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Mariez vous, ou libre demeurez,

De tous les deux vous vous repen

tirez.

Damon perfuadé qu'un Marchand qu'il eftimoit devoit le marier, écrivit cette Lettre à une belle Dame amie du Marchand, afin qu'elle lui infpirât de prendre ce parti.

A Madame B.

Perfonne n'est plus propre que Lettre de vous, Madame, à engager notre ami Damon en Cléon à fe marier; la raifon a dans faveur du mariage. votre bouche une force à laquelle on ne peut réfiter. Aidée des graces qui vous animent, & de vos agrémens qui en deviennent plus vifs lorfque vous parlez avec action, quel eft l'opiniâtre que vous ne rangiez fous le joug de votre éloquence? Vous terrafferez facilement les ennemis du mariage qui lui en font un portrait affreux. Se faire une loy d'aimer fouvent malgré notre propre cœur pendant l'éternité de notre vie, une femme qui

á toûjours de grands défauts, effuïer toutes les inégalités & les bourafques de fa mauvaife humeur,avoir une contrôleufe perpetuelle qui ne nous pardonne rien, qui eft l'hiftorienne de toutes nos fautes, dont elle tient un regiftre exact pour nous en rafraîchir fouvent la mémoire; qui veut être notre Directeur, notre Confeffeur,. notre Cafuiffe, qui épuife le tréfor de notre fortune, & celui de nos plaifirs,qui fe joue quand elle veut de notre honneur, & s'en jouë le plus cruellement, quand nous y veillons le plus. Des enfans dont l'éducation eft un ouvrage fi difficile › que c'eft le chefd'œuvre de la raifon, des enfans que. l'amourdu plaifir rendnos ennemis,qui murmurent quand ils nous voïent prolonger notre carriere, des enfans qui font les efpions de nos défauts, pour en prendre avantage & avoir droit de nous méprifer; le public fans nous parer de leurs vertus nouscharge de leurs vices; il excufe leurs fautes en nous accufant,& les juftifie en nous blâmant. Repos, liberté, biens, fanté, honneur, tout cela s'abîme dans le goûfre du mariage. Voilà le tableau qu'on a fait à Cléon ces Peintres là

font des collatereaux à qui leur propre interêt a mis le pinceau à la main, à échauffé l'imagination & leur a fait deffiner & colorier avec beaude force cette peinture.

coup

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Je m'imagine que d'une main hardie vous allez tracer un Tableau plus perfuafif & plus parlant; vous lui ferez voir qu'une femme qu'il fçaura choifir, le foulagera dans fon commerce,qu'elle embellira fa boutique,& y fera un fpectacle charmant : qu'elle fera entourée d'acheteurs;qu'elle aura Part de débiter des marchandises à Pavarice elle même; que fes difcours les plus fimples releveront mieux le merite d'une étoffe que l'or qui y brille; que le jour il goûtera le plaifir de voir croître fa fortune, & qu'il paffera une nuit délicieufe avec celle qui multiplie fon bien; qu'il trouvera chez elle les fecours de l'amitié la plus vive & la plus éclairée, & les reffources de l'amour le plus délicat ; que la raifon, la politeffe écarteront Pennur & les amertumes d'un long commerce; que rien n'égalera le charme d'avoir une moitié qui lui communiquera fes bonnes qualitez, à qui it communiquera les fiennes; que fes

enfans étant dans le premier âge dociles à toutes fortes d'impreffions, elle jettera dans leur cœur des germes de vertu, de fageffe qui les rendront dans la fuite les délices de leur pere ¿ qu'il fe verra renaître dans eux; que par le fecours de fa pofterité il deviendra inmortel; qu'il goûtera dans fa famille le plaifir exquis de la royauté fans en avoir les déboires affreux ; en un mot que fes jours feront filez d'or & de foye.

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Qu'est-ce que cette ébauche au prix du Tableau que vous ferez ? Pourriez-vous ne pas perfuader Cléon, fi dans le portrait que vous tracerez de la femme qui lui fera deftinée vous lui prêtiez vos charmes, & les qualitez de votre cœur & de votre efprit ? Promettez lui une perfonne qui vous reffemble, je vous le garantis marié & je vous répons qu'il fera Mari & Amant tout à la fois. Enfin, Madame, prenez vous-y de tant de fagons que nous le voyons bien-tôt fous l'étendart du mariage. Le pauvre garçon fe confume & feche fur pied. Incapable de certains écarts, il n'a d'autres fecours contre des défirs vifs & inquiets qu'une trifte vertu dont le

remede eft un nouveau genre de mal; ne le laiffons pas perir, quel reproche ne nous ferions nous pas Duffent en enrager les collateraux, enrollonsle dans la milice de l'hymenée, il y fera des merveilles, j'en fuis fûr, l'ouvrage eft fait, fi vous l'entreprenez.

Člelie ayant vû cette lettre trouva que la Satyre du mariage étoit plus forte que l'Apologie; elle dit à Damon, votre cœur a fait la Satyre, & votre efprit l'Apologie.

fur le Cardi

Le Cardinal le Camus après s'être Jugement rendu celebre par une vie dereglée deLouisXIV. qu'il menâ étant Abbé, fe rendit ce- nal leCamus lebre par la penitence qu'il fit étant Evêque: Louis XIV. qui voyoit que le mauvais exemple avoit plus de part à fes déreglemens que le mauvais naturel, dit, je le connois, fi je le fais Evêque, il fera homme de bien, on attribue à ce Prélat pluficuts bons

mots.

Bons mots

Un Curé de fon Diocese fe plaignoit à lui de fes Paroiffiens qui fai- de ce Prélac, foient les Dimanches des Fêtes bala doires. Je n'ai pû, lui dit-il, abolir ces danfes avec quelque zele que je les aye cenfurées dans mes Prônes. Le Cardinal lui demanda s'ils affif

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