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DISCOURS

QUIA REMPORTE

LE

PRIX D'ELOQUENCE

SUR LE SUJET DONNE PAR MESSIEURS de l'ACADEMIE FRANÇOISE.

T

Que DIEU eft la protection de ceux qui mettent leur confiance en lui

En l'Année M. DCC. XI.

ca not

Left prefque également dangereux à
l'homme de connoître la foibleffe, &
de l'ignorer. S'il fent toute fon impuif-
fance, il fe décourage, il demeure fans

mouvement & fans action; ou s'il fe met en état d'agir, ce n'eft qu'avec une inquiétude qui s'oppofe au fuccès de fes deffeins, & qui fouvent lui ôte jufqu'à l'efperance d'y réüffir. Si au contraire la préfomption l'aveugle, il fe précipite dans les dangers, il ne Tome I 1.

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forme que des entreprises téméraires, il s'attire malheurs fur malheurs, fes difgraces font fans reffource, & fon élévation lui devient même plus fatale que les

chutes.

Entre ces deux extremitez, la Raifon s'offre de le conduire; mais plus capable de le plaindre que de l'aider, elle ne fait qu'augmenter fon trouble. Non contente de le convaincre en même tems de fa mifere & de fa vanité, elle lui montré un nombre infini d'ennemis dans les objets qui l'environnent, & presque toute la nature foulevée contre lui.

A voir tant d'obstacles & de calamirez, qui croiroit qu'il ne tient qu'à lui d'en triompher? La Religion luitend les bras, & lui prefente un fecours auffi grand que fes befoins, auffi prompt que fes defirs. Si la Raifon nous découvre ce que nous avons à craindre, la Religion nous révele ce que nous devons efperer. Elle feule plus forte que la nature, & plus éclairée que raifon, loin de nous abbatré, nous éleve; elle établit notre bonheur fur un fondement éternel; elle nous ap prend que nous ne dépendons que de Dieu, & qu'il fuffit d'être parfaitement foumis à fa puiffance, pour être en droit de tout attendre de fa bonté.

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Ce Dieu à qui tout obéït, qui n'a rien d'égal à lui

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que lui même, ne dédaigne pas de fe communiquer à T'homme. Il en fait fes délices il veille fur chacun en

particulier. Voilà le veritable, l'unique Protecteur dont nous devons rechercher l'appui. Toute autre protection que la fienne, eft vaine, ou pernicieufe. Lui feul eft fage dans fes confeils, fidelle dans ses promeffes, ma gnifique dans fes dons. En nous abandonnant à lui, nous fommes affurés qu'il ne nous abandonnera jamais: foyons feulement attentifs à la voix, & laiffons-nous conduife.

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Comme il fçait mieux que nous ce qui nous convient, il nous ouvre differentes routes, pour aller à la Gloire. Il délivre les uns des plus grands périls, l éprouve les autres par des afflictions. Mais dans ces divers états, fi nous tournons les yeux vers lui, nous voyons les fiens attachez fur nous. Son bras nous porte, fa droite nous foûtient. Sa protection n'éclate pas moins en nous donnant la force de fouffrir, qu'en nous donnant celle de vaincre. La foi des Macchabees he fut pas moins recompenfée par leur conftance héroïque, qui défefpera le cruel Antiochus, que celle des Enfans Hébreux par leur délivrance miraculeuse, qui confondit l'orgueilleux Nabuchodonofor. i 34 Entrons donc dans les puiffances du Seigneur. Ega lement éloignez d'une confiance préfomptueuse, & d'une crainte inquiette, reconnoiffons les fources dé notre felicité, foit dans les victoires qu'il nous fait rema porter, foit dans les fouffrances dont il nous apprend l'ufage.

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PREMIERE PARTIE.

I les hommes euffent été toûjours en paix avec le Createur, ils auroient été en paix avec eux-mêmes & avec toute la nature. Mais ce font des rebelles, qui Te puniffent réciproquement de s'être fouftraits à la domination légitime. L'obéiffance dont ils font fortis leur étoit glorieufe; celle dont ils font menacez les dégrade, & les rebure. Leurs defirs oppofez comme les flots de la mer, fe preffent, fe choquent, fe détruifent les uns les autres. Trop peu de prix à obtenir, trop de rivaux à les difputer. Les Rois arment des troupes pour affervir leurs voifins, les Citoyens arment contre leurs concurrents le crédit, les richèffes, l'artifice: & les guerres de ceux-ci, pour être moins fanglantes, ne font pas caufées par des interêts moins vifs.

Outre ces contradictions exterieures, combien en éprouvons-nous de fecrettes ? La chair & l'efprit fe combattent fans ceffe; les fens nous portent vers la terre; un refte de lumiere accufe la baffefle de nos penchans; une foule de paffions s'agite dans nos cœurs. Nous fommes en proye à tous les objets capables de nous féduire. Nous vivons au milieu d'un peuple d'ennemis vifibles & invisibles.

Qui pourra échaper à tant de dangers ? Celui que vous conduirez, ô mon Dieu ! Tous les autres péri ront dans un fommeil d'illufion, ou ne fe reveilleront que pour rencontrer mille obftacles infurmontables...

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En effet, il en eft hors de nous, & aus dedans de nous.. Les moyens qu'on choifit, la maniere dont on les aplique, les inftrumens dont on fe fert, la main qui les emploie, tout nous peut-être également funefte. Ce Conquérant part pour renverser des ennemis re doutables, la terre fe tait devant lui, ou ne parle que de lui, fes armées couvrent les campagnes & tariffent les fleuves, toute la face du monde va changer à fon gré... Non, il fe trompe, & ceux qui le lui pro mettent fe trompent auffi. Il a uni une multitude innombrable d'hommes par un interêt paffager; mais a t'il éteint le principe de défunion né avec eux ? Dans ce grand corps de troupes marchent toutes les paffions humaines, monftres qu'il faut aprivoifer, pouffer, re tenir, animer, réduire, & dont on n'eft jamais le maître. Sçait-il fi fes amis ne font pas des inconftans, qui l'abandonneront des imprudents, qui éventeront fes projets ? des jaloux qui les traverferont? des perfides qui le trahiront? des barbares, qui après l'avoir adoré comme Alexandre, le feront périr comme lui?,

Les hommes font donc pour les hommes une ref fource bien incertaine. Heureux le Prince qui éleve fes

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