veuë de fes habits, les fidelles qui vivoient tous les jours avec. Luy ne pouvoient fans doute les regarder fans eftre fortement excitez à la pénitence. Nous pouvons dire de luy ce qu'il difoit de faint Paul. Les peuples l'écoutoient avec admiration dans la chaire où il paroiffoit revestu de l'efprit Apoftolique; mais fes Difciples trouvoient de la lumiere & de la force dans fa conversation ; & ceux qui l'ont étudié font devenus tres confidérables par leur éloquence & par leur doctrine entre les Peres & les Auteurs Eccléfiaftiques. C'est ce que l'on peut remarquer fenfiblement en la perfonne de faint Nil qui de Préfet de Conftantinople devint un des plus fameux Solitaires du defert de Sinaï, où il s'eftoit retiré du vivant mesme de fa femme avec fon fils Théodule; & les lettres & les traitez fpirituels que nous avons encore de luy respirent un air de tres grande piété dans une doctrine tres folide. On découvre auffi la mefme chofe dans les lettres de S. Ifidore Prêtre de Damiette qui apportent une grande lumiere pour l'intelligence des divines Ecritures, & qui en peu de paroles expliquent de tres grandes queftions Théologiques. Nicéphore Calixte met encore au rang de fes Difciples Théodoret Evefque de Cyr, & Synéfe Evefque de Cyréne dont l'éloquence eft connue de tout le monde. Mais fi ces grands hommes ont eu l'avantage de le converfer, ou de l'étudier plus que les autres, fa vertu a efté l'édification publique de tous ceux qui examinent les actions de Prélats, avec les yeux de la foy; & fa retraite mefme qui l'a expofé à la cenfure des Courtisans & des Eccléfiaftiques humains ne doit pas paroitre moins merveilleufe que fon éloquence. Comme S. Paula pû dire avec vérité qu'il ne vivoit plus, mais que IESUS-CHRIST eftoit vivant en fa perfonne, parce que fa conversation eftoit dans le ciel, & qu'eftant mort au péché il fuivoit les mouvemens de cette vie célefte & éternelle qui anime toutes les actions des juftes; ainfi S. Iean Chryfoftome a efté fon parfait imita. teur dans un point fi important; & il peut fervir de mo Homil. 3. in Epift. ad Philipp. Hmil. 8. delle à tous les véritables Chrétiens par ce parfait déta De toutes les qualitez de S. Paul noftre Saint n'en a pas trouvé de plus illuftre que celle de captif de IesusCHRIST, & lie de chaînes pour fon service. Il n'y a rien, in Epift. difoit-il, de plus noble & de plus glorieux que les liens dont ad Ephef. cét Apoftre eftoit chargé pour IESUS-CHRIST. Eftre lié pour 1. C. eft quelque chofe de plus illuftre que d'eftre Apoftre, d'eftre Docteur, d'eftre Euangélifte. Si quelqu'un aime I. C. il fçait bien la vérité de mes paroles. Si quelqu'un eft embrazé d'une ardente passion pour fon divin maitre. Il connoist bien la force de ces liens. l'aimerois mieux eftre lié pour le fervice de IESUS-CHRIST, que d'avoir le ciel pour ma demeure. S. Paul leur montroit des mains plus éclatantes que terre, Por, & que des couronnes royales; & il n'y a point de diadème orné de pierreries qui environne la tefte d'un Prince avec tant de majefté que cette chaine de fer dont S. Paul eftoit charge pour l'amour de I. C. luy eftoit précieuse & magnifique. La prifon eftoit alors devenuë plus éclattante qu'un Palais royal. Mais que dis-je, un Palais royal? Elle eftoit plus refplendiffante que le ciel mefme, puis qu'elle renfermoit un Captif de 1. C. Si quelqu'un aime I. C. il connoift le prix & l'excellence de cét eftat, il connoift le mérite de cette vertu, il connoift quelle grace extrême Dieu a faite au genre humain en permettant que S. Paul fuft lié pour fon fervice. C'est peut-eftre quelque chofe de plus grand que d'eftre allis à fa droites & c'est quelque chofe de plus magnifique que d'eftre affis fur les douze fièges qui jugeront les douze Tribus d'Ifraël. Mais je ne dois pas chercher aucun exemple fur la & jay honte de comparer l'éclat de ces chaines à celuy des richeffes & de l'or. Il fuffit de dire que quand il n'y aura point de récompenfe à espérer, cette fouffrance eft-elle mefme une récompenfe affez grande, & il ne faudroit pas d'autre don que la fatisfaction feule d'endurer de figrans maux pour la perfonne que l'on aime. Ceux qui aiment Dieu, & non pas les hommes connoiffent bien la vérité de ce que je dis, & ils ressentent un plus grand plaifir de fouffrir pour les perfonnes qu'ils aiment , que de recevoir d'eux les plus grands honneurs. Siquelqu'un m'offroit le choix ou de tout le ciel, ou de cette chaîne, je la préférerois au ciel. Si quelqu'un laiffoit en ma liberté ou deftre élevé dans le ciel avec les Anges ou d'eftre le compagnon de S. Paul dans fes chaines & dans fa captivité, je choifirois de bon cœur fes chaines & fa prifon. Si quelqu'un me vouloit faire la grace d'eftre du nombre des puiflances & des trônes