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riences, il eft bon de revenir pour un inftant à la comparaifon que l'on fait des arbres qu'on laisse abattus avec leurs branches & leur écorce, avec ceux qui périffent d'eux-mêmes fur leur fouche: nous ne la trouvons pas fort exacte; & pour mieux faire comprendre quel eft fur cela notre fentiment, nous partagerons en deux claffes les caufes qui font périr les arbres fur pied: dans la premiere, nous comprendrons les arbres qui meurent de vieilleffe ou de maladie; & dans la feconde, les arbres qui meurent de quelques accidents particuliers, tels que les gelées exceffives, les gelées exceffives, la trop grande tranfpiration, qui, dans les années très-chaudes & très-feches, font mourir fubitement les arbres; les vers qui rongent l'écorce des racines; les coups de vent qui rompent, qui déracinent, qui renverfent les arbres, &c. Dans tous ces cas, j'ai trouvé des arbres morts fur pied, dont le bois étoit fort bon; j'ai même fait débiter quelques-uns de ces arbres qui étant reftés long-temps fur leur fouche, quoique morts, avoient perdu prefque toute leur écorce, & dont cependant le bois étoit extrêmement dur & bon. Au refte, fi l'on confidere ce qui a fait périr ces arbres, on reconnoîtra que ce n'eft ni une altération des liqueurs, ni un vice des parties folides, mais le défaut de nourriture qui a fait que ces arbres fe font defféchés fur pied & même plus promptement qu'ils n'auroient fait fur le chantier; & cela ne doit leur porter aucun préjudice.

Ceci fera bien prouvé fi l'on cherche à connoître ce qui est arrivé aux arbres que nous avions écorcés fur pied.

Quant aux arbres qui meurent par la rigueur de la gelée, je prévois qu'on aura peine à m'accorder que leur bois foit de bonne qualité. Nous avouons que nous n'avons pas eu occafion d'examiner des Chênes morts par la gelée, pour pouvoir être certains de la qualité de leur bois ; mais l'Hiver de l'année 1709 ayant fait périr tous nos Noyers, nous en avons fait débiter deux ou trois cens pieds en planches, en membrures & en quartelages; cette opération nous a fourni une ample matiere à observations: il eft vrai que parmi ce bois il s'en eft

trouvé de vermoulu; mais la plus grande partie du refte qui été employée à différents ouvrages, eft demeurée jusqu'à préfent très-faine & très-bonne : le bois des Cyprès gelés s'eft auffi trouvé très-bon. Au furplus, fi l'on peut comparer les arbres qu'on laiffe dans leur écorce avec les arbres morts fur pied, ce doit être certainement avec ceux qui fe trouvent les moins défectueux; car les arbres qui reftent en grume, ne peuvent l'être à ceux qui meurent de vieilleffe.

En effet, pour peu qu'on y prête attention, on doit fentir que ceux qui meurent de vieilleffe, étant déja altérés dans le cœur, & long-temps avant leur mort, ainfi que je l'ai prouvé dans le premier Livre, ils portent intérieurement un vice effentiel, qui ne fe trouve pas dans les arbres fains qu'on laisse dans leur écorce après qu'ils ont été abattus; il en eft de même des arbres qui meurent à la fuite d'un long dépériffement caufé par quelque maladie ; car, que le vice réfide feulement dans les liqueurs, foit qu'il ait endommagé les parties folides, c'eft toujours un commencement d'altération & un acheminement à la corruption, mais qui n'existe point dans les arbres fains qu'on laisse dans leur écorce après les avoir abattus.

; car, foit

Mais, dira-t-on, cette altération (quoique d'une maniere moins fenfible) fe forme peut-être dans les arbres après qu'ils ont été abattus, à caufe de l'obstacle que l'écorce oppofe à l'évaporation de la feve: c'eft ce qui refte à examiner, parce qu'en cela confifte principalement l'éclairciffement qu'on doit attendre de nos expériences.

Avant que d'en donner le détail, il eft néceffaire de rapporter encore un autre fentiment fur ce qui occasionne la précipitation de l'évaporation de la feve. Ceux qui l'ont adopté, prétendent qu'il faut écorcer les arbres auffi - tôt qu'ils font abattus, mais ne les point équarrir que quand on veut les employer: en suivant cette pratique (difent-ils), 1°, les bois fe deffechent promptement; 2°, ils font moins expofés à être attaqués des vers & de la pourriture; 3°, ils doivent moins fe tourmenter, & être moins expofés à s'échauffer.

Ce qui concerne les gerces & les éclats fera traité à part; nous renvoyons ce qui regarde l'attaque des vers à un endroit de cet ouvrage où nous aurons occafion d'en parler; ainsi nous ne rapporterons ici que les expériences que nous avons faites, pour conftater fi l'écorcement ou l'équarriffage aident beaucoup au defféchement des bois.

D'après ce que nous avons dit plus haut, une des chofes qui fe préfentent à éclaircir d'abord, c'eft de savoir si la seve s'échappe plus promptement d'une piece de bois écorcée que d'une autre qui conferve fon écorce; ou ce qui est la même chofe, fi les pieces de bois écorcées se dessechent plutôt que celles qu'on réserve avec l'écorce.

