Imágenes de páginas
PDF
EPUB

on exagère les ravages au point où l'a fait la Condamine, c'eft une erreur que l'on ne doit pas croire. Tandis qu'il meurt, en France, un enfant de la petite-vérole fpontanée, il en meurt douze & quinze d'autres maladies. Dira-t-on qu'il faut inoculer ces autres maladies, pour fauver ces enfans? Mais on ne doit pas être étonné de ces rêveries, lorsqu'on voit des Médecins confeiller d'inoculer la pefte. Les Médecins, ou les per fonnes qui foignent ces malades, ne font pas toujours affez attentifs aux précautions dont il faut ufer, pour ne pas répandre la contagion. Les réflexions que fait M. Bergius pourront être utiles.

<< Il eft bon de dire quelque chofe fur l'atten» tion qu'on doit avoir dans ces cas-ci, avant » d'aller dans des maisons où il y a des enfans » ou des adultes qui n'ont pas encore effuyé cette » maladie. Souvent on craint, avec raifon, les

Médecins qui, pendant ces épidémies, ne » peuvent fe difpenfer de voir ces malades. Pour » moi, j'ai toujours l'attention de ne pas m'af» feoir dans les chambres des malades, & de ne >> mettre, ni mon chapeau, ni mon manteau >> fur une chaife. Auffi-tôt que j'ai touché le » malade, je me lave les mains : je me défie » de tous les meubles de la chambre, comme » étant infectés du virus. Mais après le lit du

» malade, & les chaifes qui font auprès, les » portes & les jambages de ces portes font ce » qu'il y a de plus à craindre, car ceux qui foi»gnent ces malades, & qui, conféquemment, » ont leurs-vêtemens attaqués du virus, en » laiffent toujours une partie à ces portes, qu'ils >> frottent en paffant. Celui qui y entre après

eux, dans ces circonstances, en prend donc >> auffi à fes habits, s'il touche la porte; & il » fait ainfi paffer la contagion ailleurs.

» Mais l'air même des appartemens où font » les malades, n'eft pas contagieux. J'en dis au» tant de la transpiration, de l'haleine, & des » exhalaisons qui peuvent s'y répandre à plus ou » moins de diftance du lit du malade. Ce n'est » que le contact inévitable qui y eft contagieux; » & j'en ai nombre d'exemples. On ne doit rap» peller les enfans qu'on avoit éloignés, que » quand on a bien nettoyé, balayé, lavé, épous»feté l'appartement & les meubles, ou tout ce » qui a fervi au malade. Une ferviette négligée, » & à laquelle on ne penfoit plus, se retrouve; » & l'on découvre enfin, à cette occafion » quelle étoit le caufe de la maladie dont ve»noit d'être pris un enfant, rappellé après toutes » les précautions mentionnées ».

CHAPITRE

CHAPITRE

XLI I.

Des Maux vénériens de l'Enfance.

CONSIDER

SIDÉRER les maux vénériens dans l'état de l'enfance, c'est confidérer l'humanité attaquée dans fon principe, & déplorer en même tems la malheureufe condition de l'homme. Ce n'étoit pas affez qu'il fût fujet à des maux innombrables, fi fon enfance n'étoit encore expofée aux triftes conféquences de l'abus d'un plaifir, auquel la nature a voulu qu'il dût fon existence. Les maux vénériens ne font que trop communs parmi les enfans: j'en appelle au té➡ moignage de tous les gens éclairés. Plufieurs causes y contribuent: la conduite licencieufe des pères & mères, le lait des nourrices mercénaires, auxquelles on confieles enfans ; les domestiques, hommes ou femmes qui les foignent; enfin, les baisers que leurs donnent fouvent, par amitié des perfonnes étrangères qui les careffent, & dont le vice des humeurs n'eft pas connu.

Quant aux pères & mères, c'est à eux de s'interroger feuls, avec franchise, fur leur conduite paffée, avant d'entrer dans les liens du mariage, ou à examiner la conduite qu'ils ont tenue depuis, pour être sûrs de l'état de leurs

[ocr errors]

enfans. S'ils ont des foupçons, l'état de leurs enfans n'eft pluséquivoque. Il faut un traitement qui, devenant, pour ainfi dire, alimentaire, change totalement la crafe de leurs humeurs. S'ils font affurés de la pureté de leur fang; ils doivent auffi l'être de l'état d'une nourrice, à laquelle ils confient ces enfans, fans quoi ils courent les plus grands rifques. L'état de la nourrice ne fera bien conftaté, qu'autant que la fanté de fon mari, & celle de fes enfans, ne laifferont aucun doute. En vain a-t-on établi des bureaux (1), où ces femmes font affujetties à un examen : elles favent les moyens de pallier leur état pendant quelque tems; & elles n'en ont que trop fouvent impofé aux gens les plus éclairés. Jamais les curés & les chirurgiens de campagne ne devroient donner de certificat à ces femmes, lorfqu'ils ne peuvent pas conftater l'état du mari & des enfans; c'eft à quoi leur probité, leur honneur, & le bien de l'humanité les obligent.

Les pères & mères ne doivent pas être moins attentifs à l'état de la fanté de ceux qu'ils chargent des premiers foins de leurs enfans. Nombre d'exemples ont fuffifamment prouvé que ces

(1) Il paroît qu'on eft, en Suède, infiniment plus attentif qu'ailleurs, aux bureaux des nourrices.

[ocr errors]
[ocr errors]

domeftiques, ou gouvernantes, ont infecté les enfans les plus fains, lors même qu'on n'avoit aucune raison de le soupçonner. Les maux qu'elles leur communiquent font d'autant plus dangereux, qu'il fe paffe quelquefois dix & vingt ans avant qu'on en apperçoive les fymptomes. Ces maux se manifeftent auffi plutôt, par des vices qui n'en ont pas la moindre apparence; & cependant ces vices font réellement vénériens. J'en dis autant des perfonnes qui connoiffent les pères & mères, & qui, venant les vifiter, careffent leurs enfans les baifent, le plus fouvent fur la bouche. J'ai vu plufieurs enfans accoutumés à ces baifers, présenter leur bouche, & demander qu'on les y baisât. Outre que cette conduite tend à les rendre bientôt lacifs, elle les expofe à gagner du mal, fi ceux qui les baifent ne font pas fains. Jamais une mère, ni une nourrice bien faine, ne devroit donc fouffrir que perfonne ne baisât fon enfant, fur-tout dans nos grandes villes, où la fanté de nombre d'habitans eft toujours fort équivoque.

Telles font les caufes auxquelles font dues les maux vénériens des enfans. Malheureufement le remède qui devoit arrêter les progrès de ces maux, eft ce qui a fervi à les multiplier, & à corrompre le fang à fa fource. Chacun s'eft cru en état d'en faire l'application, fous l'une ou l'autre des formes qui le rendoient utile; &

« AnteriorContinuar »