne dès qu'il eft accufé. Le Prince eut donc une véritable perfe cution à effuyer, & bien des apo logies à faire auprès du Roy, qui, quoique fon frere, pouvoit être fufceptible d'une paffion dont les Prin ces mêmes & les Princes les plus alliés par le fang ne font pas les plus exemts. Heureufement pour l'Infant, le Roy laiffa dire le Peuple, & penfa en Roy, & la Cour fit fon perfonnage d'aprouver par flaterie, ce que la jaloufie lui avoit fait critiquer.

Après s'être affûré de la Cour de Portugal, l'Infant penfa à s'affûrer des autres Cours qui commençoient auffi à fe reveiller, furtout la Cour d'Espagne. 1 crut que pour n'en être point traverfe, il lui fuffifoit de mettre le Pape dans fes interêts. Il envoya donc à cet effet un Ambaffade à Rome, & obtint du Pape le Privilege exclufif de conquérir & de poffeder tout ce qui viendroit à la fuite de ces premieres Conquêtes.

Au reste nous ne faifons qué rapporter le fait, fans vouloir toucher à la queftion de droit.

Bientôt après il fe forma des compagnies d'Intereffés pour faire les frais des armemens avec les droits de quint & autres que le Roy de Portugal attribua au Prince fous les aufpices duquel fe formoient ces afsociations; & les découvertes commencerent d'aller rapidement, d'autant mieux qu'à mefure que les courages fe fortifioient pour l'entreprife, la navigation fe perfectionoit toûjours pour l'exécution. Car il ne faut pas oublier que c'eft aux Portugais & à I'Infant Dom Henri que nous fommes redevables de la perfection où toutes les parties d'un fi bel Art font montées. Toutes les Nations enfuite y ont mis la main; mais voilà les premieres mains & celles mêmes qui y ont le plus travaillé. L'Hiftoire de ces progrès feroit une chofe infiniment curieufe & utile.

On pénétra jufqu'au Cap verd, & à l'Ile Gomere, l'une des Canaries. Le fort de ces Ifles fut long-tems

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incertain. Les François, les Efpagnols, les Portugais fe les approprierent tour à tour: elles furent enfin adjugées aux Caftillans.Et comme ceux-ci commencérent bien-tôt à entrer dans le plan des nouvelles décou→ vertes, le Pape pris pour arbitre, tira une ligne meridienne Nord & Sud, dont l'Orient fut attribué aux Portugais, & l'Occident aux Efpagnols on ne prévoyoit peut-être alors, que dans un globe les extrémités fe touchoient, & que tôt ou tard ces deux Nations en prenant deux routes oppofées aboutiroient au même point comme il arriva aux Molu ques, où le choc fut affez violent. L'Infant ne fe contentoit pas de découvrir. Sa principale attention étoit à faire des établiffemens folides, à peu pler les terres, à les défricher, à les fertilifer, à y jetter des beftiaux, à civilifer les Peuples, à les rendre hommes & Chrétiens. ; enfin à fonder par tout un bon commerce. Il n'y a forte de devoir d'Inventeur, de Conquerant, de Fondateur, de Legiflateur qu'il ne remplît. De forte qu'à

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fa mort qui arriva en 1463. à l'âge de 67 ans, le Roy Jean fecond qui fut fon heritier, fe trouva maître d'ajoûter à fes titres celui de Roy de Guinée & de Côte d'Afrique, & en état d'aller plus loin jufqu'aux extremités de l'Orient.

Ce Roy fe propofa deux chofes qu'il ne perdit jamais de vue en fuivant le plan de Dom Henri : la premiére, de découvrir les Etats du Celébre Prête ou Prefte-Jean; la feconde de penêtrer dans les grandes Indes & il faut dire que s'il n'atteignit pas ce double but

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il mit fon Succeffeur en état de l'atteindre & de jouir à loifir de fa découverte.

Le fameux Covillan à force de tourner l'Afrique du côté de l'Europe & de l'Afie, penetra dans l'Ethiopie par l'Egypte mais il y fut arrêté & s'y fixa fans qu'on eût de long tems au→ cunes de fes nouvelles, ni de fon Prefte-Jean qu'on croit être le même que le Roy de cet Empire Abyffin.

Diaz tournant l'Afrique par l'Ocean arriva au Cap Tourmente, que le Roy fur des vues plus étendues