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groffe après vingt-deux ans de fterili– té; fa groffeffe étoit très - avancée, la Marquife heritiere préfomptive du Comte voyoit par là évanouir fes efperances, le Marquis amoureux forma le deffein d'unir fa deftinée avec la Marquife, parcequ'il comptoit que le mari feptuagenaire étoit au bout de la carriere, il comptoit encore davantage fur les fecrets qu'il

avoit d'avancer la mort. Ils formerent le deffein de fupprimer l'enfant de la Comteffe; ils corrompirent à force de préfens Baulieu Maître d'Hôtel du Comte; la Sage-Femme: les deux Femmes de chambre de la Marquife furent du complot. La Comteffe ayant eu des fignes avancoureurs de fon accouchement, fa chambre fut bien-tôt remplie de perfonnes de condition qui venoient témoigner la joye qu'ils avoient de la naiffance prochaine de cet enfant. La Maréchale de S. Geran, mere du Comte y étoit, la Sage-Femme reprefenta que cette nombreuse compagnie incommodoit la Comteffe. La Maréchale & le Comte pour donner l'exemple fortirent, & firent fortir tous les Etrangers. Alors la Comteffe fe trou

va en proye à la Sage Femme & à Baulieu, & aux deux Femmes de la Marquife, qui feules refterent après avoir écarté fur des prétextes deux filles qui fervoient la Comteffe.Comme elle étoit dans les douleurs qui annonçoient qu'elle alloit fe délivrer, ils lui donnerent un breuvage qui l'affoupit tellement qu'elle accoucha fans s'en appercevoir. La Sage-Femme qui reçût l'enfant effaya de le tuer en lui preffant le crane, il en a toûjouts porté la marque, mais elle ne conTomma pas fon crime, parceque Baulieu le lui ôta, il le mit dans une corbeille où il étoit bien enveloppé. Il le mena jufqu'en Auvergne auprès de Thiers où il le mit en nourrice. Il le confia enfuite à la Pigoreau, veuve de Baulieu, Maître en fait d'Armes frere du Maître d'Hôtel. Il eft furprenant que le Marquis de S. Maixant capable des crimes les plus noirs aic voulu qu'on prit soin de l'enfant, & qu'on n'oubliât rien pour le bien nourrir, & pour lui donner tous les foins neceffaires, foit qu'il voulut contenir la Marquife par là & lui faire la loy, afin qu'elle accomplit le projet de leur mariage, foit qu'il fe repentit de fon

crime & qu'il ne voulut pas l'ache ver. Il laiffa jufqu'à fa mort le fort de l'enfant dans l'incertitude, parcequ'il n'ofa jamais reveler fes horri ribles deffeins. La Pigoreau le fit baptifer à S. Jean en Grêve comme un bâtard, fans lui donner fur le Regiftre baptiftaire ni pere ni mere. Le Foffoyeur fut fon parain, & une pauvre femme fut fa maraine. La Pigoreau dès qu'il fut fevré le retira chez elle,le fit paffer pour fon fecond filsqui étoit mort;mais lorsqu'il eut deux ans & demi, elle le rendit à Baulieu qui l'éleva comme fon neveu, fon filleul à l'Hôtel S. Geran. La Comteffe & le

Comte fe fentirent pour cet enfant des entrailles de pere & de mere, ils lui firent donner une éducation qui convenoit à une perfonne de naiffance. Le Marquis de S. Maixant & Bau lieu moururent fans reveler le myftere de la naiffance du petit Comte, il leur étoit feulement échapé quelques paroles équivoques. La Marquife de Bouillé, fes deux Femmes de chambre complices du crime moururent auffi fans rien découvrir. On peut reconnoître dans toutes ces morts précipitées la Juftice Divine qui enlevoit

ces criminels au milieu de leur courfe fans qu'ils donnaffent aucune marque de penitence. Le Comte & la Comteffe raffemblant à la fin tant de préfomptions qui parloient en faveur de La naiffance de leur fils fe pourvûrent en Juftice. Ils firent arrêter la SageFemme qui varia dans les répon-fes, après avoir avoué fon crime, elle le défavoüa & mourut dans la prifon. Malgré l'information où plu-fieurs témoins découvroient la verité, elle étoit enveloppée de tant de nua-ges, qu'elle ne les pouvoit percer qu'à la faveur du foleil de la Juftice du Parlement où l'affaire fut portée. La Ducheffe de Vantadour & la Com-reffe du Lude, heritieres du fang du Comte de S. Geran intervinrent au

procès & foûtinrent que la Pigoreau étoit mere du petit Comte, & qu'il étoit Henry de Baulieu. La Pigoreau le reclama comme fon fils. L'affaire fut plaidée folemnellement. Petitpied, Avocat du Comte & de la Comteffe étant tombé en défaillance en plaidant à caufe de la grande chaleur du tems, on fit là-deffus un affez mauvais Sonnet qui courut dans le monde où la Pigoreau parlant au Comte

elle lui difoit à la fin:

Et par un prodige ineüi
L'Avocat de votre chimere,

S'eft à la fin évanoui.

Louft 1657. dans fes conclufions que la Pigoreau M. l'Avocat Bignon demanda fut arrêtée; la Cour lui fit défenses à peine de conviction de quitter la Ville & les Fauxbourgs. Un fecond Arrêt fut rendu enfuite qui donna le nom & les armes de S. Geran au jeune Com-te. Les Dames de Vantadour & du Lude fe pourvûrent au Confeil qui les renvoya aux trois Chambres du Parlement. Pendant le cours de ce procès le Comte de S. Geran mourut, la Pigoreau prit la fuite; enfin il fut rendu un Arrêt définitif qui déclara que le jeune Comte étoit fils du Comte & de la Comteffe, & condamna la Pigoreau à être pendue, ce qui a été executé en effigie dans la Place de Grêve en 1666. Cette verité qui a percé & s'eft développée par dégrez malgré toutes les précautions qu'on avoit prifes pour l'étouffer; ces. criminels qui ont porté dans le tombeau leur fecret, que des témoins découvrirent,cet enfant conservé par

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