Il étoit cependant adoré de Glycere.
C'est du hameau voifin la plus belle Bergere.
Par fes nœuds de l'Hymen ils alloient être unis,
Quand Glycere perdit fon vieux pere Daphnis.
Mais elle eft fous les loix d'une injufte Parente
Silefis, de leurs feux auftere furveillante.
Il n'eft donc plus pour eux de moyens de fe voir,
Ni le loifir du jour, ni les danfos du foir,
Ni les fêtes des Dieux, ni tant de facrifices
Pour les autres Amans rendez-vous si propices.
Sans Silefis helas! Glycere ne fort plus.
Alcidon a tenté mille efforts fuperflus.
Il brife fes pipeaux ; Eh! qu'en a-t-il affaire,
Puifqu'ils ne feront plus entendus de Glycere?
Tous les jours fon chagrin le méne aux mêmes lieux,
Où leurs cœurs foupiroient, où fe parloient leurs yeux.
Ces bocages jadis pour lui fi pleins de charmes,
Redoublent fes douleurs, il les moüille de larmes.
Glycere ne vient plus chanter fous vos rameaux, i
Dépouillez-en l'ombrage, inutiles Ormeaux.
Vos écorces fouvent de nos Chiffres tracées
Nous inftruifoient tous deux de toutes nos pensées.
Doux fecours des abfens qu'êtes-vous devenus ?
Depuis huit jours helas! Glycere n'écrit plus.
O Ruiffeau, difoit-il, modere un peu ta course:
Ruiffeau cher à mon cœur, puifque tu prens ta fource
Au pied de ce côteau par Glycere habité.
Ah! je le vois d'ici ce lieu tant regreté.
Ruiffeau bien plus heureux, que l'Objet qu'elle engages
Car tes ondes fouvent reçoivent fon image.
L'as-tu vûë aujourd'hui fe mirer dans tes eaux?
Son teint eft-il pali? Reffent-elle mes maux ?
Hier, que du foleil l'ardeur fut fi cuifante,
Tes flots embraffoient-ils la Beauté qui m'enchante?
Enfin dans fes foupirs mêle-t'elle mon nom?
N'apelloit-elle pas quelquefois Alcidon?
Venus, car fouvent tu reçois mes offrandes;
Le tems n'a pas encor deffeché les guirlandes,
Que ma main l'autre jour pofa fur ton Autel;
Préfage affez heureux pour tout autre mortel.
Ecoute-moi, Venus, que mon fort t'intéreffe.
Eh! Tu fçais aux Amans inspirer tant d'adreffe!`
De Cydipe autrefois l'Amant ingénieux
Sçut dans un Temple même abuser tous les yeux:
Un fruit qu'il fit rouler aux pieds de fa maîtreffe,
Fut l'interpréte heureux de toute fa tendreffe."
Glycete, pour pouvoir t'affurer de ma foi,
Ai-je pris moins de foins, n'en prens-tu point pour moit
Cherche quelque artifice, il s'offrira peut-être.
Mais j'ai beau regarder, je ne vois rien parêtre,
Pour moi tout eft muet, & ftérile aujourd'hui.
Tandis que fes foupirs exhalent son ennui, Un de ces fruits dorés qu'enfante l'Hefperie, Et dont l'Amour peupla les jardins d'Idalie, Nage fur l'onde, aproche: Alcidon inspiré
A l'afpect d'un objet à Venus confacré
Tend la main, il l'arrête, il le faifit, il l'ouvre.
Quel tréfor précieux Alcidon y découvre!
Un Ecrit de Glycere!.. O traits, ô traits charmans!
O d'un cruel martyre heureux foulagemens !
Il les baile cent fois: adorable Glycere,
Vous m'aimez donc toujours, vous voulez que j'efpero, le Ciel calmera fes rigueurs,
Goûtez-en l'efperance, & me laiffez les pleurs.
Demain, quoi donc demain aux noces de Silvandre,
Déguifé, je pourrai yous voir & vous entendre!
Demain! Que ce jour tarde à mes vives ardeurs !
O Ruiffeau, meffager de fi cheres faveurs,
Chaque jour, profterné fur ton heureux rivage,
Dé fleurs, d'encens nouveau je t'offrirai l'homage.
Puiffent tous les Amans s'arrêter fur tes bords,
Et te prendre à témoin de leurs plus doux transports!
ANDIS que nos Bergers autour de
Vont, couronez d'épis, rendre homage à Cerés,
Que tout brille en nos champs, la beauté des Bergeres, Leurs cheveux pleins de fleurs, leurs parures legeres, Qu'agite quelquefois Zéphire officieux,
Dont les jeux indifcrets favorifent nos yeux:
Dans ce bocage obfcur quel noir chagrin t'arrête a Quoi feras-tu le feul qui négliges la fête ?
Eh! qu'y voir cher Acis? des Belles, des Amans, Et de nouveaux objets pour aigrir mes tourmens ? A CIS.
Eh depuis quand l'Amour te bleffe-t'il la vuë ?
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