la religion & de la piété, est l'effet de votre lâcheté à prier. Car fi vous rentriez un peu dans vous-même qu'y trouveriez-vous qu'une effroyable mifere? Si vous faifiez réflexion fur l'exil auquel vous êtes condamnée, fur le nombre de vos ennemis, fur les ténébres qui vous environnent, fur la corruption prefque infinie de votre cœur qui vous porte fans ceffe à l'injuftice & au mal, fur les piéges qui vous font tendus par-tout, par-tout, & même

dans le chemin de la vertu : avec quelle ardeur défireriez-vous le Ciel qui est votre patrie? Si vous étiez attentive dans vos prieres, que demanderiez-vous autre chofe Que demande l'Eglife

dans fes oraifons? Que demandent les Juftes par ces gémiffemens fecrets & ineffables dont le Saint- Esprit eft l'auteur, finon d'être délivrés du poids incommode d'un corps rebelle à la loi de Dieu, & d'être réunis pour toûjours à J. C. qui eft leur

vie?

Mais vous priez fans entrer dans l'efprit des pleaumes & des prieres publiques. Vous priez par la pensée & l'imagination, & non par les fentimens & les défirs d'un cœur véritablement touché. Vous êtes devant Dieu fans fçavoir pourquoi vous y êtes. Vous y venez, fans pouvoir dire pourquoi vous y venez : & vous le quittez, sans pouvoir rendre compte de ce

que vous avez fait ou de ce que vous avez voulu faire. Il faut bien après cela que le bonheur éternel d'une vie à laquelle vous ne fongez point, vous devienne indifferent. Mais le moyen que vous agiffiez avec courage & avec patience, ne fçachant point où vous allez ? Qui entreprend un long voyage, s'il ne fçait où il va, & s'il ne défire d'arriver? Défirez donc, mais avec ardeur & avec une fainte impatience, d'arriver à une vie éternellement bienheureuse; & foyez bien perfuadée que ce n'est q dans la priere que le

déir des biens éternels s'entretient & s'échauffe ; & que ce feu célefte ne s'allume, P.38; comme dit le Prophéte, que

dans une profonde méditation des miferes de cette vie & de la félicité de l'autre.

Voilà, outre les raifons communes à tous les fideles qui doivent prier fans relâche, les motifs particuliers qui doivent vous porter à aimer la priere, à y mettre votre confiance, à la regarder comme une fource de graces pour vous, & comme un remede très-préfent aux maladies dont vous n'avez pû guérir jusqu'à cette heure.

A

2. Maniere de prier. Il faut le faire de cœur & pour cela être bien pénétré du fentiment de fa mifere, & de fon indigence générale.

MA

14. 15.

Ais comment prierez-vous? Saint Paul vous l'apprend en deux mots. Je prierai, dit-il, du cœur & 1. Cor. de l'efprit. Je joindrai le sentiment & l'amour à la penfée & à l'intelligence. Et c'est ce que le Fils de Dieu difoit à la Samaritaine, que le tems étoit veni que les Joan. 4véritables adorateurs de fon Pere l'adoreroient en efprit & en vérité. La priere & l'adoration partent d'un même principe. On honore Dieu quand on le prie, se

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