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roit-elle éveillée par les délices qui viennent en foule affieger l'homme fortuné?

Ah! fi un nouvel Ezechiel perçoit la muraille & reveloit toutes les impietez de l'opulente Jerufalem, il "Fremiroit de voir la fainteté des Mariages violée; la Virginité attaquée, ébranlée, vaincuë; ces commerces criminels engagez, foûtenus, récompensez par l'a'bondance; ces fcandaleufes voluptez que les premiers Chrétiens n'ofoient nommer, & dont ceux d'aujour d'hui fe glorifient: il pleuteroit fur ces facrifices affreux où l'avarice & la prodigalité immolent au hazard le Patrimoine des Familles ; il s'écrieroit au milieu de ces affemblées tumultueufes, où dans une agitation continuelle de tous les fens, les ames fe portent mutuellement des coups mortels. Pardonneroit-il même ces plaifirs que la coûtume autotife, & qu'un certain état femble impofer, ce cercle d'amufements qui nourrit la moleffe. Helas! ce font les feuls crimes que fe reproche le Riché reprouvé, les feuls qu'il expie dans les flammes éternelles. Juftice de mon Dieu, n'êtesVous point trop fevere ? Pour avoir goûté quelques dou ceurs défendues, Jonathas doit-il périr?

Quels font donc les Riches à qui vous ferez grace, ou quels Riches fe défendront des charmes de la volupté Le loifir y prépare le cœur, les objets le féduifent, les occafions le déterminent. Comment lutter fans

ceffe contre un torrent? Comment fe tenir debout fur une pente fi gliffante ? On eft foible, & on eft pouffé dans l'abîme. Sara eft à peine arrivée sur les Terres de Pharaon, qu'il eft averti de la beauté de l'Etrangere. Judith paroît dans le Camp d'Holopherne, & l'on excite dans l'ame du General la fatale curiofité de la voir. Perils des Rois & des Riches, vous êtes prefque les mêmes. La Richeffe eft pour les particuliers une espece de Souveraineté ; tout ce qui les environne veille pour les corrompre, les difcours & les exemples adjoûtent encore aux objets une nouvelle force.

L'homme fortuné eft un malade en qui je ne vois plus que des fignes de mort. Rien ne pourra le guérir, Si le Seigneur envoye fes Medecins fpirituels, ils feront ou rebutez comme faint Paul chez le Proconful, ou égorgez comme Jean Baptifte chez Herode. S'il infpire des Prophetes; que de Juifs charnels prêts à s'écrier, comme la Tribu d'Ephraim, nos tréfors}& nos plaisirs font nos Dieux, nous ne connoissons plus le Dieu d'Ifraël.

Tonnez donc, Seigneur, vangez-vous du blafphême, diffipez les Riches comme la pouffiere. Non, je parle des Chrétiens, & vous avez pour eux des entrailles de douceur; vos rigueurs étoient pour les Difciples de Moyfe. Tendez les bras à ces Riches, ramenez-les à vous; mais par quel chemin ? La Penitence

pouffe le Solitaire dans les Deferts, & la Richeffe nous retient dans le Monde. La Penitence veut arracher des larmes, la Richeffe fait nager les cœurs dans la joye; la cendre doit couvrir le Penitent, & le Riche éclate d'or & de pourpre. Demandez-vous qu'il s'en dépoüille, qu'il abandonne fon tréfor à la cupidité, à la diffenfion, qu'il jette ce glaive que mille furieux fe hâteront de prendre, & dont ils vont se bleffer?

Graces foient rendues à la mifericorde Divine; fi elle nous épouvante par le danger des Richeffes, elle nous raffûre en nous en apprenant l'ufage. Ce metal funefte, fource de vengeances, peut devenir le prix des recompenfes éternelles. A la fuite d'un Dieu fouffrant paroît une foule d'indigents & d'infirmes. Voilà les amis qu'il nous préfente. Amis qui ne demandent pas à nous ra-vir nos Biens, à les confumer avec nous en délices; contents de la moindre partie, pour nous la rendre au centuple. Exerçons cette pieufe ufure: l'Eternel nous a donné gratuitement dequoi acheter le Ciel. Oui, le Ciel qui a coûté tant de travaux aux Apôtres, tant de fang aux Martyrs, ne nous coûte que d'épancher un fuperflu fouvent incommode, de ceder aux fentimens de la Nature, de payer une dette que les Payens même croyoient indifpenfable.

Celui qui multiplie le pain dans le Defert, & l'huile dans les vafes de la Veuve, avoit-il befoin du Riche

pour nourrir le Pauvre ? Il les a liez l'un à l'autre, afin que celui-ci fe rachetât par l'aumône, & que celui-là fist des vœux par reconnoiffance. C'est à fa Providence qu'il affocie le Riche, en le plaçant entre le Ciel & la Terre, comme une nuée féconde, pour répandre une rosée bien-faisante. C'est à sa patience qu'il affocie le Pauvre, en l'inftruifant à ne plus envier des tréfors, dont nous ne fommes que les œconomes. Ainfi il éteint la foif des Richefles, il en épure la joüiffance, & remedie aux deux inconvenients qui en font prefque inféparables.

PRIERE A JESUS CHRIST.

Eigneur, rompez nos liens, rendez-nous notre li berté. Nous n'avons été que trop long-tems efclaves des Biens de la Terre; donnez-nous le partage des Enfans d'adoption : apprenez-nous à ufer de ce monde comme n'en ufant pas ; encouragez-nous à en voir fans regret paffer la figure;arrêtez nos regards fur le Royaume qui ne paffe point; dégoûtez-nous des fources funeftes qui nous alterent; montrez-nous les torrents de délices où nous feront plongez : & que la mort fi amere à l'avare qu'elle dépouille, & au & au Philofophe qui n'a point d'efperance, foit pour le Fidelle un jour de conquête, qui le mette en poffeffion des veritables tréfors.

Fin du fecond Tomes

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