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qu'elles y ont contractez.On y décou vre ces routes imperceptibles à la fageffe humaine qu'il prend pour les en retirer; ces grands coups qu'il frappe lorfqu'elles réfiftent: comme s'il étoit jaloux de la beauté de fes ouvrages, & qu'il voulût dire à fes ennemis, que ce n'eft pas pour eux qu'il a formé des vafes fi précieux.

L'Hiftoire étant de fa nature un monument certain de ce quis'eft fait dans les fiecles précedens, & un dépôt fidele de la verité qu'on tranfmet aux fiecles à venir; un miroir où les hommes doivent fe regarder pour connoître ce qu'ils font, & apprendre à devenir ce qu'ils ne font pas, & ce qu'ils devroient être, les Anciens * ont prefcrit des regles importantes à tous ceux qui entreprennent de l'écrire. La premiere, de ne rjen avancer de faux, & dont ils ne foient très-affurez. La feconde, d'expofer la verité dans tout fon jour, fans aucun déguifement. La troifiéme, de ne rien accorder à la flaterie, ni à l'inimitié.

* Quis nefciat primam effe Hiftoriæ le gem, ne quid falfi dicere audeat ; deinde ne quid veri non audeat, nè qua fufpicio gratiæ £t, ne qua fimultatis. Cicero. 4. 11. de Orat.

Je m'y fuis attaché avec fcrupule, & pour remplir ces devoirs effentiels à l'Hiftorien fidele, je ne me suis servi que des Auteurs contemporains à Suger, & de fes propres ouvrages, que j'ai citez fidelement à la marge. Il eft vrai que j'ai lû les Panegyriftes & les Ecrivains modernes qui en ont parlé; mais avec toute la précaution imaginable, & pour les rappeller à la pureté des fources, & à l'exacte verité. En fecond lieu, je n'ai diffimulé aucune des fautes où eft tombé Suger. Ses défauts y font expofez comme les vertus. Je n'ai pas même crû devoir taire ceux des perfonnes quifurent chargées de fon éducation, & encore moins l'état déplorable où fe trouvoit l'Abbaye de S. Denis, lorfque Suger y fut reçû, & avant qu'il y mit la reforme. Mais fi la fidélité & l'exactitude que j'ai apporté à écrire cette Hiftoire m'attiroit le reproche de parler mal de l'Ordre Monaftique, je répondrai avec S. Bernard, qu'on ne doit pas juger que je parle contre l'Ordre, lorsque je reprends non l'Ordre dans les hommes mais les défauts des hommes qui font dans L'Ordre; que par cette conduite, loin de déplaire aveux qui aiment véritablement

Ordre, je ne fais rien au contraire qui ne leur foit agréable,puisque je ne fais que condamner ce qu'ils condamnent euxmêmes les premiers. Si donc quelqu'un s'offenfe de ma liberté, il montrera par-ta qu'il eft véritablement ennemi de l'Ordre, puifqu'il ne veut pas qu'on en condamne ni qu'on en banniffe les abus. S. Bern. Apol. c. 6.

On avertit le Lecteur, qu'on a jugė à propos de mettre les Differtations de cet Ouvrage, au premier Volume, pour le rendre égal aux autres, quoiqu'elles fuffent renvoyées à la fin du troisième.

PREMIERE

PREMIERE

DISSERTATION

Sur le temps de la Fondation de l'Abbaye de S. Denis.

N avoit crû jufques à préfent que l'Abbaye de faint Denis en France avoit été fondée par le Roy Dago

bert en 630. qu'avant ce temps, ce n'étoit qu'une petite Chapelle bâ tie par les foins de fainte Geneviève, & deffervie par un Ecclefiaftique, pour fatisfaire à la dévotion des peu ples, qui accourroient de toutes parts rendre leurs vœux & leurs hommages au Tombeau du faint Martyr qui y repofoit; que Dagobert, dès les mieres années de fon regne, fit bâtir à l'autre bout du village (a) la magnifique Eglife que nous y voyons (a) Ce village s'appelloit Catule, avant qu'on lui eut donné le nom de faint Denis. Differt.

pre

préfentement (a), avec un grand Monaftere, qu'il remplit de Moines qui faifoient profeffion dé la Regle de faint Benoît, & les chargea du foin de bien deffervir cette nouvelle Eglife, où l'on tranfporta les offemens de faint Denis, & des Compagnons de fon Martyre.

Ce n'étoit pas fans peine qu'on étoit venu à bout de donner quelque vrai-femblance à ce fyftême, parce qu'on ne pouvoit fe perfuader que dès l'an 630. il y eut déja en France Launos, des Difciples de faint Benoît. On a Dupin, Bail- vû une infinité de critiques s'élever let,&alii. contre cette opinion, & foutenir que Dagobert avoit établi des Chanoines à faint Denis, & non pas des Benedictins, qui n'y furent introduits, felon eux, que dans le neuviéme fiecle, à la faveur d'Hilduin, alors toutpuiffant dans le Royaume; que ces Moines, pour donner plus de réputation à leur Monaftere, commencerent à débiter que le Corps de faint Denis qui répofoit dans leur Eglise,

(a) Cela doit s'entendre du lieu où elle eft; car elle a été tant de fois changée & rebâtie que je crois qu'il ne refte pas grande chofe des premieres pierres.

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