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P 331.

l'oubli, fans qu'il nous en reftât aucune trace? Cela n'eft pas probable. Gall.Chrift. Aigulphus Bafilicam fancti Dionyfii suscepit regendam Dagoberti Regis decreto, anno 636. Perfonne ne contefte cette époque, On y voit le premier Abbé de faint Denis, l'année qu'il a été inftalé, l'ordre du Prince qui l'y a établi; pourquoi donc ne s'en pas tenir là, & vouloir aller chercher dans les fiecles précedens des chofes qui ne se trouvent point?

Mabil. loc.

it.

Mais, dit le P. Felibien, cet ancien Auteur de la Vie de Dagobert,eft fort fufpect, & nous donne bien des fables pour de véritables hiftoires. Le P. Mabillon répond à cette objection. Si pour embellir fa narration, dit-il, cet Auteur s'écarte quelquefois de la fimplicité inféparable de la verité, & y ajoute quelques circonstances, ou quelques miracles qui paroiffent tenir un peu du merveilleux, ce n'eft pas à dire qu'il faille l'abandonner en tout, particulierement dans des faits & dans des points d'hiftoire, dont il devoit être plus inftruit que nous; étant fi proche des temps.

Ainfi pour achever d'établir folide, ment l'opinion du P. Mabillon, qui

eft la nôtre, & celle de tout l'Ordre, touchant le temps de la fondation de l'Abbaye de faint Denis, il ne refte plus qu'à répondre aux preuves dont fe fert le P. Felibien pour foutenir la fienne, & faire voir leur peu de folidité.

La premiere qu'il apporte, eft une Fel. differ Charte du Roy Clotaire II. pere de prelim, Dagobert, où il eft parlé d'un nommé Dodon, Abbé de faint Denis. Il y avoit donc déja, dit-il, une Abbaye de faint Denis avant Dagobert, & les plus zelez partifans du fentiment contraire, ne fçauroient tenir contre la force de cette preuve. Rien cependant n'eft plus foible.

On veut bien fuppofer que cette Charte eft véritable. Quelle confequence en peut-on tirer ? Qu'il y avoit dès lors un Monaftere & des Moines qui deffervoient l'Eglife de faint Denis, & qu'elle étoit dès ce temps là érigée en Abbaye, & poffedée par des Benedictins. Rien moins. Il n'y eft parlé ni de Monaftere, ni de Moines, ni de Couvent, ni d'Abbaye, ni de Religieux. Clotaire confirme fimplement une donation de terres & autres revenus faite à l'Eglife de

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faint Denis Martyr. De Bafilica fancti Domini Dionyfii. Il y eft dit que Dodon eft Abbé de cette Eglife. NofterDodo Aba de Bafilica Domini Dionyfir Mais qui ne fçait que ce mot d'Abbé ne fignifie pas toûjours un Superieur de Moines, fur-tout quand il n'eft pas joint avec celui de Monaftere ou de Religieux? Qui peut ignorer que dans le frxiéme & feptiéme fiecle on a fouvent donné le nom d'Abbé à des gens qui n'ont jamais été Superieurs. de Moines? Etre député au fervice deDieu, & être venerable par fon grand âge & par fa vertu, fuffifoit alors. pour être nommé Abbé, c'est-à-dire, Pere.

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Fp. ad Car. Le Pape Adrien donne la qualité M. to. 7. d'Abbé à Angilbert, quoique ce ne Conc. p.915. fût qu'un fimple Chapelain de la Collat. 14. Chapelle du Roy. Caffien donne ce Fleuril. 20 nom à une infinité de Solitaires, qui

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n'ont jamais eu de Communauté à gouverner; leur vertu, leur érudi tion, & fur-tout leurs grandes connoiffances dans les voies interieures, leur attiroit cette qualité.

Lorfque l'avarice des gens du monde leur eut fait regarder avec des y eux de cupiditéles biens confa

Crez à Dieu, les Ecclefiaftiques furent contraints de fe mettre fous la protection de quelque puiffant Seigneur, pour fe défendre des mains de ces ufurpateurs : & cès genereux défenfeurs des Eglifes & des biens qui leur appartenoient, s'appelloient fouvent Abbez, & Abbez Chevaliers, Abbas miles, comme le juftifie l'Auteur du livre du Franc-Aleu.

Les Genois donnoient autrefois le nom d'Abbé à leur Doge, Abbas populi, comme on le voit par le Traité fait entre Charles Roy de Sicile, & cette Republique en 1307. mais ce qui eft infiniment plus confiderable, c'eft qu'anciennement tous les Curez s'appelloient Abbez, comme Ducange & Moreri le font voir.

Ainfi il fe trouvera que notre Abbé Dodon n'étoit autre chofe que le venerable Ecclefiaftique qui avoit foin de la Chapelle de faint Denis; car ce n'étoit pas grande chofe (a) avant que le Roy Dagobert eût fait élever à l'autre bout du village de Catule la magnifique Eglife avec les autres bâ

(a) Vilis quippe tantum edicula, quam, ut ferebatur, beata Genovefa fuper fanctos Marty res conftruxerat. Geft. Dagobert, c. 3.

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timens dont nous le croyons Fonda

teur.

Si ce venerable Ecclefiaftique, qu'on pourroit nommer en termes plus récens, Chapelain ou Cúré, avoit avec lui quelques autres Clercs pour l'aider dans fes fonctions, comme il eft affez probable, à cause du grand concours de peuple qu'il y avoit déja au Tombeau de faint Denis, cela n'aura pas peu contribué à lui faire donner le nom d'Abbé, comme qui diroit Directeur : fur-tout fi on fait reflexion que les Clercs s'appelloient déja Freres entre eux ; d'où eft V. Sainte venu le terme de recipi in fratrem, fi Beuve, Cas ufité dans les anciens Canons, & mêde confc. to. me dans le Droit nouveau, pour dire

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prendre poffeffion d'une Prébende,

ou d'un Benefice. Ainfi tout ce prétendu Monaftere de Moines, tous ces Abbé & Abbaye, tout ce fameux Couvent de Benedictins avant Da-

gobert,fe réduira à un Chapelain, & deux ou trois Clercs avec fui, qui étoient chargez du foin de cette petite Eglife. Voilà ce qu'on voit, lorfque l'on examine les chofes de près, & qu'on ne s'amufe point à confiderer fes objets avec un mycroscope, com

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