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AVERTISSEMENT

DE L'ÉDITEUR,

IL est inutile d'avertir le Lecteur que la Phyfique & l'Histoire Naturelle n'avoient pas fait du temps de Séneque &. des anciens Philosophes, les mêmes progrès que la Morale. Celle-ci, fondée fur la nature de l'homme, sur ses befoins physiques qui font les mêmes dans tous les temps, & fur des relations sociales qui fubsistent plus ou moins chez tous les Peuples, même les plus sauvages, a dû nécessairement être plutôt sultivée, que toutes les autres Sciences, dont l'utilité, d'ailleurs très-réelle, exige pour être sentie, certaines connoissances préliminaires qu'on n'acquiert que par le temps & par le travail, & qui supposent un Peuple déja policé: mais il n'en est pas de même de la Morale dont les avantages font présents à tous les Tome VI.

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hommes: ils en jouissent dans tous les momens, & les touchent, pour ainsi dire, par tous leurs sens, parcequ'ils ont une qualité générale & commune qui se développe en eux sans le secours d'aucune espece d'instruction, & qui les met dans une dépendance nécessaire & continuelle les uns des autres : cette qualité est la sensibilité physique. C'est elle qui est la vraie fource & la base de la Morale : c'est elle qui modifie dans l'homme ce que l'amour de foi mal entendu & pouffé à l'excès, a de trop actif, & souvent même de dangereux : c'est par elle enfin que, fi le méchant aveuglé par ses pafsions déréglées, ne voit pas qu'il est de son intérêt d'être bon, humain, bienfaisant, il fent du moins au fond de son cœur qu'il lui importe beaucoup de rencontrer ces qualités dans ceux avec lesquels il vit, & que fon bonheur & fa vie même en dépendent.

Telles font en partie les causes qui ont rendu plus ou moins communs chez tous les Peuples, les principes généraux de la Morale, & qui en ont accéléré les progrès, relativement à ceux de leur civilisation, tandis que, chez la plupart de ces mêmes Peuples, les autres Sciences dont l'objet est plus spéculatif encore que pratique, ont toujours été ou entiérement ignorées, ou sont restées dans l'enfance, parceque l'homme avant d'avoir le defir & même le besoin de connoître, a celui de se conserver, & d'être heureux par-tout où il est. Or il est évident que de cet amour de sa conservation & du plaifir qui font les premieres loix dans l'ordre de la Nature, & dans l'ordre social, il en résulte nécessairement pour tous les hommes, une morale fort courte ou très-étendue, simple ou compliquée, grossiere ou très-réfléchie, vraie ou fausse, 'douce ou sévere, utile ou dangereuse, selon le génie des Peuples, leur genre de vie, leurs besoins, leurs usages, leurs mœurs, leur religion, leurs loix, la nature de leur climat, l'étendue de leur pays, & leurs relations locales'; en un mot, felon l'influence nécessaire d'une infinité de causes physiques & morales, dont l'énumération n'est pas de mon fujet.

Ne foyons donc plus étonnés de trouver les Orientaux, les Grecs & les Romains fi avancés en Morale, & fi peu instruits en Physique, en Histoire Naturelle, en Astronomie, & en général fur toutes les Sciences qui ne laissent que peu de prise aux conjectures, & qui exigent du sang froid, de la patience & même une forte d'opiniâtreté. Des Peuples doués, comme eux, d'une imagination vive, forte & presque toujours exaltée, n'aiment ni les faits qui les captivent, ni les expériences quiles forceroient de se déplacer : ils s'accommodent plus aisément des indépendances, & des généralités des Sciences abstraites, telles que les Mathématiques, l'Algebre & la Géométrie quiles transportent, pour ainfi dire, dans un monde idéal, d'où ils peuvent remuer l'Univers,

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