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Il eft vrai que nous ignorons le degré où la charité doit être pour operer un fi grand effet. Mais parce que ce degré nous eft inconnu, en eft-il moins certain? Et s'enfuit-il de là que toute charité même actuelle ou commencée opére la juftification, dès qu'elle eft dominante & formée, comme M. l'Archevêque de Sens le prétend? Il faudra donc dire, ou que le Sacrement demande celui qui le reçoit ait déja reçû la grace de la juftification; ce qu'apparemment il ne penfe pas, & ce qu'en effet il ne faut pas pen

que

fer
; ou que la charité du moins
commencée n'est pas neceffaire
pour être juftifié dans le Sacre-
ment; c'est-à-dire qu'il n'eft
pas neceffaire que l'on foit réfo-
lu de préferer Dieu & fa juftice
à la créature & au peché, &

P. 191.

d'accomplir fes commandemens, & en particulier celui de la charité: "en un mot qu'il n'est neceffaire que pas le cœur foit converti à Dieu, ni difpofe à recevoir fa grace & fon amitié. Et c'eft réellement à quoi aboutit ce que M. l'Archevêque de Sens débite dans cet endroit de fa Lettre; puifqu'il foutient que toute charité qui préfere Dieu aux créatures, quoi qu'el le ne foit qu'actuelle, juftifie tout d'un coup & avant le Sacrement; & que même pour le foûtenir il employe des preuves qui n'établiffent que la neceffité de la converfion du cœur à Dieu, comme ce paffage d'Ezechiel, qui eft de même fens que tous les autres, & que ceux des autres Prophetes: En quelque jour que l'impie fe con **13) 1. 12. vertisse, son impieté ne lui ferá

Eg ch.

pas nuifible. Car revenir à Dieu & fe convertir à lui, eft ce autre chofe que préferer fa grace & fon amitié à tout, & par là être difpofé à la recevoir? Estce autre chofe que d'être réfolu d'accomplir fes commandemens par amour,& en premier lieu celuide la charité? Et tout cela eft-il autre chofe que la charité commencée, ou la charité actuelle formée & dominante, comme nous l'avons vû, & comme M. de Meaux le démontre dans le Traité que nous donnons.

Si donc on conclut des paffages des Prophetes qui promettent le pardon des pechés à la converfion du cœur, que ce retour du cœur à Dieu eft la juftice parfaite, ou que quiconque revient à Dieu reçoit fur le champ la remiffion de fes pechés & la grace de la juftifica

tion, comme fait M. l'Archevêque de Sens, il faut en conclure auffi que la converfion du cœur à Dieu n'est 3 pas neceffaire pour être juftifié par le Sacrement. Et pourroit-on faire un abus plus manifefte de la fainte Ecriture?

Il est très-certain, MES CHERS FRERES, que quiconque reviendra à Dieu de tout fon cœur, ne doit pas craindre d'en être rejetté, qu'il fera reçû en grace, & qu'il recouvrera la juftice. C'est la douce confolation du vrai pénitent d'avoir une folide confiance que Dieu qui l'a rappellé à lui dans sa mifericorde, achevera fon œuvre. Mais foûtenir que ce retour à Dieu eft la juftice parfaite & confommée : ou que du moins le pénitent converti la recouvrera fur le champ,

c'est encore une fois oublier que J. C. a établi un Sacrement pour la conferer à ceux qui feront convertis, & que ce Sacrement eft neceffaire de neceffité de moyen.

Si toute charité même actuelle, dès qu'elle eft dominante, juftifie par elle-même, il fau dra dire encore que toute contrition qui aura pour principe la charité commencée, ajoutée à la foi & à l'efperance,c'està-dire l'acte formé de la charité commencée, eft cette contrition parfaite en charité qui juftifie le pécheur avant le Sacrement, contre les Décrets du Concile de Trente, puifque cet acte formé de la charité commencée eft bien certainement la charité actuelle formée & dominante.

La charité eft la juftice mê

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