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les autres ; & au lieu que dans ceux-ci, les vers ne détruisent que l'écorce & la fuperficie de l'aubier; dans les autres, ils avoient entiérement percé l'aubier, & fait même beaucoup de chemin dans le bois quand ils y avoient trouvé des veines tendres : j'ai vu des trous de gros vers où l'on auroit aisément mis le petit doigt.

§. 6. Conféquences des Obfervations précédentes.

ON voit par ces obfervations que, généralement parlant, l'écorce eft préjudiciable au bois ; mais beaucoup plus quand ils font exposés à l'humidité que quand ils font confervés à couvert & dans des lieux fecs: l'humidité attendrit le bois, & le rend fans doute plus propre à être rongé par les vers; outre cela, on peut regarder l'écorce comme une éponge qui fe charge de l'humidité, qui la conferve, & qui porte en premier lieu la corruption dans l'aubier, enfuite & à la longue, dans le bois, pour peu fur-tout qu'il y ait quelques veines tendres qui lui en permettent l'entrée.

5°, Rarement les plus gros vers, ces chenilles de bois qui produifent le capricorne, fe trouvent-ils dans les bois qu'on a tirés des forêts immédiatement après qu'ils ont été abattus; au lieu que ces mêmes vers dévorent les bois qu'on laiffe en grume dans les ventes: peut-être faut-il plus d'humidité à ces infectes; & communément il y en a davantage dans les forêts que dans les chantiers ; il fe peut faire auffi que les vers paffent d'une piece dans une autre, & cela reviendroit à ce que rapportent plufieurs voyageurs des Ifles de l'Amérique, qui affurent que fi après avoir abattu un chou-palmifte, on fait plufieurs entames à fon écorce, & qu'on le laiffe dans la forêt, on trouve au bout de quelque temps cet arbre percé & rempli de gros vers qui font fort bons à manger; mais que fi l'on transporte cet arbre dans les habitations, ces mêmes yers ne viennent point l'y attaquer.

Auffi les Marchands de bois font ils dans la pratique de faire exploiter promptement les bois qu'ils deftinent à faire

de la

de la fente, parce qu'ils en confervent l'aubier, & qu'ils le vendent comme le bois du cœur; c'eft fur-tout ce qu'ils pratiquent pour la latte & les échalas, les ferches, &c; mais il faut dire auffi que le bois verd fe fend mieux que le fec.

Toutes les expériences, toutes les obfervations que nous avons rapportées, & les réflexions que nous avons faites fur les différentes opinions qui font venues à notre connoissance; en un mot, tout ce que nous avons dit jufqu'à préfent, concourt à prouver qu'il y a un avantage confidérable, lorfqu'on veut ménager la bonne qualité des bois, à écorcer, ou même à équarrir les arbres auffi-tôt qu'ils ont été abattus. Il me refte maintenant à examiner fi, en fuivant cette pratique, on ne les rend pas inutiles, à cause de la quantité de fentes & d'éclats qu'elle peut occafionner : c'eft ce qui va faire le sujet du Chapitre fuivant.

CHAPITRE II.

Quelle est la caufe des gerces, des fentes & des éclats qui endommagent fi fouvent les bois de la meilleure qualité? Pourquoi ces mêmes bois font-ils les plus fujets à fe voiler & à fe tourmenter? Dans quels cas ces accidents font-ils principalement à craindre ? Quels font les moyens de prévenir leur progrès ?

Les bois fe gercent, fe fendent & s'éclatent, ou ils fe voilent, fe courbent & fe tourmentent, à proportion qu'ils perdent de leur feve, ou qu'ils fe deffechent.

On fait auffi que les arbres abattus diminuent de volume, à mefure qu'ils perdent l'humidité qu'ils avoient lorsqu'ils étoient encore fur leur fouche.

Nnn

Je me fuis affuré par des expériences, que dans les bois de la même qualité, ce font ceux qui contiennent le plus d'humidité, qui perdent le plus de leur volume.

Je m'explique: le bois du cœur des arbres qui font en crûe, eft plus denfe que celui de la circonférence ; il contient dans un même espace plus de fibres ligneuses & moins d'humidité : quoique ce point ait été déja prouvé ci-devant, je vais encore le prouver par de nouvelles expériences.

Or, je dis que dans ce cas, le bois de la circonférence qui perd le plus de fon poids en fe defféchant, diminue auffi plus de volume que le bois du centre.

Il n'en eft pas tout-à-fait de même, lorfque ce font des bois de différente qualité; car les bois très-vieux, très-usés les bois qui font venus dans des pays froids, ou dans des terreins humides; en un mot ces bois, que les Ouvriers appellent Bois gras, perdent beaucoup de leur poids en fe féchant; mais cependant il m'a paru qu'ils ne diminuent pas beaucoup de volume.

Ce qu'il y a de certain, c'eft que les bois extrêmement forts, ceux qui font de la meilleure qualité, les Chênes de Provence, par exemple, fe fendent & s'éclatent beaucoup; les bois d'une qualité médiocre, ceux de Bourgogne, & encore plus ceux du Nord, fe fendent beaucoup moins: les bois très-gras ne fe fendent prefque pas; le bois pourri ne fe fend point du tout.

