en porte devant Dieu une confufion falutaire, & qu'on foit bien fincerement dans la réfolution de fupprimer la table dès qu'on le pourra, il ne faut pas s'inquiéter, & il y auroit du mal à le faire. • Si M*** étoit fur cela de votre humeur, je vous confeillerois de vous retrancher dans votre domeftique : il est d'un autre sentiment, il faut le fuivre. Peut-être qu'il est néceffaire pour les intérêts du Roi & de la Province qu'il faffe cette dépense. Il a fes raifons; & quand il n'en auroit point de légitimes, vous en avez de grandes de lui donner cette fatisfaction. Je n'étens votre complaifance jufqu'au fentiment du cœur. Vous

pas néanmoins

n'êtes point obligée de changer l'inclination que vous avez, elle eft jufte. Je me contente d'un confentement

d'efprit & de bienféance, en forte que vous ne faffiez point paroître de tristesse ni de contrainte, que vous cachiez, & par devoir & par humilité, le penchant de votre cœur, & la violence que vous vous faites; & que cependant vous gémiffiez devant Dieu, mais dans une profonde paix & fans chagrin, de ce qu'il ne vous délivre point de cette fer

vitude.

Mais afin que ce gémiffement ne foit pas celui d'un hypocrite, il faut s'appliquer à retrancher tout ce qu'on peut retrancher fans tom

ber dans une fingularité ridicule. Il faut mépriser la gloire que les hommes ont attachée à donner à manger avec plus de propreté & de politeffe, de rafinement & de délicateffe que les autres. Cette gloire eft une confufion pour une perfonne chrétienne, & qui connoît sa religion. Il faut craindre, au lieu de défirer les diftinctions & les louanges fur ce sujet : faire les chofes comme on croit les devoir faire honnêtement & fagement, mais les faire, parce qu'on ne peut les éviter, fans prétendre fe diftinguer, & fans vouloir se fignaler par un endroit fi peu capable de donner de l'eftime. A moins qu'on ne fe conduise de la forte, on

a beau dire qu'on n'aime pas la magnificence & le luxe, on y eft attaché, & peut-être plus qu'un autre ; & fi l'on reffent quelque peine, elle vient plutôt ou de ce qu'on eft obligé de foûtenir une grande dépenfe, ou de ce qu'on eft chargé du foin de faire les chofes avec dignité, & de ce qu'on eft en quelque maniere garant du fuccès qu'elles peuvent avoir, qu'elle ne vient de l'averfion qu'on a des fu→ perfluités.

Pour les perfonnes de qualité qui arrivent ou qui paf fent, & auxquelles vous ne pouvez vous difpenfer de donner à manger, vous garderez, s'il vous plaît les mêmes régles: ne portant pas

le luxe auffi loin que d'autres le portent; n'affectant point de vous faire.remarquer par une propreté trop étudiée; regardant cette dépenfe à l'égard des riches comme inutile & comme perdue, fi vous n'attendez pour récompenfe que leur reconnoiffance & leur estime; étant bien convaincue dans votre cœur que vous feriez bien plus heureuse fi Vous appelliez à vos repas, felon la parole de J. C. les Luc. 143 pauvres & les miférables qui ne pourroient pas vous le rendre; & purifiant par des aumônes les fautes que vous commertez, comme malgré vous, dans ces fortes de néceffités.

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