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ECLOGUE XVIII.

ANS l'aimable Saifon qui produit la

verdure,

Qui rajeunit la Terre, & hui rend fa

parure,

Les Bergers du Tempé celebrent par des Jeux

Les beaux jours qu'Apollon a paffés avec eux;
Ces jours, où les Troupeaux, les Vallons, les Fontaines
Soulageoient fon Exil, & confoloient fes peines.
Glorieux fouvenir, & bien cher à leurs cœurs!

Sur un Autel formé de Gazons & de Fleurs,
Dans un marbre taillé le Dieu Pasteur respire.
On a mis à fes pieds fa Houlette & fa Lire.
En l'honneur des beaux Arts dont il étoit épris,
On chante, les Bergers fe difputent le prix.

Et pour rendre au Vainqueur la Couronne plus chere,
Il doit la recevoir des mains de fa Bergere.

Philemon, tu l'obtins fur cent Rivaux divers. Ce fut aux yeux d'Iris, dont tu portes les fers,

Et tu fus couronné par la main de Delphire.
Iris de l'affemblée auffi-tôt fe retire.

Ah, dit-elle, l'ingrat! quelle étoit mon erreur!
Un jour plus tard, j'allois lui découvrir mon cœur.
Perfide.! je faifois des vœux pour ta victoire,
Et d'une autre que moi tu peus tenir ta gloire!
Et cette autre eft Delphire, Elle, de qui l'acuëil
Pour la foi d'un Berger fut toûjours un écuëil.
A furprendre les cœurs elle n'eft que trop pronte.
Elle cherchoit mes yeux, pour y lire ma honte.
Le Cristal de nos eaux, fi pourtant je le croy,
Me dit qu'elle n'eft pas plus aimable que moy.

Va, lâche Philemon fois heureux dans fes chaînes Auffi bien fous mes loix tu fouffrois trop de peines.. Bergers impatiens d'un facile bonheur,

D'un épreuve un peu longue, ils dédaignent l'honneur
Mais quoi! De tous les foins que permet l'Innocence,
Anquel ai-je manqué? Tu fçais ma complaifance.
J'en apelle à témoins ces Ruiffeaux, ces Buiffons,
Où j'ai, fans t'interrompre, écouté tes Chansons.
Le feul nom de l'Amour, tu le fçais, m'éfarouche;

Helas! il me fermbloit innocent dans ta bouche.

Au Temple dealès, fi tu fuivois mes pas, baby Tu nelle fçais que trop, je ne te fuyois pasio-A Je parus pour toy feul à la dernière Fête.

Tu cheris les Jalinins, j'en couronnai ma tête.bin J'ai méprilé Menalque, & Philene pour toi,much n Philene, à qui inon pere avoit promis ma foy,

L'autre jour, pour garands de mes ardeurs fidelles, Aux. Autels de Venus, j'offris deux Tourterelles:A Ces Autels que jamais je n'avois encensez. Perfide! Tous mes vœux font bien récompenfez!DI Mais cachons mes douleurs: qu'aumoins il les ignore, Devorons à fes yeux un courouxiqui l'honores! Ah.c'eft luy que je vois: fuyons Charmante Iris, Dit-il, à vos genoux je viens mettte le prix. agri J'ai voulu dans nos Jeux remporter l'avantage;

Et non cœur à vos yeux en deftinoit l'homage, Quelle honte pour vous, qu'un Objet moins charmant. Eût vu dans ce grand jour triompher fon Amant ?! Non,non,vous vous trompez, Delphire est la plus belle, Et vous n'avez, Ingrat, triomphé què pour elle,›

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Dit Iris, mais mon cœur n'en fera pas jaloux.
Lâche, qu'elle t'ait yû tomber à fes genoux,
Qu'elle ait de la Guirlande environné ta tête,
Qu'elle ait même fans peine ajoûté ta conquête
A tant d'autres Amans laffez de fes atraits,
J'y confens, Philemon ne vaut pas mes regrets.
Philemon, a ces mots, verfe un torrent de larmes.
Quel outrageant foupçon pour ma foi,pour vos charmes!
Le croyez-vous,Cruelle? A quels regards flareurs
N'ai-je pas de tout temas préferé vos rigueurs
Eh quoi deux ans de foins, de foupirs, d'efclavage,
Sont-ils de ma conftance un foible témoignage I
D'un hazard imprévû m'imputez-vous les coups???
Delphire de l'Autel étoit plus près que vous. i
Quand je cherchois vos yeux, Elle a pris la Couronné•
Devois-je me fouftraire à la main qui la donne ?
D'un mépris fi marqué devois-je l'acabler?
Aux yeux de cent témoins pouvois-je vous parler,
Et trahir le fecret que nôtre amour demande ?
Mais il faut vous vanger: Brisez cette Guirlande.
Vain & fatal honneur, pourquoi t'ai-je reçû?

Iris reçoit les fleurs, elle en rompt le tiffu.

Dépit d'un cœur jaloux qui veut un facrifice!
Eh bien ! des coups du Sort ton cœur n'eft plus complice:
Je veux le croire au moins. Elle dit, & sa main
Dépouille de fes fleurs un Oranger voisin';
Et pour les affembler, Iris impatiente

Détache en même tems un Lierre qui ferpente.

Philemon fens le prix d'un cœur tel que le mien. Dois tout à ta Bergere, aux autres ne dois rien. Cette Couronne enfin vaudra bien la premiere.

Il baile avec tranfport une Faveur fi chere; Il veut parler: Helas! il ne peut s'exprimer. Vous n'en douterez pas, Vous qui fçavez aimer. Ainfi récompenfé par l'Amour, par la Gloire, Il goûte en moins d'un jour une double Victoire.

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