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DES MALADIES

DES ENFAN S.

CHAPITRE PREMIER.

But de cet ouvrage : caufes & fymptomes des Maladies des Enfans.

EN publiant cet effai, je n'ai eu d'autre deffein

que de fuggérer quelques idées aux Médecins qui n'ont pas eu occafion d'acquérir beaucoup d'expérience dans le traitement des maladies des enfans; cependant j'ai eu intention que mon ouvrage fût encore d'une plus grande utilité.

J'ai long-temps vu, avec peine, la manière peu convenable dont les maux des enfans font traités par ceux même qui leur marquent la plus grande tendreffe, & combien cet excès d'amitié s'oppofoit à leur intention, yu les méprifes dans

A

lefquelles ils tomboient. L'affection très-louable de la plus (1) tendre mère devient ainsi, en nombre de circonftances, infiniment préjudiciable à fon enfant, non-feulement dans le bas étage du peuple, ou dans des fituations où il n'eft pas poffible de fe procurer les reffources de la Médecine; mais même dans la capitale, parmi les gens du plus haut (2) rang. On y nourrit continuellement les préjugés les plus nuifibles à la fanté de ces petits individus.

C'est donc autant aux (3) pères & mères qu'aux Médecins que j'adresse cet écrit, & j'attends de

(1) L'amour peu réfléchi des mères a fait mourir plus d'enfans que la négligence des nourrices, & les erreurs qu'on commet dans la manière de les élever dans les campagnes.

(2) C'est un reproche que fait auffi M. Baldini aux gens de cette claffe.

(3) « Quoique la Médecine, dit Hippocrate, foit un art au-deffus de la portée du vulgaire, le peuple a cependant certaine aptitude à s'inftruire de ce qu'il eft néceffaire de favoir, lorfqu'on lui parle dans une langue qu'il comprend; & jamais on ne devroit lui parler autrement de fes maux. La Médecine se préfente naturellement à lui comme aux gens de l'art ». Mettons donc le peuple en état de connoître les écarts & les opérations de la nature nous l'empêcherons au moins de faire de grandes fautes dans l'ufage des remèdes, & d'être fi fouvent dupe des preftiges du charlatanisme,

leur part un accueil favorable; mon intention excufera, auprès d'eux, les défauts de l'exécu

tion.

:

La néceffité où je fuis de rendre clairement mes idées, m'autorife, fans doute, dans ce casci, à laiffer de côté toute méthode exacte & rigoureuse voilà pourquoi je m'arrêterai quelquefois un peu de temps fur des maladies qui fembleront l'exiger; je rappellerai auffi les remèdes plus fouvent qu'il ne feroit besoin de le faire, fije ne parlois qu'à des Médecins. J'avoue d'avance que j'écris fans prétention, & qu'on ne doit attendre de moi aucun de ces ouvrages qu'on appelle finis. Je ne me montre que pour offrir au lecteur des obfervations qu'un long ufage m'a fournies: un autre produira, s'il veut, après moi, quelque ouvrage plus parfait, & digne d'un accueil plus général.

Je crois devoir encore faire obferver que tous les écrits qui ont paru fur le même fujet avant le mien, quel qu'en foit le mérite, ou ne font que partie de quelque autre ouvrage plus étendu & trop (1) volumineux pour remplir le but d'un traité relatif à ces maladies, ou font, au contraire, trop courts, trop concis: on y cherche

(1) Il me femble que l'auteur auroit pu fupprimer ces plaintes, que je crois mal fondées.

même en vain plufieurs maladies trop férieufes pour être paffées fous filence.

Les Médecins qui ont écrit fur ces maladies fe font généralement plaints de la négligence avec laquelle on avoit traité jusqu'ici (1) cette branche de la Médecine. Une des principales causes eft l'idée qu'on s'en forme d'après la prétendue difficulté de bien (2) entendre les plaintes & le dire des enfans. Perfuadé qu'on ne pouvoit rien ftatuer fur la manière vague & indécise dont ces petits malades c'expriment, on a mieux aimé les abandonner aux foins de vieilles femmes ou des nourrices, que de tâcher de les entendre. Si ces femmes, a-t-on dit, emploient des moyens curatifs moins convenables, & appropriés avec peu d'intelligence, au moins ne leur feront-elles pas de tort par des remèdes violens.

Il n'eft pas néceffaire de faire beaucoup de réflexions pour prouver le danger de ces raifonnemens. En laiffant périr les enfans, de manière

(1) Ce font les termes de M. Armstrong, qui publia la première édition de fon Ouvrage il y a plus de vingt-ans.

(2) Tout ce qui fuit, jufqu'à la page 9, eft pris do M. Armstrong, chap. 1, p. 3-9. J'y vois, avec furprise, que feu le docteur Hunter penfoit auffi qu'il falloit abandonner les enfans malades aux feules reffources de la nature. Mais, ajoute M. Armftiong, ce docteur n'étoit pas adepte en Médecine, Edit, 1783, Lond.

ou d'autre, ce font des adultes, c'est une population, ce font des richeffes & toutes les reffources de l'Etat qu'on perd; on le prive de fa force, on en anéantit d'avance l'éclat, la grandeur. On doit encore obferver qu'en fuppofant même que l'erreur, dans ce cas-ci, ne tende pas à la mort des enfans, leur fanté en eft au moins effentiellement altérée : car, c'eft en général de l'enfance que dépend la bonne ou mauvaise, forte ou foible conftitution de l'homme.

On a fait, il eft vrai, depuis quelques années plufieurs tentatives pour dérober les enfans à une partie des dangers, en ne les confiant plus, fans choix, à des mains fi peu habiles dans l'art de les conduire; mais on ne voit pas, fans regret que l'on n'ait encore fait que le premier pas, & que les fuccès n'aient pas été complets. Il eft donc à defirer qu'on faffe quelque pas de plus, & qu'on attaque puiffamment les objections qu'on a oppofées aux avis les plus fages. Cela me paroît d'autant plus néceffaire, que les plus grands obftacles qu'on éprouve viennent souvent de la part de ceux qui ont le plus grand întérêt à la chofe, la plus grande autorité pour profiter de l'occafion, & la plus fincère affection pour leurs enfans; mais qui, après avoir fait peu de cas des fecours de la Médecine, finiffent par les demander lorfqu'il n'eft plus poffible de les leur

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