donnent les saintes Ecritures, le faint Esprit lui-même habitant en nous, & nous en lui, poffedant notre ame, & en étant pofsedé, se l'unissant à lui-même, & s'unissant à elle, la gouvernant & la régissant, felon cette Rom.v111. parole de l'Apôtre: Qui spiritu Dei aguntur, ii funt Filii Dei. Les enfans de Dieu font ceux qui font pouffés & conduits par Son Esprit. 14. C'est dans cette charité active & agissante que consiste la juftice chrétienne; & il faut bien fe garder de concevoir la charité qui nous rend justes aux yeux de Dieu comme une qualité morte & oisive: c'est un feu qui ne tend qu'à l'action, & qui n'est donné que pour l'action. Le véritable Chrétien eft donc celui qui comprenant combien il est juste d'être soumis à Dieu & à sa justice, s'y assujettit de tout fon cœur ; & qui par la force de cet afsujettissement détaché de lui-même & de toutes les créatures, ne cherche en tout qu'à plaire à Dieu, & non à contenter fon inclination, fon humeur, son goût, sa volonté propre ; & ne tend dans tous ses defirs, dans tous ses deffeins, & dans toutes fes actions qu'à Dieu comme à fon souverain bien, & à la fin de tout fon être. Telle est la vraie justice. Tel est l'état de grace. Or les affections les plus veritables, les plus intimes & les plus efficaces n'étant pas toûjours réfléchies & actuellement apperçûës comme on le voit dans l'amour de la béatitude, qui, quoi qu'on ne fasse pas toûjours réflexion qu'on veut être heureux, & qu'on n'agit 1 que pour cela, est cependant le mobile general de toute notre vie; vous comprenez, MES CHERS FRERES, que pour vivre continuellement de cette justice, il n'est pas necessaire de faire fans cefle & à cha que action des actes exprès & réfléchis d'amour de Dieu; & que les veritables justes ne laissent pas d'agir par amour pour Dieu, de tendre à lui comme à leur vrai bien & fin derniere, & de chercher à faire fa volonté en tout, dans le tems même qu'ils ne pensent pas expressément à Dieu. Cependant comme nous portons en nous-mêmes une malheureuse concupifcence, qui fait de continuels efforts pour nous détacher de Dieu, & pour nous attacher à nous-mêmes & aux créatures; étant par notre , corruption naturelle enclins à nous rechercher nous-mêmes, & à préférer notre goût & notre volonté propre à la volonté de Dieu nous perdrions bientôt cette justice, si nous n'avions foin de produire souvent des actes exprès d'amour de Dieu; fi nous ne faisions de continuels efforts pour l'augmenter & le conferver en nous ; fi à l'exemple de David nous ne nous occupions nuit & jour de sa justice & de sa loi; en un mot fi nous ne nous excitions pas fans cesse à l'aimer de plus en plus, en faisant des actes exprès d'amour, ainsi qu'il nous est commandé par le premier précepte. Car ordinairement on ne tombe pas tout d'un coup dans les crimes qui font perdre la juftice. C'est faute d'entretenir la , vie, que l'on tombe enfin dans la mort. En négligeant de penfer à Dieu, & de s'exciter à l'aimer on en vient jusqu'à l'oublier entierement. Le feu de la charité s'éteint peu à peu, fi on n'a foin de le ranimer. A mesure qu'il s'éteint, la cupidité s'enflamme & prend des forces. Enfin elle prend le dessus; on préfere sa propre fatisfaction à la Loi de Dieu, un plaifir criminel à fon amitié: & cet amour déréglé & injufte qui a fait le crime par lequel on a merité que l'Esprit faint se retire, demeure dans l'ame après l'action qui passe, s'empare de toutes fes puissances, & y regne en souverain. Tel est le peché, & l'état de peché: état déplorable où l'ame justement livrée à ellemême, & à toute sa corruption, & séparée de fon Dieu qui est sa |