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ferve: car Dieu ne peut créer un corps qu'il ne le crée fitué, puifqu'il ne peut créer un corps en général fans le mettre en aucun état, comme il ne peut créer un animal qui ne foit ni raifonnable ni irraisonnable. Le mouvement & le repos font deux états dans l'un defquels il faut de toute néceffité que le corps foit (/); Dieu ne peut done créer un corps qu'il ne le crée en mouvement ou en repos; donc le corps eft mis en mouvement ou en repos par la même force qui le crée. La force qui met un corps en mouvement eft donc la même que celle qui le met en repos, & celle-là ne peut être plus grande que celle-ci.

287. Mais que s'enfuit-il de cc raifonnement? On voit déja par ce qui a été dit ci-deffus (m) ce qu'il faut y répondre : car on peut en conclure au plus que c'cit la même force du côté de Dicu qui crée, conferve & meut chaque corps; mais il ne s'enfuit pas qu'il y ait la même force créée dans le corps en tous ces états c'est-à-dire, il ne s'enfuit pas que Dieu donne autant de force au corps quand il le met en repos, que quand il le met en mouvement: car toute force créée connue par nos lumiéres naturelles, & par conféquent la force du corps confifte dans la mesure de son essence ou de fes modes ou maniéres d'être, dans ce que chaque chofe a de permanent, capable de contenir du plus ou du moins & de produire des effets: or il y a plus dans le corps en mouvement, qu'il n'y auroit s'il étoit en repos : car dans le corps en mouvement outre la masse

(1) N. 248.

(m) N. 279, 280 & 281.

(a) N. 221.

(•) Fin du

n. 129.

(p) N. 252,

& 253.
(q) Fin du

1. 238.

qui fe trouve la même, foit qu'il foit en mouvement ou en repos (n), il y a encore la viteffe (0) qui n'eft point dans le corps en repos (p) & qui contient du plus & du moins, c'eft-à-dire, qui eft une vraye gran❤ deur (9).

288. Enfin on propofe une fixiéme difficulté en cette forte. La force par laquelle Dieu crée & meut les corps, n'cft autre que fa volonté: or il ne faut pas moins de volonté pour qu'un corps foit en repos que pour qu'il foit en mouvement: car fuppofons qu'un corps foit en mouvement, & que Dieu cefle de vouloir que ce corps foit mû, s'enfuivra-t-il qu'il eft en repos ? Point du tout. Dieu en ceflant de vouloir que ce corps foit mû, voudra ou ne voudra pas que ce corps continue d'exilter. Si Dieu ne veut pas que ce corps continue d'exifter, ce corps n'eft pas en repos, puifqu'il n'existe plus. Que fi Dieu cessant de vouloir que ce corps foit en mouvement, veut toujours qu'il exifte, il veut qu'il foit en repes; Dieu ne pouvant pas vouloir que ce corps exilte fans vouloir qu'il exifte en quelque état. Cette volonté de Dieu que ce corps foit en repos, eft une force auffi grande pour que ce corps fe que la volonté qu'il repofe foit en mouvement pour qu'il fe meuve. Le repos renferme donc autant de force que le mouvement. Et il ne faut point dire Dieu ceffant de vouloir qu'un corps fe meuve fans ceffer de vouloir qu'il exifte, ce corps, par cela feul, se repose sans qu'il foit befoin d'une autre volonté pofitive

que

Four qu'il fe repofe. Cette conféquence ne feroit pas jufte, puifque vouloir qu'un corps exifte & ne vouloir pas qu'il foit mû, c'eft vouloir pofitivement qu'il se repofe; de même que vouloir qu'un corps exifte & ne pas vouloir qu'il fe repose, c'eft vouloir qu'il foit en mouvement.

