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Fufoit à caufe de cette affaire, de prendre la qualité de Légat du faint Siége en France, que ce n'étoit pas là le fecours que l'Eglife attendoit de fon miniftere dans de pareilles conjonctures, & qu'il devoit s'armer de zele pour s'opposer à une entreprise fi criminelle, qui alloit faire le fcandale du Royaume & de toute l'Eglife. Il mandoit à peu près la même chofe aux autres Prélats. Ces lettres vrayement apoftoliques, firent impreffion fur leurs efprits, & eurent tout l'effet qu'Yves s'en étoit promis. Auçun des Prélats convoquez ne parut à Paris, fi bien que le Roi auroit été obligé d'en demeurer là, s'il ne fe fut trouvé à fa Cour un Evêque affez lâche, pour Dupin, us ofer le marier moyennant quelques fupra. Benefices que le Roi lui abandonna.

Une démarche fi hardie mit tout le Royaume en rumeur; les Seigneurs en murmuroient hautement. Les Prélats en firent leurs plaintes & leurs remontrances au Roi même, le Légat qui étoit devenu plus courageux par les exhortations d'Yves de Chartres fit parfaitement fon devoir; car aprés, quelques avertiffemens charitables, donnez au Roi, fans qu'il parut Cs

Le 16.

s'en mettre fort en peine, Hugues affembla un Concile à Autun, & Phi

ottobre lippe y fut excommunié, difent les

1094.

In 1095.

Peres de ce Concile. Ce Prince avoit épousé une feconde femme, du vivant de la premiere; ainfi ils fuppofoient toûjours que fon premier mariage fubfiftoit encore, & qu'il n'avoit pu être rompu.

Quoique cette fentence parut jufte, le Roi néanmoins loin d'y acquiefcer en appella au Pape, comme d'un excès commis envers la Majesté Royalle. Sa Sainteté pour ne rien précipiter dans une affaire de cette confequence, commença par fufpendre l'effet de la Sentence dont le Roi fe plaignoit :: enfuite il le cita au Concile de Plaifance, qu'il devoit tenir lui-même: au commencement du Carême prochain.

L'on ne vit jamais d'Affemblée plus augufte; le nombre des Prélats qui y vinrent fut fi grand, qu'on ne trouva aucun lieu dans la ville capable de les contenir. L'on fut obligé de tenir le Concile à la campagne. Mais Philippe qui ne vouloit point quitter Bertrade, n'eut garde de s'y trouver; il fe contenta d'y envoyer fes Ambaffadeurs,

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pour faire fes excufes & demander encore du temps. On lui accorda un délai jufqu'à la Pentecôte.

Le Pape cependant obligé de venir en France pour d'autres affaires, vouIut auffi prendre connoiffance par luimême de celle-cy. Le Roi qui s'en doutoit, ne manqua pas d'envoyer promptement des Députez au devant de lui, & de lui faire tout le bon accueil qui lui fut poffible. Ils avoient ordre de preffer Sa Sainteté fur l'absolution de fes Cenfures, & d'en obtenir,s'il étoit poffible, la confirmation de fon mariage. C'étoit un pas bien gliffant. Un Pape fur les terres d'un puiffant Roi dont il avoit befoin, expofé à toutes les violences qu'on pou voit lui faire, il faut avoir du courage pour rejetter les demandes qu'on vous fait alors, & payer d'un refus toutes les honnêtetez dont on vous accable. Urbain cependant en eut af fez pour le faire. Comme il avoit été parfaitement inftruit de toutes chofes par les Lettres d'Yves de Chartres,. il tint ferme; & loin d'accorder au Roi ce qu'il demandoit, il écrivit aux Prélats de France, de l'exhor ter à faire penitence de fa faute, &

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à quitter au plûtôt la Comteffe d'Anjou;puis il prit le chemin d'Auvergne, pour aller tenir à Clermont ce fameux Concile, où la prémiere Croifade fut réfoluë, & executée de la maniere que tout le monde fçait.

Dupin, li. De tous les Prélats du Royaume, fecle, page il n'y eut qu'Yves deChartres,qui eut affez de zele pour executer les ordres du Pape, c'est-à-dire, pour exhorter le Roi à faire pénitence, & à rentrer dans fon devoir. Il le fit avec toute la fermeté que demandoit fon miniftere: mais cette fainte liberté lui coûta Voyez l'E- cher; il fut perfecuté, il fut chassé de pitre 9. 10. fon Eglife, & même arrêté & mis en 21.22. prison. Il n'oppofa à toutes ces violences que la patience & les prieres. Il empêcha même le Peuple de Chartres qui avoit pris les armes pour fa délivrance, de faire aucun acte d'hoftili té: difant que ce feroit irriter la Majefté Divine, & qu'il étoit indigne d'un Evêque de recouvrer fon Eglife par la force; qu'il étoit refolu de mourir, plûtôt que de fouffrir qu'il fe fir aucun meurtre à fon occafion; qu'ainfi ils fe contentaffent de lui procurer la liberté par leurs prieres..

De fa prifon il écrivit au Roi, qu'il

reconnoiffoit avoir été élevé par Sa " Majefté à l'Epifcopat; & qu'ainfi il « Ep. 22, lui devoit après Dieu, le refpect & « l'obéïffance; mais qu'ayant eu le «< malheur de l'offenfer, par les avis << falutaires qu'il lui avoit donnez,« comme un bon & fidelle ferviteur, il fe voyoit maltraité, les biens de « fonEvêché pillez,& lui-même char- « gé de chaînes, que cependant il efperoit de la mifericorde de Dieu, que « Sa Majefté connoîtroit un jour que les « traits de ceux qui nous aiment, font « plus avantageux que les baifers trom- «‹ peurs de ceux qui nous flattent.

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Cette Lettre fi chrétienne ne fit encore rien fur le cœur de ce Prince obfedé par fa paffion. Ainfi le Pape voyant que les remontrances & les ménaces mêmes n'étoient pas capables de lui défiller les yeux, il en vint aux dernieres extrêmitez,& le fepara avec tous fes adherans du fein de l'Eglife, en fulminant contre lui & contre Bertrade la Sentence d'excommunication.

Ce coup de foudre n'étonna point Philippe. Au lieu d'ouvrir les yeux & de rentrer en lui-même, il ne fongea qu'à diffimuler fon mal, & à couvrir

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