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Tous deux du même Voile ils font envelopez,
Pour marquer que d'eux feuls ils feront occupez.
De chaque circonstance avec la même adresse
Il détourne toûjours le fens à fa tendreffe.

Amour, rends moy fes mots. Mais il ne faut qu'aimer,
Et l'on devine affez comme on peut s'exprimer.
L'Amour s'en applaudit: Iris un peu troublée
Rougit, & craint les yeux de toute l'Affemblée.
C'eft dire qu'on craint moins les regards de l'Amant.
Pour foumettre les cœurs l'Amour à fon moment.

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E parcourois hier cette Plaine fertile,
Où Cerès à tes foins le montre fi docile;
Je te vis, t'apellay, dis, m'as-tu remar

qué?

EGON.

Pardonne, à mon travail j'étois trop appliqué.
Le travail eft le prix dont les mortels achettent
Les faveurs que Cerès & Bacchus leur promettent.
BATTUS....

Sans doute: mais tes yeux me parurent distraits,
Ton efprit n'étoit pas tout entier à Cerès.
As-tu quelques chagrins, m'en ferois-tu mystere ?
Tu traçois tes fillons moins droit, qu'à l'ordinaire,
Et tous tes Compagnons te devançoient toûjours.

EGON.

Je puis payer Battus d'un semblable discours.
Les foins les plus preffans, Battus les abandonne,
En vain ta vigne attend que ta main la façonne,
Faute d'être taillez tes feps font languiffans.

Qui peut donc t'occuper?

BATTU S.

Devine, j'y confens.

EGON.

Eh bien, nous commençons tous deux à nous entendre ;
Nous fommes amoureux, pourquoy nous en deffendre ?
Quoy! les Dieux dont le culte occupe tous nos jours,
Seroient-ils devenus ennemis des Amours?

Et l'Amour pourroit-il dédaigner nos hommages?
BATTUS.

Les dédaigner! Nos arts nous rendent-ils fauvages?
EGON.

Parce que les Bergers ont feuls chanté ses traits,
Auroient-ils feuls le droit de gouter ses bienfaits?
Si l'Amour eût jadis rebuté nos hommages,
L'homme vivroit encor du gland des premiers âges,

Car on doit à l'Amour les premieres Moiffons.

C'eft

par luy que
Cerès nous a tranfmis fes dons.
Triptoleme à ses vœux la trouvant favorable,
Elle luy mit en main un Vase inépuisable,
D'où fortoient à grands flots les germes précieux
Du nouvel aliment que nous devoient les Dieux.
Et l'Amour par nos mains éternise sa gloire.
BATTU S.

Nos Treilles font auffi le champ de fa victoire,
Sur le cœur d'Erigone il émouffoit fles traits
L'Amour deselperoit de la vaincre jamais ;
Il implora Bacchus

, une grappe brillante

S'offre aux yeux de la Nymphe, & d'abord les enchante.
Le Nectar dans fon fein coule, y porte des feux,
Et l'Amour à Bacchus doit ce fuccez heureux.

EGON.

Des trefors de Bacchus heureux dépofitaire,
Enflâme comme luy Celle qui fçait te plaire.

BATTUS.

S'il ne tient qu'à des foins pour pouvoir l'enflâmer, Auffi-bien qu'un Berger, je puis me faire aimer.

Ce n'eft que fon Loisir, qu'un Berger donne aux Belles,

Et ce font nos Travaux, que nous quittons pour elles. EGON.

Le croirois-tu? j'ay fait un air pour ma Philis

BATTUS.

Je chante auffi l'Objet dont mon cœur eft épris.
Mais-dis-moy ta chanson.

EGON.

Lorfque la jeune Acante

Cueille des fleurs dans nos guerêts:

Cerès croit voir encor cette Fille charmante

Qui luy caufa tant de regrets,

Mais Cerès la voit fans alarmes,

Et moy je fens des maux qui troublent ma Raison,
Je crois à chaque instant voir un nouveau Pluton

Prêt à m'enlever tant de Charmes.

BATTUS.

Eh bien! fuy la toûjours pour calmer tes frayeurs,
Ou plûtôt charge-toy de luy cueillir des fleurs.
Philis vendangera fur ce coteau fertile,

Dieux, rendez sous fes pas la route plus facile.

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