289. Cette difficulté étant dans le fond la même que la précédente () reçoit aussi la même réponse (s), il femble que ceux qui font cette difficulté ( il y en a pluficurs qui raifonnent de la forte, s'imaginent que Dieu commence, continue pendant un tems & ceffe enfin de vouloir qu'un corps foit en mouvement & que chaque chofe exifte, comme fi Dicu par quelque nouvel effort commençoit à employer fa force au moment que la chofe commence à exifter, que cet effort continuât tant que la chofe exifte & cefsât avec elle, ce qui eft très faux. Tous les decrets de Dicu font éternels. Dicu ne détermine rien par une volonté nouvelle, il veut de toute éternité que chaque chofe commence en tel tems, continue pendant tant de tems & ceffe en tel autre tems; par conféquent ce raisonnement tombe par une fauffe fuppofition. On devroit donc plutôt dire qu'il y a plu fieurs volontez éternelles, l'une pour que le corps fe repofe en tel tems, l'autre pour qu'il foit mû en tel autre tems, & que ces volontez font d'une égale force, auquel cas la réponse à la difficulté précédente revient, comme j'ai dit.

290. Je répondrai donc que cette volonté de Dieu pour qu'un corps cxifte &

[r] N. 286.

[s] N. 287.

qu'il ne foit point en mouvement, eft une force pour le créer & le conferver fimplement, & que ce n'eft pas une force. pour le tenir en repos, diftinguée de la force de le créer & de le conferver feul; au

lieu que la volonté que ce corps foit mû eft une force diftinguée de la force de le créer & de le conferver feul; que l'une & l'autre force ne doit fe mefurer pas la par puiffance de celui qui veut, laquelle eft in-finie, mais par l'effet qui eft produit; que. cet effet dans le corps en repos eft le corps feul, ou le corps fans addition d'autre chofe qui contienne du plus & du moins, & qui foit une vraye grandeur; que par conféquent cet effet eft moindre que fi ce: corps avoit une viteffe telle qu'elle puiffe.

être.

291. Pour mieux comprendre ceci; ik faut remarquer que Dieu voulant qu'un corps foit en mouvement ou en repos, le veut ou fous de certaines conditions, ou abfolument, c'est-à-dire en voulant qu'il. n'y ait point d'autres régles obfervées que fa volonté.

292. Si Dieu veut abfolument qu'un: corps foit en repos, où qu'il ait un mou-vement d'un tel & tel degré de vitesse, ce corps fe repose, ou fe meut de ce degré de viteffe par une force absolument infinie à laquelle rien ne peut réfister; le monde entier n'ébranleroit pas un grain de pouffiére qui fe repoferoit de la forte ;. toutes les créatures enfemble, tous les. corps & les efprits ne feroient pas capables d'augmenter ou diminuer la vitelle

d'un fêtu qui fe remueroit par une telle volonté Divine.

293. Si Dieu veut que certaines conditions ou certaines régles foient obfervées dans ce mouvement & dans ce repos des corps, ces régles ou feront les fuites mêmes de la nature des corps, & du mouvement ou repos produits dans ces corps, ou d'autres regles qu'il aura plû à Dieu d'établir felon fon bon plaifir.

du

294. Si ces régles ne font point la nature même ni les fuites de la nature des chofes produites, les forces des corps en repos ou en mouvement devront être mefurées par la grandeur de celles que Dieu aura voulu être néceffaires pour mouvoir les corps en repos, ou pour arrêter ceux qui font en mouvement. Ces forces ne feront point proprement dans les corps, puifqu'elles ne feront ni leur effence ni leurs modes. Nous ne pourrons découvrir les régles de ces mouvemens, & de ce repos par les lumiéres de notre raifon qui ne peuvent pénétrer jufqu'aux fecrets confeils de Dieu; il n'y aura que la révélation de la Foi ou la Théologie qui puiffe nous apprendre ces régles & la mefure de ces forces, elles ne feront point du reffort de la Philofophie. Telles font les forces 80 les vertus des Sacremens.

295. Si ces régles que Dieu, veut êtro obfervées dans le mouvement & le repos des corps, ne font autre chose que la na ture ou les fuites de la nature tant des corps que de leur mouvement & de leur repos, alors: nous pouvons connoître cess

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