De ce Lac vafte & tranquile,

Que les bords font agitez!
Peuple follement docile.

Aux funeftes Nouveautez !

La crédule Bergerie

S'ouvre à des Loups en furie,
Parez du nom de Pafteurs:

Helas! de ces Sanctuaires
Qu'avoient élevez les Peres,
Les Fils font les Deftructeurs.

SAINTS, que la Foy folennife
On brûle vos Monumens,
L'Impiété martirife

Vos Corps refpectez des ans.
Fureur aveugle! Elle caffe
Ces Tribunaux, où la Grace
S'offre aux cœurs humiliez:

On brife l'augufte Table,

Ton Sang, ta chair adorable,

Grand Dieu, font foulez aux pieds.

Ah! que la Terre engloutiffe

Ces profanateurs affreux!

Que le Soleil s'obscurciffe,
Honteux de luire fur eux !
Redouble ces coups rapides,
Dont jadis tes Parricides
Furent frapez à ta mort:

Que vois-je ? FRANÇOIS t'implore,

Pour eux il t'appaise encore,

Ce Jufte a changé leur fort.

D'une Nation volage

Moins Maître qu'Interceffeur,

Moïse pour apanage
Reçut de Dieu la Douceur.
O douceur, Vertu fuprême,
Rare à trouver en nous-même,
Si chere à voir dans autrui!
La Paix lui doit fa naiffance,
Du zéle & de la puiffance,

C'eft la Couronne & l'appui.

Saint Pafteur, voilà tes armes,
Tes fuccès font affurez;

Par tes difcours, par tes larmes,
Que de cœurs font penetrez!
* Mais un Parti facrilege,
Le fer à la main t'affiege;
Un Rayon fort de tes yeux:
Ils tombent, tu les embraffes,

Que la Vigne defolée

Pouffe de nouvelles fleurs,

Que l'Eglife repeuplée
Refpire, & feche fes pleurs!
Les Temples fe rétablissent
Les Hymnes y retentiffent,
Le Ciel r'ouvre fes Trefors:
O Grace! ô fuccès célebres!
Jour qui chaffe les tenebres!
Voix qui ranime les Morts!

* Dans la Forêt des Alinges.

Quand l'Idolâtre renonce

A fes Dieux de marbre & d'Or,

Sa Raifon contr'eux prononce,

Et prend un facile effor:

Mais helas! chez l'Heretique

La Raison fiere, & Critique
Repouffe la Verité :

Les Sens craignent cette Chaîne,

Ces Voiles, dont la Foi gêne
Leur fauffe Sagacité.

Le Vainqueur infatigable
Les rendra tous à la Foi.
Mais non: Peuple déplorable,
Il est mort trop tôt pour toi!
Pour nous du moins il refpire;
Du haut du celefte Empire
FRANÇOIS me dit, Prends & lis:
O Livres ! O traits de flâme,

Epanchemens de fon amc,

Vases de Manne remplis !

O DEI II.

'ETOIT fait d'Ifraël: Judith, que le

Ciel guide,

Terraffe d'un feul coup tout le Camp

des Vainqueurs:

Efther ne s'arme que de pleurs:

Elle parle, un Roi tremble & l'Oracle homicide Se taît: un calme heureux fuccéde à tant d'horreurs.

D'un Triomphe plus grand je vais tracer l'image: Eft-ce un Peuple fauvé? Non, c'eft tout l'Univers. Vaincre la Mort, brifer des fers,

Ne fut de ce Combat que l'ombre, ou le préfage;

Ici l'Enfer fuccombe, & les Cieux font r'ouverts.