amour commencé & non juftifiant, un amour ébauché, pour ainfi dire, & préparatoire,& non un amour parfait qui confomme en nous la juftice, comme nous l'avons dit fi fouvent, ou plûtôt, comme le décide le faint Concile.

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Croirons-nous, par exemple, s'il étoit neceffaire d'entrer plus avant dans la difcuffion de ce que je dis ici, que ce jeune homme de l'Evangile qui touché du defir de la vie éternelle répondit avec confiance à Jefus Chrift qui l'interrogeoit sur l'observation des préceptes: Maître, je Matth. x. les ai toûjours obfervés dès ma20. 21. jeuneffe, croirons-nous, dis-je, que ce jeune homme n'eût aucun fentiment du chafte & faint amour ? Les paroles de l'Evangile font affez comprendre qu'il parloit avec fimplicité de cœur ; R

ibid.

aufli Jefus ayant jetté la vüe sur lui l'aima, dit l'Ecriture, parce qu'il voyoit fans doute en lui quelque commencement de la fainte dilection; & cependant la fuite fait affez voir combien il tenoit à ses richeffes; puisqu'il en fut empêché de fuivre le mattre qui l'appelloit. Il s'en falloit donc bien qu'il eût atteint la juftice.

Que dirons-nous encore de ce Docteur de la loi qui dit à JefusChrift avec tant de courage &

'Marc.x11, tant d'affection: Maître, ce que 32. 33. vous avez dit, eft très-véritable, qu'il n'y a qu'un feul Dieu; & que l'aimer de tout fon cœur, de tout fon efprit, de toute fon ame, & de toutes fes forces, & fon prochain comme foi-même, eft quelque chofe de plus grand que tous les holocauftes & tous les facrifices? Cet homme ne

pas

comprenoit-il pas très-parfaite. ment cette verité? Et fon cœur n'étoit-il même incliné vers elle? Et cependant le Seigneur ne lui répond autre chose finon: vous n'êtes pas loin du Royaume ibid. des Cieux pour nous faire entendre qu'il en approchoit,mais qu'il n'y étoit pas encore arrivé. Un homme qui conçoit une inclination d'eftime pour les mérites & pour les talens de quelqu'un, eft-il pour cela fon ami? Et le devient-il dès-là même & tout-à-l'heure? Non fans doute ! Parce que cette inclination quoique au fond de la même nature que la véritable amitié, n'a pourtant pas encore ce degré de force. Et de ftabilité qui mérite ce nom; & pour donner un autre exemple de ceci, ne peut-on avoir des fentimens d'eftime & de confidération pour une jeune

perfonne dont on connoît la fagefle & la vertu, fans l'aimer avec autant de paffion, que fi l'on avoit formé le deffein de lui donner fa foi? Si donc faint Auguftin donne le nom de justes à tous ceux qui ont quelque amour pour la juftice, il ne s'enfuit pas que, parce que Dieu commence à nous plaire, & à nous faire fentir la douceur, & les charmes de fon amour, comme parle ce Pere, il ne s'enfuit pas, dis-je, que dès ce moment l'ouvrage de la juftification foit confommé : car toutes ces chofes ayant une certaine étendue, elles ont auffi différens effets felon le degré & la perfection de leurs actes. On diftingue dans toutes les vertus les actes qui nous y préparent, & qui font comme le chemin & la voie qui nous y conduit, de ces actes ftables, fermes & fi forts,

qu'ils fe changent tout-à-coup en habitude. Or un homme juftifié n'eft pas feulement un homme qui fait le bien par un acte ou par une difpofition de cœur mobile, chancelante & comme à la paffade; c'est un homme qui marche dans la justice d'un pas affûré, ferme & conftant & qui n'arrive pas là par un acte feul, à moins que par une grace fpéciale de Dieu cet acte n'ait par fa nature affez de force pour fe changer tout-à-coup en habitude, & devenir lui-même l'habitude de la juftice. La philofophic reconnoît des actes de cette efpece, & la Théologie ne refufe pas de les admettre. Qu'il У ait donc quelques actes de charité qui juftifient tout-à-coup quand ils font tels que nous venons de les décrire, & quand ils demandent comme de droit que