céleftes, ou d'eftre prifonnier comme S. Paul,j'aimerois mieux eftre prifonnier comme S. Paul. Iln'y a rien de fi heureux que cette chaine. Ie voudrois eftre dans les lieux ou on dit que font encore ces liens pour y voir & admirer l'amour extrême que ces homes merveilleux ont eu pour 1.C. Je voudrois voir ces chaines que les Démons regardent avec crainte & tremblement,& que les Anges confiderent avec ref pect. Il n'y a rie de fi beureux que de fouffrir des maux pour le fervice de I. C. Ie n'eftime pas S. Paul fi heureux pour avoir efté enlevé dans le Paradis, que pour avoir efté mis en prison. Ie ne l'eftime pas fi heureux pour y avoir oui des paroles qu'il n'eft permis à aucun homme de publier, que pour avoir efté chargé de chaines. fortes C'est une petite partie des expressions dont se sert faint Chryfoftome pour nous faire concevoir dans quelle estime nous doivent eftre les fouffrances, combien elles luy eftoient précieuses, & à quel point le divin Paul les a chéries. Ceux qui ne fçavent pas ce que c'est que d'aimer Dieu les pourront prendre pour de trop exaggerations, & pour de véritables hyperboles. Mais ceux qui fçavent que les plus hautes lumiéres de cette vie ne font pas comparables aux actions faintes, ni les plus faintes actions à l'amour des foûfrances & des croix, ne trouveront aucun excés dans ces paroles de faint Chryfoftome qui ont cofommé la longue difpofition où il eftoit de foûfrir quelque chofe pour IESUS-CHRIST; & qui ont fait voir qu'apres avoir déclaré que comme apres les plus vaftes difcours fur cette matiere des lies deS. Paul il ne pouvoit encore garder le filence ; ainfi les plus horribles perfécutions dont ce difcours eftoit le préfage n'eftoient pas encore capables d'étancher sa soif, & de fatisfaire l'ardeur du zéle que Dieu luy avoit donné pour fe conformer à l'exemple de ce grand Apoftre dans le deffein de prendre part à la Croix de IEsu sCHRIST. Ainfi Dieu a permis qu'il ait fait fon Panégyrique dans l'éloge mefme de S. Paul. Et ceux qui confidéreront ce qu'ila fouffert pendant les derniéres années de fa vie ne trouveront rien de trop fort ni de trop hardy dans cette idée qu'il nous donne du bon-heur & de la gloire des plus cruelles perfécutions. Que fi S. Paul a déclaré autrefois que fes liens ont efté le progrés & l'avancement de l'Euangile; quoy qu'il n'euft pas la liberté de faire de longues prédications dans fa prifon, qu'il n'y reffufcita pas des morts, & qu'il ne purifiaft pas de lepreux : ainfi la fouffrance de faint Chryfoftome dans un double éxil de tant d'années par ont plus fait de conqueftes à l'Eglife qu'il n'en avoit fait fes plus éloquens difcours ; & les Chrétiens de Conftantinople ont tiré plus d'avantage pour leur falut de la part qu'ils ont prife à fes fouffrances que du foin avec lequel il s'eft appliqué à leur annoncer les véritez de l'Euangile, ou à faire tant d'établissemeus dignes de la fainteté d'un Apoftre. que ad Olymp. Mais s'il a efté femblable à faint Paul dans cette force inébranlable, il a eu auffi toute la tendreffe que ce vaiffeau d'election avoit pour fes amis & pour fes Difciples, & il confole fainte Olympiade de la douleur que luy Epift. 2. causoit fon abfence par la connoiffance qu'il avoit celle de Tite avoit efté insupportable à ce Docteur des Nations. Ce Paul, dit-il, qui avoit fait tout le circuit de la terre en ame & en efprit feulement, qui n'eftoit plus fujet au trouble des passions, approchant de la bien-heureuse infenfibilité des puiffances incorporelles ; qui demeuroit fur la terre comme s'il eut déja efté dans le ciels qui jouiffoit des icy bas de la fublime fociété des Chérubins & participoit à leur mufique mystérieuse & toute célestes qui souffroit avec patience tous les autres maux comme s'il euft efté dans quelque corps étranger; qui enduroit paisiblemeni les liens & les prifons, Les exils, & les coups de foüets, les menaces, & la mort mefmes qui eftoit difpofé à eftre ou lapidé, ou noyé, ou à paßer par les plus rigoureux fupplices; ce divin homme a receu tant d'affliction & tant de trouble de fe voir féparé de l'ame de Tite qu'il chérissoit tendrement, que ne l'ayant pas trouvé dans la ville où il efpéroit le rencontrer, il en fortit auffi toft. Telle a efté la difpofition de S. Chryfoftome à l'égard de fes amis; il a trouvé de la confolation dans leur entretien; ceux qui le font venu chercher dans le lieu de fon banniffement luy ont fait reffentir une joye pure & toute fpirituelle, & il a fait voir par fa conduite que la tendreffe de l'amitié, & la générofité Apoftolique ne font pas incompatibles, & que ceux qui ont un grand amour pour Dieu peuvent avoir une charité affez grande pour les hommes quand ils ne les aiment fi tendrement que pour les rendre dignes de luy. |