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combat? La patience n'eft point une vertu de fpécu lation, & toutes les vertus ne s'acquiérent qu'en les pratiquant. Sans les occafions, nous prendrions la difpofition aux vertus pour les vertus mêmes, & la conviction ftérile de l'efprit, pour les mouvemens dú

cœur.

Mais que ce fidelle forte donc victorieux du combat, afin que les impies foient confondus. Non, il ne choifit pas fes voyes, il fuit celles que la vérité lui trace. Le Ciel n'expliquoit fa colere ou sa bonté aux Juifs groffiers, que par des victoires ou des défaites; rebelles, il les livroit à leurs ennemis; fidelles, il les chargeoit de dépouilles : C'eft ainfi qu'il a traité fes Efclaves. Il en agit autrement avec les Enfans d'adoption. Il n'avoit pour ceux-là que des récompenses temporelles, il en reserve à ceux-ci d'éternelles, qu'il leur fait acheter par la patience. Difons mieux, il fait toû jours vaincre celui qui efpere en lui: il recule feulement le tems, & change la nature du triomphe. Au lien d'un avantage momentanée, il lui prépare par les fouffrances un triomphe éternel.

Aveugles que nous fommes, nous aimerions mieux vaincre dès-à-préfent: lâches, nous refufons d'achever le facrifice. L'holocaufte parfait éxige la confommation de la victime. L'Eternel veut, au lieu du fang des taureaux, des offrandes plus nobles, nos biens,

nôtre

nôtre vie, celle de nos proches; les lui dénierons-nous?, & s'il les prend, nous échaperons-nous en murmures?

Le Pere des Croyans, celui à qui vous soumettież l'orgueil des Rois, vous l'affligeâtes, Seigneur vous le mîtes fur le point de perdre un fils unique, mais vous le lui rendîtes pour récompenfer fon obéiffance. Un nouvel Abraham pleure un fils * auffi cher qu'Ifaac, & vous n'avez pas détourné le glaive de la mort. Quelle confolation refte-t'il à ce Pere? Vous, Seigneur, & c'eft affez. Sans vous, le plus grand cœur du monde étoit le plus abatu.

'Dieu eft l'ancre qui tient le vaiffeau immobile du rant l'orage: il habite avec le Jufte affligé: il le rend réfpectable même à des yeux profanes. Je n'admirerai plus tant les Sages, ni les Conquerans. Ceux-là ont honoré l'humanité, celui-ci l'a vaincuë. Ceux-là demandent du retour aux hommes, celui-ci fe tient obligé de leur ingratitude. Il attend fa récompense du Maître, les autres briguent la faveur des efclaves; l'offenfe abaiffe ceux-là, elle releve celui-ci. Il refpecte fes ennemis comme les Miniftres de la Justice celefte, il les aime comme les canaux par qui la Grace découle fur lui, il n'apelle pas des jugemens du calomniail ne dépend de perfonne, lui feul eft libre dans l'Univers.

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*La mort de Monseigneur Tome II.

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Que faint Paul étoit libre dans fes chaînes, dans ces tourmens, qui ne pouvoient le féparer de fon Dieu! Et pour prendre des exemples dans nôtre Patrie, que faint Louis étoit grand au milieu de ces Barbares qui le chargeoient de fers! Les voilà tout d'un coup profternez aux pieds de leur Captif. Ne croiroit-on pas que fur le front du Juste affligé on voit un éclat semblable à celui de Moïse après avoir conversé avec le Dieu d'Ifraël Car la fouffrance nous met en commerce avec Jesus-Chrift, elle retrace en nous fon portrait. Par les marques de les fouffrances, il le fit con poître à fes Disciples; par des marques femblables il les fait connoître au monde, Quoi donc les maîtres de la Terre ne s'attachent leurs favoris qu'en les flattant, le Maître du Ciel fe conferve les fiens en leur paroiffant fevere! Son amour délicat veut voir fi le nôtre eft defintereffé. Utile délicatesse, qui justifiera nôtre foi.

A peine eft-elle juftifiée qu'elle eft récompenfée. Dieu donne au Fidelle des confolations d'autant plus fingulieres, qu'il femble plus l'abandonner. De là ces Cantiques de louange commencez en terre & continuez au Ciel; ces cris de joye fortis des Taureaux d'airain, où les Martyrs étoient brûlez: On n'a pas toûjours vû des Anges leur aporter des Couronnes, & alors Dieu faifoit moins pour les Spectateurs, &

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plus pour les Martyrs; il vouloit les souftraire aux

confolations pour groffir le tréfor de leur récompenfe. Et vous, Martyrs de tant d'années Solitaires qui avez porté vôtre croix fi loin fans vous laffer, Habitans de ces cavernes où les élémens & les faifons vous retran choient chaque jour quelque portion de vous-mêmes Amis de Jesus-Chrift, redites-nous les inéfables doueeurs qu'il vous fit goûter. La main qui par le feu rafraîchir les enfans Hebreux, qui fe fert du limon pour rendre la vûë aux aveugles, peut faire d'heureuses tri bulations. Elle en fait encore tous les jours. Il eft un Martyre de tous les tems que le Seigneur fçait adou cir. Si les trésors du Jufte fondent fous lui & s'évanouiffent, la privation lui peut devenir un bien plus grand que la poffeffion. Celle-ci eft renfermée dans des limites étoites, l'autre n'en a point. Il ne poffé doit qu'une petite partie du monde, il la perd; en étouffant fes défits, il renonce à tout, & on lui tient compte de ce renoncement comme s'il eût facrifié le monde entier. Youshtimes ith all the bus. T

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Il ne manque plus que de le voir dans l'épreuve la plus cruelle pour lui, dans celle qui femble bleffer davantage fon amour pour Dieu. Il fent tout le poids de la tentation ; il vous demande de le foulager, Seigneur, & vous ne lui répondez pas encore. Voilà le feul coup qui pouvoit le défefperer. Non, dans l'amertume de fa douleur, il penfe que vous voulez par

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ces retardemens lui rendre vôtre Grace plus précieufe. Il fonge auffi que fi vos ferviteurs étoient toûjours délivrez des tentations, ils feroient trop visiblement diftinguez des autres hommes; il goûte la néceffité d'être humilié ; la défiance de foi-même, & la confiance pour vous augmenteront. Ainfi lorsqu'il femble reculer, c'eft autant de pas qu'il fait vers le Ciel. Eh! qu'importe par quelle route nous y arrivions! Rien ne doit nous rebuter, fi nous confiderons le prix refervé aux généreux Athlétes. Nos jours de mifére fe fuccédent, le tems de la félicité n'aura ni fucceffion ni viciffitude. Le Verbe dans un entretien éternel nous découvrira l'œeconomie de fes deffeins fur nous, la liaison incompréhen fible des biens aux maux ; il nous apprendra que ce revers,cette humiliation,cette tentation qui nous coûtoient tant, pouvoient feuls nous élargir la voye étroite; qu'il a remué le Ciel & la Terre pour enfanter ses Elûs.

Jours glorieux, où tous ces myfteres nous feront révelez, vous êtes déja présens au Fidelle. S'il fuccombe, il fçait, comme Eléazar, que fa mort est un triomphe. Il voit paffer fous les pieds la figure du Monde : la mort qui dépouille les hommes de tout ce qu'ils ont, va le revêtir de tout ce qu'il fouhaite: auffi meurt-il fans inquiétude; ou s'il eft troublé, il l'eft. comme Jefus-Chrift voulut l'être à fa mort, pour ajoûter des sayons à fa gloire,

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