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IRIS.

Il faut te l'avouer, l'Amour caufoit mes larmes."

EN ON E.

Qu'il eft cruel! Sans luy je n'aurois point d'alarmes. Helas! fes premiers traits ont dechiré mon cœur.

IRIS.

Dès la premiere fois, j'éprouve fa rigueur.

ENONE.

Qu'il prend de mes refus une rude vangeance!

IRIS.

Je l'ay trop écouté, comme il m'en recompenfe!

E NONE.

Alcandre! Onom trop doux & trop fatal

IRIS.

pour moy!

Alcandre! un tel Amant eft bien digne de toy.
Qui n'eût fenty le prix d'une telle victoire ?

Ε Ν Ο Ν Ε.

J'en ay trop negligé le bonheur, & la gloire.

IRIS.

Pourquoy foupçonnois-tu la Foy de fes fermens?

Peut-être fe doit-on défier des Amans.

ENONE.

Non. Deux ans de foupirs, & de foins pour me plaire. Ses difcours, tous fes pas marquoient un cœur fincere. Jamais l'Amour encor n'avoit fçu le fraper,

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Eh bien! A ton plaisir tu t'opofois encore long al ca

ENONE

Helas! affez long-tems je le goûte, & l'ignore

Le plaifir de nous voir fans crainte, fans foupçon, Etoit-il Amitié, n'avoit-il point de nomoni quloq Je ne fçay, mais mon cœur n'avoit pas à s'en plaindre, Jufqu'au jour qu'on m'aprit que je dévois le craindre. Craindre Alcandre!Eh pourquoy?Plus que vous ne penfez Me disoft-on....... Conseils lans doute intereffezimeɔIA Confeils, que je reçûs de plus d'une Bergere. Ma jeunesse timide, un devoir trop fevere, Des bruits dans le hameau femez malignement, Tout m'apprit qu'il falloit le voir plus rarement. S'il parle, à fes difcours je parois interdite, Je le quitte avec 'peine, & pourtant je le quite."

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Ignorant les malheurs, furpris de mon ennuy,
Il plaignoit mes chagrins, qui tournoient contre luy,
J'affecte une froideur qu'en fecret je condamne.

Enfin j'étois un foir dans le bois de Diane.
Alcandre, en m'abordant, m'inspire un peu d'effroy.
Alcandre prend ma main, la baise malgré moy,
Me reproche en pleurant notre amitié trahie.
Diane, des Amours trop fevere ennemie,

Sans doute en ce moment tu parus à mes yeux :
Sans doute mon dépit fut l'ouvrage des Dieux.

Enone, il est donc vray, vous méprisez ma flâme
Dit-il, quelque Rival me chaffe de votre ame.
Perfide... des Rivaux! m'écriai-je en courroux,
Allez, mon cœur n'eft fait ny pour eux, ny pour vous.
Que devins-je, en quittant le malheureux Alcandre!
Quels remords! j'efperois le revoir & l'entendre.
Helas! Trois jours après, à la fête d'Ifis,
Je le trouve, il tenoit la main d'Amarillis.
Ses regards me difoient, ai-je tort fi je change?
Tu dédaignois mes vœux, Amarillis me vange.

IRIS.

Qu'un peu de ta fierté m'eût épargné de pleurs!..
Que la feinte du moins calmeroit mes douleurs !

Enone, de mon cœur je me croiois maîtresse,
J'avois de vint Bergers rebuté la tendreffe.
Et ce cœur, à leur foins par miracle échapé,
N'a-t'il aimé fi tard, que pour être trompé ?

Le tendre Roffignol, honneur de ce bocage:
Sur les autres Oifeaux n'a pas plus d'avantage,
Qu'Alcidon, en chantant les amoureuses loix,
En a fur les Bergers qu'on vante dans nos bois.
Dieux! quels empreffemens ! & quelle inquiétude
De mes moindres defirs il fe fait une étude.

Mes défauts à fes yeux perdent bientôt leurs noms.
Mes caprices pour luy deviennent des Raifons.
Heureuse, Si toûjours moins tendre, ou moins fincere
J'euffe évité l'aveu, qui coûte tant à faire!

Sur mes levres vint fois mon difcours arrêté
Helas! j'ay tout perdu par ma Sincerité.

с

Un jour, qu'on celebroit celuy de ma naissance, Sous l'hàbit de Zephire à mes yeux il s'avance,

Me

Me prefente des fleurs, me furprend un bailer,
Que Flore à fon Amant n'auroit pû refuser.
Alcidon de Zephire a les traits, la jeuneffe,
En devoit-il avoir la volage tendreffe?

Depuis ce jour fatal, qu'il a connu mon cœur,
Il quitte l'air d'Esclave, & prend l'air de Vainqueur.
Ce n'eft plus un Amant occupé de mes charmes,
Ces foins fi prévenans, ces jalouses alarmes,
Tous ces feux font changés en langueurs, en enmuis,
Et fouffrir fans me plaindre eft tout ce que je puis.
Mes rigueurs l'attachoient, & lorfque je le pleure,
J'aprens qu'il doit bientôt quitter cette demeure.
Enone, je ne fçay fi mon perfide Amant
Par haine, ou par pitié m'en cache le moment.
Tu vois de quel malheur ma tendreffe eft suivie,
Et que c'eft en parlant que je me fuis trahie.

IRIS.

L'Amour et un aveugle, il fait tout au hazard:
Et nous parlons toûjours ou trop tôt, ou trop tard.
Voy fur ce Sep mourant cette Vigne panchée,
C'eft par un feu trop promt qu'elle fut deffechée.

F

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