On trouve dans la Phyfique des Arbres quantité d'expériences qui prouvent qu'il s'échappe beaucoup plus de tranfpiration des arbres auxquels on a fait des plaies, ou qu'on a écorcés, que de ceux dont l'écorce eft reftée entiere. L'écorce, en faisant un obstacle à la diffipation de la transpiration, ne l'empêche donc pas entiérement. Nous avons remarqué dans toutes nos expériences, qu'il s'échappe plus de feve dans certaines faifons que dans d'autres; beaucoup plus dans la grande force de la végétation, que dans le temps où les arbres ne font point en feve; quand l'air eft chaud & sec, que quand il eft frais & humide.

Il s'échappe fur- tout beaucoup de tranfpiration dans les temps chauds, où, comme l'on dit, l'air eft pefant; c'est-àdire, que l'air ayant perdu de fon élasticité, le mercure du barometre defcend.

Ainfi quand on obferve avec attention & pendant longtemps l'évaporation de la feve, on apperçoit bien que la caufe qui la détermine à s'échapper, eft compliquée, & qu'elle dépend de plufieurs circonftances qui font les mêmes que celles qui occafionnent le jeu des Thermometres, des Barometres & des Hygrometres; d'où il réfulte cependant une combinaifon fi bizarre par la prédomination d'une de ces causes, qu'on ne peut pas dire que la formation des vapeurs fuive exactement la marche d'aucun de ces inftruments; & un inftrument

qui réuniroit les effets du Thermometre, du Barometre & de l'Hygrometre, auroit certainement une marche bien irréguliere, mais qui cependant pourroit fuivre affez celles de l'évaporation de la feve; encore faudroit-il que les différentes causes qui occafionnent chacun de ces effets, fuffent, relativement les uns aux autres, également proportionnés dans un pareil inftrument, & dans les arbres dont on voudroit obferver le defféchement; car il est clair que fi cet inftrument tenoit plus du Barometre que du Thermometre ou de l'Hygrometre pendant que l'arbre qu'on obferveroit, feroit plus Thermometre ou plus Hygrometre que Barometre, alors la marche de l'un & de l'autre feroit bien différente. Comme j'ai cru appercevoir que la feve s'échappoit en grande quantité dans les temps les plus favorables à la végétation, j'aurois defiré pouvoir imaginer un inftrument qui pût être à la fois fenfible au poids de l'atmosphere, à la chaleur & à l'humidité de l'air; mais comme il ne m'a pas été poffible de saisir ce point de conformité, avec les végétaux,j'ai échoué dans toutes les tentatives que j'ai faites pour avoir un pareil inf trument capable d'indiquer avec précision, les temps & les circonftances les plus favorables à la végétation; quand même je ferois parvenu par hazard à en conftruire un dans un rapport affez exact avec tel arbre que ce soit, il est probable que ce rapport ne feroit pas indiftinctement le même avec tous autres arbres, & dès-là il n'auroit été d'aucune utilité.

On a vu dans les expériences que nous avons détaillées dans la Phyfique des Arbres, que dans les arbres qui végetent, la tranfpiration traverse l'écorce, mais qu'elle fort avec bien plus d'abondance des endroits où elle a été enlevée que des autres; & qu'outre cette liqueur ténue, il s'échappe encore des endroits écorcés une fubftance gélatineufe; ce qui prouve fenfiblement que l'écorce peut bien ralentir l'évaporation de la feve, mais non pas l'arrêter entiérement.

Nous prévoyons qu'on pourroit nous reprocher d'avoir fait nos expériences fur de jeunes arbres dont l'écorce étoit liffe, unie, & bien différente de celle des gros arbres, qui est ra

boteufe, pleine de gerces, & d'une texture irréguliere. Nous convenons fans difficulté qu'il s'échappe plus de tranfpiration des bourgeons herbacés, que des jeunes branches, & qu'il s'en échappe fort peu par les groffes écorces; & c'est pour prévenir cette objection, que je n'ai pas oublié de constater, par quelques expériences, qu'il s'échappe de l'humidité des plus groffes écorces: voici en peu de mots quelles font ces expériences.

§. 1. Expérience qui prouve que la feve peut s'échapper à travers la groffe écorce.

DANS le mois de Septembre, j'ai choisi plufieurs rondins de Chêne, tout récemment abattus & en grume, de trois pieds de longueur & de huit à neuf pouces de diametre ; j'en ai fait poiffer quelques-uns par les bouts; d'autres n'ont point été poiffés; j'ai dépouillé quelques-uns de leur écorce; j'ai fait pefer enfuite ces différents morceaux de bois, & j'ai continué de les faire pefer tous les huit jours à différents mois de l'année. J'ai connu très-évidemment que la feve s'échappoit de ces morceaux de bois, mais fenfiblement moins de ceux dont les bouts étoient poiffés, que de ceux en grume, & moins promptement de ceux-ci que des écorcés.

§. 2. Obfervations relatives au même objet.

LE détail exact de nombre d'expériences qui prouvent toutes ce que je viens d'avancer, fatigueroit le Lecteur, ainsi je me contenterai de rapporter feulement & fort en abrégé, quelques faits où la différence s'eft trouvée plus confidérable qu'elle ne l'eft ordinairement.

Un rondin de Chêne en grume qui, tout frais abattu, pefoit 45 liv. une once un gros, un mois après s'eft trouvé pefer 44 liv. quatre gros: ainfi il n'avoit diminué en un mois que d'une liv. cinq gros.

Un pareil rondin auffi en grume, mais dont on avoit poiffé

les

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