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En 190.

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des confidérations toutes humaines On en voyoit qui pour avancer un aîné, & le mettre en état de foute nir la famille avec plus d'éclat, alloient jetter leurs enfans dans des Monafteres, & les facrifioient ainfi non pas à la charité, mais à l'ambi tion; d'autres qui, ne pouvant fouffrir devant leurs yeux (a) les difformitez. avec lesquelles ils étoient venus au Monde, étoient ravis de trouver ce moyen de fe délivrer pour toujours d'une vûë fi chagrinante; mais quelle vocation! Et que pouvoit-on attendre d'une telle démarche, fi-non des mécontens ou des apoftats?

Ce ne fut donc que fur la fin du elle eft abo. douziéme fiecle que le Pape Clément lie par l'E III. perfuadé des inconvéniens qui naiffoient de cette pratique, l'abolit entierement par un Décret qui défendoit à tous les Chrétiens de facrifier ainfi leurs enfans dans un âge fi tendre. La peine qu'il eut à fe faire obeïr fait affez connoître que cette coutume ne déplaifoit point aux

(a) Si quos Gibbofos deformes, ftupidos & feculo ineptos habebant filios, eos Monafteriis includebant, injectâ quafi in eorum collum obtationis catena. Mabil. Analect, to. 3, p. 467 a

peres & aux meres,qui par là avoient toujours en main un moyen honnête & facile de fe décharger de leurs enfans fans qu'il leur en coûtât rien, & de réduire leur famille au nombre qu'ils jugeoient à propos. On fe fou leva contre le Pape, on écrivit contre fa Conftitution, & on prétendit que l'exemple de Samuel confacré au Seigneur par fes parens, avant même qu'il fût conçû, fuffifoit pour détruire tout ce que le Pontife avoit ordonné.

Mais qui ne voit la difference infinie qu'il y a entre cette confecration, & celle dont il s'agit? Celle de Sa muël ne lui impofoit aucune obli❤ gation, fi-non de fervir à l'Autel, & de ne fe plus mêler des negoces que les gens du fiecle exercent pour ac querir du bien, ou pour faire valoir celui qu'ils poffedent. Du refte, il étoit comme les autres hommes, même nourriture, même liberté, mêmes communications.. Comme eux, il pouvoit fe marier, & entrer dans tous les devoirs de lavie civile. Son état ne faifoit que le mettre plus à fon aife, lui acquerir plusd'autorité fur le peuple, le déchargerde l'embarras de pourvoir aux néceffitez de la vie,

& enfin lui donner un rang dans fa République qui l'élevoit au deffus des autres.

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Il n'en eft pas ainfi de la confeeration à l'état Religieux. Outre la continence perpetuelle qui y eft attachée, on s'engageoit dès lors à une vie dure & auftere. Veiller, jeûner faire abftinence de chair, paffer fes jours dans le filence, dans la retraite dans l'éloignement de fes proches & de fes amis, dans des exercices humilians & laborieux ; c'étoit le fort Lanfranc. de ces innocentes victimes; car on in Decret. commençoit dès l'inftant de leur confecration, à leur faire pratiquer tous ces exercices. On leur faifoit même la Couronne, & on leur donnoit l'habit Religieux à l'exception de la coulė qui ne s'accordoit que lorfque l'Abbé le jugeoit à propos; toute l'indulgence qu'on avoit pour eux à caufe de la foibleffe de l'âge, étoit d'avancer l'heure du repas, & de leur permettre l'ufage du linge..

C. 17. Mab. Sup. p. 480.

Peut-être que le Lecteur fera curieux de fçavoir comment s'y prenoient les parens pour décharger ainfi leur famille, & en quels termes étoit conçu le don qu'ils faifoient à Dieu

de leurs enfans. Pour le fatisfairenous lui en donnons ici une formule tirée des Annales de Citeaux, & faite dans le même fiecle où vivoit Suger. Elle eft d'une jeune Veuve de qualité & des plus nobles familles d'Efpagne, qui fit alors préfent du dernier de fes enfans au Monaftere de Cantavos des l'Ordre de Citeaux, dans la vieille Caftille. En voici l'acte traduit en François..

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Moi Sanchia Gomeza Veuve de « Michel Munnoz de Tunoxofa, je donne « à Dieu & à Notre-Dame de Cantavos, « an Reverend Abbé Blaise & à fes fucceffeurs,& à l'Ordre de Citeaux, mon « fils nommé Martin, afin qu'il y ferve Dieu & tous fes Saints, jufqu'à la fin de fa vie, felon la regle de S. Benoift,« & les pratiques de l'Ordre de Citeaux: « &je le donne de cette forte à Dieu pour «‹ La rémiffion de fes péchez, des miens, « & de tous fes parens.... Si quelqu'un a « la hardieffe de caffer on changer ce œ. préfent Acte, qu'il foit excommunié, « maudit de Dieu, & puni éternellement « dans l'Enfer avec Datan & Abiron & que la terre engloutit tout vivans, & co: avec le traitre Judas. Signé, SANCHIA GOMEZA, mere de Martin. MICHEL, frere aîné de Martin..

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Il me femble voir ici ce bouc de la Loi chargé de tous les pechez du peuple qu'on alloit immoler hors du camp. Ainfi l'enfant chargé de tous les pechez de fa famille, étoit chafsé du monde & confiné dans un défert. Letranchant du couteau ne lui ôtoit pas la vie, & l'on ne voyoit point de fang couler: (a) mais le facrifice n'en étoit pas moins réel; & s'il n'avoit pas toute l'horreur du premier, dit faint Bernard, il en avoit toute la rigueur d'autant plus grande & plus infuportable, que l'immolation duroit plus long-temps. De crainte qu'il ne prit un jour envie à l'enfant de retourner au monde, ni à aucun de fes amis de le lui confeiller, on chargeoit cette donation de tous les anatêmes & de toutes les maledictions que nous venons d'entendre; afin qu'effrayé par la grandeur des fupplices qui le: menaçoient, s'il venoit jamais à regarder derriere lui, il ne pensât plus qu'à continuer le facrifice que fes parens avoient fait de fa liberté & de fa vic..

(a) Horrore quidem mitius illo que membra ceduntur ferre, fed diuturnitate moleftius. S. Bern, in Cant..

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