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DE LA PETITE-VÉROLE SPONTANÉE. 321

CHAPITRE XLI.

De la Petite-vérole Spontanée.

L'AUTEUR, partifan de l'inoculation, n'a

parlé de la pétitev-érole que pour faire quelques réflexions fur le tems & l'âge qu'il falloit choisir dans le cas où l'on voudroit l'inoculer. J'avois pris le parti de garder auffi le filence, puifque cette maladie eft commune aux enfans & aux adultes; mais je me rends aux représentations qu'on m'a faites. Il femble, en effet, que cet Ouvrage ne répondroit pas au but que je me fuis propofé en le publiant, fi les pères & mères n'y trouvoient rien fur une maladie auffi grave, en plufieurs circonftances.

Comme la cure d'une maladie quelconque dépend de la connoiffance exacte qu'on peut avoir du caractère même du mal, je me vois obligé de m'élever contre une opinion, affez générale aujourd'hui. On a cru devoir admettre des petitesvéroles différentes de leur nature, & l'on a, furtout, reconnu des petites-véroles, 1o. purulentes, ·2°. féreufes, 3°. boutonneuses, 4°. venteufes, Mais le virus de la petite-vérole ne peut être qu'un dans fa nature, & dans les effets qui doivent

en réfulter: car jamais l'effet n'eft plus étendu que fa cause proprement dite ; c'est une vérité de tous les tems. Nous ne connoiffons pas la nature du'virus variolique; & les fymptomes fembleroient s'oppofer à mon affertion. Mais il ne faut pas confondre l'identité de la nature de ce virus avec le degré auquel il peut être exalté, & encore moins avec le caractère qu'il prend des circonstances. Faute d'avoir bien faifi cette diftinction, les Ecrivains fe font jettés dans les écarts les plus étranges, on a beaucoup difputé de part & d'autre, mais fans aucune utilité. Les effets généraux de ce virus fe réduisent à ceux-ci. Il a toujours produit une fièvre & une éruption : cette fièvre éruptive a fuivi, comme toutes les autres fièvres, des périodes déterminés. Les boutons ont paru plus ou moins promptement, après les fymptomes qui préfagoient leur éruption imminente: ils ont exigé certain tems pour leur intumefcence, leur fuppuration, & leur deffication; plus l'éruption avoit été prompte, plus le malade s'eft trouvé en danger.

Mais le virus variolique, comme celui de toutes les épidémies, fe manifefte toujours dans trois états différens. Ses premières atteintes font affez benignès. Peu-à-peu il s'exalte, prend un caractère plus dangereux, & les fuites en font mortelles pour un affez grand nombre de fujets

Cette malignité ceffe peu-à-peu, comme elle avoit commencé, & l'épidémie ceffe. Cette marche, fouffre cependant quelques exceptions; mais elles dépendent toujours des circonftances: c'eft pourquoi l'on a vu des épidémies varioliques être trèsdangereufes dès les premières atteintes, & durer enfuite affez long-tems fans être mortelles. On voit, outre cela, des petites-véroles très-beni gnes dans les épidémies les plus malignes : l'ino culation a pareillement fait remarquer ces différences. Le pus d'une maladie benigne a souvent produit, par l'infertion, une petite-vérole mortelle, tandis que le pus, pris d'enfans qui avoient préfenté les fymptomes les plus alarmans, n'a produit qu'une petite-vérole très-benigne.

Que peut-on conclure, de ces faits? Que la petite-vérole n'est jamais mortelle par elle même, à moins que les circonftances de la faison, de la température, du local, de la qualité des hu meurs individuelles, de maladies différentes, actuelles ou antécédentes, &c. ne la rendent telle. En effet, pourquoi voit-on tel fujet pris d'une maladie, très-benigne, par la contagion d'une maladie très maligne dans tel autre fujet? Le fils du fubdélégué de ma ville natale mourut, pour ainfi dire, pourri d'une petite-vérole. Je gagnai, pour la feconde fois, cette maladie auprès de fon lit, & je l'eus très-benigne. Mon

frère aîné me l'avoit communiquée la première fois je l'avois eue plus férieufe.

Mais j'entends réclamer contre cette affertion. M. Moff ofe même dire que c'est une fourberie (1) ou une impofture intéreffée, que de dire qu'on a la petite-vérole deux fois. L'intérêt feroit, fans contredit, plutôt reprochable aux inoculateurs; mais je ne les foupçonne même pas d'avoir ces vues. Au moins tous doivent-ils avoir, pour maxime, cette réflexion de Théognide: Ne te laiffe jamais dominer par un vil gain, un dé'cevixara κέρδος ὅτ' αισχρὸν ἔοι. όπου ο πόνος

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On a donc diftingué entre petite-vérole légitime & en petit-vérole fereuse car je m'arrête particuliérement à cette prétendue différence. Mais, de l'aveu même d'un des plus grands Médecins de l'Europe (M. Bergius (2) de Stockholm); la féreufe fe communique de même que la `puru lente, par contagion, ou par inoculation : car il remarque que quelques inoculateurs, ayant cru inoculer la légitime, n'ont inoculé que la

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(1) A bugbear held out to awer fome finifter or intereffed purpose. Pag. 203. Antonin le contenteroit de répondre nitruis-nous mieux fitu le peux, ou fouffre » nos raisonnemens. Liv.9:1 fib, qoq (2) Mémoires academiq. 1784. Trimestre d'Avril. P. 134. C'est cette differtation fuédoife que je cite, & dont C'eft. traduirai the partie.

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féreufe. Cependant cet habile Médecin préfente des détails qui prouvent bien que l'une & l'autre font la même maladie, quant à la nature, quoique d'un caractère différent, uniquement dû aux circonftances. L'épidémie qui fit tant de ravages à Stockholm, en 1783 & 1784; commença par des petites-véroles féreuses, & l'on ne tarda pas à voir la maladie purulente, accompagnée des fymptomes les plus alarmans. Le virus n'ayant pas eu, dès le commencement, affez d'énergie pour produire une purulence générale, la maladie a été pour lors en grande partie féreufe : ou les fujets, qui en ont fenti les premières atteintes, ayant les humeurs difpofées de manière à em pêcher le développement total du virus, en ont auffi arrêté les effets. Mais, dès que les circonftances furent devenues favorables à ce développement, la maladie fuivit fa marche ordinaire : il arriva donc alors ce qui arrive même à l'inoculation, qui, quelquefois ne produit qu'un léger mouvement de fièvre, fans éruption, quoique la plaie fuppure autant qu'on peut lẹ defirer. D'autres fujets ont été inoculés plufieurs fois inutilement, fans éprouver aucun dérangement; & plufieurs années après, ils ont eu la maladie dans toutes les formes. C'est donc particuliérement des humeurs du fujet que dépend cette variété.

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