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Auffi êtes-vous la feule exception à la regle de l'égalité des conditions; c'eft à caufe de vous que nous nous. reftraignons à dire qu'elle n'eft pas tout-à-fait exacte.. Toûjours l'eft-elle affez pour réprimer l'orgueil des Grands & la jaloufie des Petits, pour conferver les Societez par l'autorité & l'obéiffance, pour rendre les Particuliers traitables fur leur interêt, & les faire concourir au bien general.

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SUR LE SUJET DONNÉ PAR MESSIEURS de l'ACADEMIE FRANÇOISE

Les inconveniens de la Richeffe, non feulement felon l'Evangile, & ces paroles de JESUS-CHRIST, Væ vobis divitibus; Mais encore felon les Philofophes Payens.

En l'Année M. DCC. XV.

L femble qu'on ne puiffe condamner les Richelles fans démentir le fentiment le plus conforme à la Nature, & fans faire un reproche temeraire à la Sagelle

divine. L'homme inceffamment averti de fes befoins fe flate de trouver dans les biens prefens des fecours à fes maux, des appuis à la foibleffe. Eft

il fi coupable de les chercher & d'en jouir ? Et la Providence, qui les lui accorde, ne lui fait-elle que des préfens trompeurs & funeftes?

Si l'ordre de l'Univers, fi l'établiffement de la Societé éxige une inégale distribution des avantages temporels, le Seigneur qui a béni les Richesses des Patriarches, & de tant de Saints Rois, n'a-t'il qu'une Bénédiction ? La Grace ingénieuse à prendre diverses formes ne fe répand-elle plus fur tous les Etats?

I

Helas! on n'oferoit prefque l'efperer, fi l'on écoute toutes les malédictions que l'Evangile prononce contre les Riches. Eft-ce donc en vain que JESUS CHRIST a déclaré que fon Royaume n'eft pas de ce monde, les Pauvres font fes vrais Sujets, que jets, & qu'il a donne à fes Ennemis les profperitez du fiecle?

aban

Apparentes contrarietez, dont il faut éclaircir le myftere. La Verité fuprême, pour nous juger, ne mefure point nos tréfors, elle n'interroge que nos cœurs: les Richeffes font innocentes, nous ne fommes coupables d'en abufer: c'eft la Manne qui fe corrompt dans le vafe où elle eft amaffée avec trop d'avidité. Malheur aux Riches, non parce qu'ils recueillent les fruits de la Terre ; mais parce qu'ils mettent toute leur application à les chercher, toute leur gloire à les pof

que

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Ces Richeffes font d'ailleurs & fragiles, que la Raifon feule devroit s'en défier Quelle illufion de s'attacher, de fe lier à ce qu'on peut perdre fi-tôt & avec tant de douleur ! Auffi dans des fiecles abandonnez à

toutes les erreurs, celle-ci n'a pas trouvé grace devant les Philofophes; ils ont infulté à tout l'or de Rome & d'Athenes, ils ont regardé comme un poids acablant ce qui paffoit pour un foulagement à tous les besoins, ils ont redouté les foins & les crimes que l'opulence coute, ou qu'elle produit.

Ainfi les lumieres de l'Efprit & celles de la Foi font d'accord. Le danger des Richeffes eft une découverte perfectionnée par la Religion. Renoncer à l'abondance,ce fut une vertu ftérile chez les Payens, que l'on a mise à profit dans le Chriftianifme. Le Sage négligeoit la fortune pour s'épargner des fatigues passageres, le Chrétien la fuit, dans l'efperance de s'affûrer un re pos éternel; l'un fe plaint qu'elle ne peut le fatisfaire, & il ne fe confole que par la vanité de fouler aux pieds ce que le vulgaire eftime; l'autre fe réjouit d'y trouver la matiere d'un facrifice, & dans ce facrifice le prix de l'immortalité.

Dans un difcours tout Chrétien ne craignons pas d'appeller à témoin les Oracles du Paganifme; ils feront rougir un fiecle, qui avec des lumieres plus pures, eft plus idolâtre de la Fortune. Attaquons le culte que

les Riches & les Pauvres lui rendent par leur défirs. Ils pourront les éteindre, ou les moderer, quand ils fçauront que tous les inconveniens de la Richeffe naiffent ou de l'Avidité dont on la défire, ou de l'Ufage auquel on l'employe, & qu'elle eft prefque toujours l'effet, ou la caufe de l'iniquité.

PREMIERE

PARTIE.

Depuis que l'homme a perdu son véritable Tré

for, il fe confume à fouiller des terres ingrates: fon cœur, que Dieu feul pouvoit remplir & fixer, s'atrache à toutes les creatures. Dévoré de paffions, il croit les appaifer en leur obéiffant ; ignorant les bornes des biens, & l'étendue de fes défirs, il fe flate, qu'en poffedant beaucoup, il tiendra fon bonheur dans fes mains. De là cette vive impatience d'acquérir, cette ardeur infatigable d'accumuler. Allumées dans fon ame, tout confpire à les irriter, la dépendance du Pauvre, la fupériorité du Riche, l'hommage volontaire, ou l'obéiffance forcée que s'attire l'opulence, la pompe qui l'accompagne, les plaifirs qui la fuivent, les honneurs qu'elle ufurpe. La Pauvreté eft un monftre> dont le nom feul épouvante. Pour s'y dérober on abandonne la Patrie, on paffe les Mers, on fuit fous un autre Hemifphere.

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