Après qu'un arbre a été abattu, il se deffeche à mesure qu'il perd de fon humidité, il perd auffi de fon volume, & les fentes fe forment dans le bois à proportion qu'il diminue de volume.

Je ne m'arrêterai point à examiner comment fe fait le defféchement du bois ; il eft le même que celui de tous les autres corps; la même caufe Phyfique fait qu'un morceau de drap & un morceau de bois fe deffechent; ainfi il me fuffira de renvoyer à ce qui a été dit de plus probable fur l'évaporation des liqueurs, fur la formation des exhalaifons, des vapeurs, &c.

Mais pour favoir d'où peut dépendre la diminution du volume du bois lorfqu'il fe deffeche, il faut d'abord concevoir qu'un tronc d'arbre eft compofé de différentes couches d, d, d

(Pl. XIV. fig. 1), formées de fibres ligneufes qui s'étendent dans toute la longueur du tronc e e e e ; ces fibres longitudinales font jointes les unes aux autres, non-feulement par des fibres qui les coupent à angle droit, & qu'on voit former des rayons f,f,f, fur l'aire de la coupe d'un morceau de bois ( ce font les véhicules de Malpighi, les infertions de Grew, & ce que les Marchands de bois appellent la Maille ), mais encore par quelques fibres longitudinales qui paffent obliquement d'un faisceau dans un autre, ou d'une couche à l'autre; cette méchanique s'apperçoit aifément, & la communication latérale de la feve qui eft prouvée par tant d'expériences, démontre la néceffité de l'union intime des fibres longitudinales les unes avec les

autres.

Il s'en faut cependant beaucoup que cette force qui unit les fibres longitudinales, & que j'appellerai leur force de cohéfion, ne foit auffi puiffante que la force même de ces fibres; car ces deux forces font entr'elles comme la force qu'il faut pour rompre un morceau de bois, est à la force qu'il faut pour le fendre; ou comme la force d'un barreau de bois de fil cc (fig. 1), eft à la force d'un barreau bb, de pareille dimen fion, mais levé dans le diametre d'un gros arbre, tel que celui de la figure 1, fur lequel ces deux barreaux font ponctués, l'un fur la coupe, & l'autre dans la direction du tronc.

Maintenant que nous avons une idée de la difpofition des fibres ligneufes dans un arbre, confidérons quelle eft la nature de ces fibres.

Elles ne font point rigides comme le feroit un faisceau de fils de métal, ou comme des fils d'émail; elles font originairement formées d'une matiere mucilagineuse, gommeuse ou réfineufe; & quoiqu'elles aient en quelque façon changé de nature, elles confervent néanmoins le caractere de leur origine, puifqu'elles s'attendriffent à la chaleur & à l'humidité,& que le froid & la féchereffe les endurcit : ce font donc des fibres élastiques qui fe refferreront, & qui fe contracteront à mesure qu'elles perdront de leur humidité, & qui fe gonfleront & s'étendront lorfqu'elles s'imbiberont d'humidité; cela doit fuffire pour ex

pliquer les phénomenes dont il eft ici queftion, & il n'est pas néceffaire de recourir, comme ont fait de grands Phyficiens à certaines véhicules ovales qui deviennent fphériques par le defféchement. On fait que les matieres mucilagineufes fe gonflent par l'humidité, &qu'elles fe refferrent quand elles fe deffechent: un morceau de gomme adragante, de colle forte, &c, fe gonfle dans l'eau, & ces matieres reviennent à leur premier volume, quand on les dépofe enfuite dans un lieu fec. Je m'en tiens à ces faits, & je ne cherche point pour le préfent à expliquer comment les parties de la colle peuvent fe contracter dans un cas, & fe dilater dans un autre ; mais comme j'ai prouvé ailleurs que les fibres ligneufes étoient originairement formées de matieres mucilagineufes, & qu'elles retiennent encore (lorfqu'elles font converties en bois), quelque chofe de la nature de ces matieres, je me contente de foupçonner que ces fibres fe dilatent ou fe contractent par une méchanique semblable à celle des matieres mucilagineufes.

On fait qu'une corde humectée fe gonfle, & qu'elle diminue de groffeur quand elle fe deffeche: je crois que le gonflement de la corde dépend de la même caufe qui fait monter l'eau dans les tuyaux capillaires ; & je penferois auffi que cette caufe influe dans l'augmentation ou la diminution du volume des bois qu'on humecte & qu'on fait deffécher; mais il faut qu'il y ait quelque chofe de plus ; car la corde, lorfqu'elle se deffeche, gagne en longueur ce qu'elle perd en groffeur, au lieu qu'un morceau de bois diminue en tout fens lorfqu'il perd fon humidité, ce qui arrive pareillement aux matieres mucilagineufes.

Je demande cependant qu'on obferve, que je dis feulement que nos fibres ligneufes retiennent encore quelques-unes des propriétés des matieres dont elles ont été formées; car je ne prétends pas qu'elles ne font que gomme, que réfine, ou que mucilage; il eft certain que l'état de bois où elles font, eft très-différent de celui de mucilage où elles ont été ; mais je crois que dans un morceau de bois il y a des parties qui

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