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Helas! je les ai vûs fi gras, fi floriffans;

Maigres, & décharnés, peut-on les reconnaître ?

TYTIR E.

Le Troupeau fe reffent de la langueur du Maître.

ALCIPE.

Seroit-ce un Enchanteur, dont le fatal regard...

TYTIRE...

L'Art Magique à nos maux, Berger, n'a point de parts.
Un Ami m'a trahi, je perds celle que j'aime;
Et je néglige tout, mes moutons, & moi-même.

ALCIPE..

Nous fommes en des lieux, où l'Amitié, l'Amour,

Ont eu des droits fi faints, du moins jufqu'à ce jour.

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J'en fuis plus malheureux, & Damon plus coupable.

ALCIPE

Damon D

TYTIR E.

Qui, c'est l'auteur du tourment qui m'acable,
ALCIP E..

Qui le croiroit ? Comment le Ciel l'a-t-il permis ?
On ne vous apelloit que les parfaits Amis.

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Oui, le même Hameau nous donna la naiffance,
Et nous fûmes unis au fortir de l'enfance.

Ma voix pouvoit à peine enfler les chalumeaux,
Et j'ateignois à peine aux naiffans arbriffeaux,
Que le même panchant nous lia l'un à l'autre.
Jamais acord plus doux, plus parfait que le nôtre.
J'aimois ce qu'il aimoit, mêmes foins, mêmes jeux ;
C'étoient les mêmes Airs, que nous chantions tous deux.
Que j'euffe fans Damon offert un facrifice,

J'aurois crû, que le Ciel m'eût été moins propice. Les plus longs jours d'Eté fembloient peu nous durer,

La nuit toujours trop tôt venoit nous féparer.
Le voilà cet Ami, que j'acufe avec peine,
Et qui force mon cœur à fentir de la haine.
ALCIPE.

Tytire, fi je puis en juger à mon tour,

Je crois ton Amitié jaloufe de l'Amour:

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Tu t'en prens à Doris, qui l'occupe fans ceffe.
TYTIR E.

Plût au Ciel que

Doris fût encor fa Maîtreffe!

Helas d'un œil content je voyois leur lien, Je jugeois en fecret de leur fort par le mien. Damon dans ce bocage, au pied de cette roche,

Ne m'en parloit jamais qu'avec ce doux reproche:
Ami, que tardes-tu d'être heureux comme moi ?
Choifi quelque Beauté qui mérite ta foi.

Il en eft en ces lieux, & plus d'une Bergere
Borneroit fon efpoir au bonheur de te plaire.
Alcipe, je pouvois diffiper fon erreur,

Mais je craignois toujours de nommer mon Vainqueur.
Daphné, que je fervois, exigeoit du miftere.

Que n'ai-je eu plus long-tems la force de me tajre!

Damon au même but ramenant l'entretien,

Damon pendant huit jours me preffe & n'obtient rien
Il fe fâche, il s'apaise, & d'une Amitié tendre
Me rapelle les droits. Dieux quels combats à rendre
Quoi, depuis qu'il eft né Damon jufqu'aujourd'hui,
N'a nuls fecrets pour moi, dois-je en avoir pour lui ?
Damon eft-il leger, indifcret, infidele ?

Sa curiofité ne part que de fon zéle.

Ainfi je le vantois, ou pour te parler mieux, Je brûlois du défir d'être heureux à fes yeux. Que te dirai-je enfin Soit vertu, foit foibleffe, J'avquai qu'une Belle écoutoit ma tendreffe.

Il m'embraffe, & bien-tôt pour en fçavoir le nom, Me cite Irene, Iffé, la charmante Cleon,.

Eglé, la fiére Iris, & toutes nos Bergeres.

Non, lui dis-je, l'Objet de mes ardeurs finceres Habite depuis peu proche de ce féjour ;

Et nul Mortel encor ne conoît nôtre amour.
Autant toute Bergere affecte de parêtre,

Autant la mienne a peur de fe faire connêtre.

Ne crois pas qu'à nos Jeux on la voye accourir.

Nos Belles à la voir auroient bien à fouffrir.

Quelquefois feulement, au lever de l'Aurore,
Quelquefois vers le foir, près du Temple de Flore,
Avec une Compagne elle goûre le frais,

C'est-là qu'elle reçoit mes homages fecrets.

Je n'ai pû que deux fois encor entrer chez elle::
Voi quels ménagemens : c'eft peu pour cette Belle. 1
Mais puis-je, en la voyant fenfible à mon ardeur,
Regretter la contrainte où fe réduit mon cœur ?

Non, dit-il, & je loue une ardeur fi prudente:
Mais tu me nommeras cet Objet qui t'enchante.

Puifque vous m'y forcez, c'eft...en baissant la voix,
C'eft, dis-je, c'eft Daphné, qui me tient fous fes loix.
Quel cœur à tant d'atraits ne rendroit pas les armes?

Damon me fourioit: Je lui dépeins fes charmes:
Mais il femble incrédule au difcours d'un Amant.
N'est-il point dans nos bois d'Objet affez charmant,
Pour pouvoir à Daphné difputer la victoire ?
Ainfi de cent Beautez il relevoit la gloire.

Trop aveugle, & piqué d'un difcours odieux,
Eh bien, dis-je, il te faut convaincre par tes yeux

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