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nées de l'éducation de ce Prince dans l'Abbaye de faint Denis, & la continuë jufqu'à fa mort, dont il rapporte toutes les circonftances: l'éloge qu'il fait de fa probité, de fa valeur, de fa piété, & de fes autres qualitez, n'eft point outré, quoiqu'on s'apperçoive affez que c'eft un cœur plein de reconnoiffance qui parle, & qui est pénetré des grands exemples de vertu qu'il avoit vûës dans ce bon Roy, dont il avoit eu l'honneur d'approcher de fort près, ayant été non feulement un de fes, principaux Minis tres, mais encore, fi.on ofe parler ainfi, fon intime & fon confident.

Perfonne n'étoit mieux inftruit que lui du détail des actions de ce Prince

& perfonne auffi n'en pouvoit parler plus fçavamment. Auffi n'en a-t'il obmis aucune de confiderable; mais il n'eft pas toûjours exact à les rapporter dans leur rang, & dans le temps qu'elles ont été faites. Il les a écrites comme elles fe préfentoient à fa memoire, qui étoit fort heureuse, & ne s'eft pas mis en peine d'y obferver les regles de la Chronologie.

Son ftile eft ferré, un peu dur, & tout l'Ouvrage eft farci d'une infinité

que

de mots barbares, qui n'ont eu cours dans la baffe latinité. Les Poëtes profanes y font fouvent citez, & jamais les Peres de l'Eglife; ce qui donne lieu de croire que Suger jufqu'alors avoit plus étudié ceux-là que ceux-ci. Il étoit pourtant déja Abbé, lorfqu'il l'a compofé; car il n'y a travaillé qu'après la mort de ce Prince, qui eft arrivée, comme nous avons dit, en 1137.

Il dédie fon Hiftoire à Joffelin Evêque de Soiffons, & dès la Préface il témoigne à ce Prélat qu'il eft juste qu'ayant été fort chéris l'un & l'autre de cet aimable Prince, tandis qu'il vivoit, ils en faffent éclater leur reconnoiffance à toute la terre, en dreffant un monument à fa gloire, que le temps & les années ne puiffent jamais détruire. C'eft ce qu'il prétend exécuter, en mettant par écrit fes plus belles actions, & l'Evêque ent corrigeant ce qu'il y trouvera de défectueux; car c'eft uniquement dans cette vûë, dit-il, qu'il lui envoye fon Ouvrage. C'eft le plus confiderable de Suger.

Au refte, quoique le Latin du fiecle où vivoit Suger fût groffier, & que la

plupart de ceux qui parloient cette Langue, alors fort commune, fuffent fort éloignez de la politeffe du tempsd'Augufte, cependant le mal n'étoit pas univerfel; & nous avons encore beaucoup d'Auteurs de ce fiecle qui: parloient affez poliment. Yves de Chartres, faint Bernard, Abeillard,, & Heloïfe, peuvent être mis du nombre; mais Suger affurément n'en étoit. pas. On convient neanmoins qu'il, étoit très-éloquent (a) dans fa Langue, s'il peut fe trouver de l'élo quence dans un jargon auffi barbarė: qu'étoit le François de ce temps-là.

Pour ce qui eft des Lettres qu'il a écrites durant la Regence, le nombre n'en eft pas fi confiderable qu'on le croiroit bien. Le Recueil a la ve rité eft affez gros, & contient cent foixante & quatre Lettres: mais il n'y on a que feize de l'Abbé Suger; les autres font de plufieurs particuliers, qui lui écrivoient, ou qui écrivoient à d'autres à son fujet. Toutes celles

(a) Sugerius vir magna prudentia S. cloquentiæ, ac inter præclaros Ecclefiæ Gallicane viros eruditiffimus & facundiffimus. Cod: Mannf. Eccl. S. Dion, ad an. 1152. rela:...à Quercer, to.4. P. 280..

qui y font attribuées à Suger, font manifeftement de lui, fon ftile le fait reconnoître, la plupart font ou au Pape, ou au Roy; la plus grande n'eft guéres que d'une page. Elles font tou

tes fort humbles & fort Chrétiennes. & le ftile un peu plus coulant que celui dont il s'eft fervi dans fon Hif toire de Louis le Gros: l'on n'y voit aucune érudition; mais il faut avoüer que ce n'étoit pas le lieu d'en faire paroître. L'on n'y parle que d'affaires concernant ou l'Etat ou l'Eglife.. It eft hors de doute que Suger en a écrit davantage; mais elles ne font point venues, jufqu'à nous. Le Traité de ce qu'il a fait durant fon gouvernement de l'Abbaye de faint Denis n'eft point de lui, quoiqu'il ait été • fait par fon ordre. On y reconnoît par tout le ftile de Fr. Guillaume fon Secretaire, le même qui a écrit fat Vie :auffi trouve-t'on encore plufieurs exemplaires qui portent fon nom, au lieu de celui de Suger, qui eft dans l'imprimé ainfi tous les bons connoif. Duchêne to.. feurs l'attribuent à ce Religieux, & 4. bift. p. non pas à fon Abbé, quoiqu'il y ait Felib. hift. bien de l'apparence que celui-ci a de S. D. . fourni les memoires; car il n'y avoit 170..

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guéres que lui qui fçût au juste tout ce qu'il avoit fait pour le bien de fon Abbaye. On y voit le dénombrement de toutes les fermes qu'il a ou rebâties, ou ameliorées, les baux qu'il a augmentez, les nouvelles acquisitions qu'il a faites, les rentes qu'il a amorties, les Eglifes ruinées qu'il a relevé, & fur-tout les grands bâtimens qu'il a faits dans l'Abbaye de faint Denis, foit pour l'Eglife, foit pour les lieux reguliers, avec une lifte des ornemens qu'il a donnez à la Sacriftie, & des richelles qu'il a mis dans le Trefor. On connoît facilement par cet Ou-. vrage qu'il falloit que Suger poffedât des biens immenfes : à peine un Roy très-puiffant feroit-il capable de faire tant de chofes. Tout cela fut mis par écrit à la priere des Religieux de faint Denis la 23e année du gou. vernement de Suger, qui correfpond à l'an 1144. de l'Ere Chrétienne.

Il faut porter le même jugement d'un autre petit Traité, qui a pour titre: Relation ou Hiftoire de la Confecration de l'Eglife de faint Denis, bâtie par Suger, & de la Tranflation qui y fut faite des Corps des faints Martyrs: il eft du même Auteur que

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