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BIRNARD

1151.

& le Président Boiffieu, (20) puifqu'il ne vécut, comme nous verrons, qu'en 1252, mais un Seigneur de la premiere nobleffe de DE TRAMELAL Bourgogne, dont il eft fait mention dans un acte de 1135 (21), & qui fe nommoit François Bernard de Tramelai, Tramelai ou Dramelai eft le château de la baronnie d'Arinthoz. Bernard étoit le troifieme fils de Humbert, Sire de Tramelai, rappellé dans la charte de 1131 avec Guerie de Coligni, fon épouse (22). Cette maifon porte d'or au chef de gueule.

Le nouveau Grand-Maître, déja connu par fon expérience, & qui fembloit né pour le commandement, fe montra d'abord tel que les conjonctures & la néceffité le demandoient. Son coup d'effai fut d'arrêter les progrès de Noradin & du Sultan d'Icone, & de les mettre, pour un tems, hors d'état de nuire. Après avoir été, durant la campagne de 1151, aux prifes avec ces deux Généraux, fous les yeux & la conduite du Roi, il fe retira à Naplouse avec le gros de l'armée, pour la remettre de fes fatigues. Baudoin, qui s'étoit rendu à Tripoli pour traiter des affaires du Royaume avec le Comte Raimond, eut le chagrin d'y voir ce Seigneur, avec deux ou trois autres, poignardé à la porte de la ville par les Bathéniens, fameux affaffins dont nous aurons lieu de parler plus d'une fois (23).

:

Pendant l'absence du Roi & du Grand-Maître, on penfa perdre la Ville fainte deux freres, furnommés les Jarroquins, Satrapes & defcendans du Calife à qui on avoit enlevé Jérufalem, croyant avoir trouvé le moment de rentrer dans leurs poffeffions, preffés d'ailleurs par les reproches de lâcheté dont ils étoient continuellement affaillis, ayant levé un corps de troupes affez considérable, s'avancerent à grandes journées vers les bords du Jourdain, & vinrent camper fur le mont Olivet, dans le deffein de surprendre la ville, après qu'ils auroient pris quelques rafraîchiffemens. Dès qu'ils pa

(20) A la fin de fes Miscellan.

(21) Recueil de Pieces pour l'Hiftoire de Bourgogne, par Etienne Perard, pag. 109. Tome I.

(22) Nobiliaire de Franche-Comté, par Dunod, page 140.

(23) W. Tyrius, lib. 17, cap. 19.

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rurent, la frayeur s'empara des efprits, d'autant qu'on fe voyoit fans défense & fans garnison. Les Chevaliers cependant, qui étoient restés dans les maisons du Temple & de l'Hôpital, revenus de leur confternation, & fe fouvenant d'avoir déja une fois fauvé la ville pendant l'absence du Roi, coururent aux armies, &, suivis de la bourgeoifie, marcherent à l'ennemi par des chemins détournés & durant la nuit, afin de l'attaquer au moment que la fatigue du voyage le tiendroit enseveli dans un profond fommeil. Ils donnerent si à propos fur les Jarroquins à la faveur des ténebres, que ceux-ci, n'ayant pas eu le tems de fe reconnoître, furent contraints de s'enfuir en défordre par des routes inconnues. On les poursuivit sans relâche à travers les rochers, où s'étant embarraffés avec leurs chevaux & leurs bagages, on acheva de les diffiper, en précipitant dans les fondrieres ceux qui avoient échappé au premier choc. Près de cinq mille furent tués, précipités ou noyés en repassant le Jourdain (24). Un succès fi peu attendu releva l'espérance des Chevaliers, & fit naître au Roi le dessein de se venger des Ascalonites, dont on avoit, depuis quelque tems, beaucoup à fouffrir. Baudoin, qui d'abord n'avoit en vue que de les mortifier, en ravageant leurs vergers & en pillant leurs maisons de plaisance, voyant que perfonne ne fe mettoit en devoir de lui résister, propofa à fon confeil & aux Chevaliers d'entreprendre le fiége d'Afcalon. Tous y confentirent avec joie, comme à une réfolution infpirée du ciel, & s'engagerent par ferment à ne pas abandonner la place qu'elle ne fe fût rendue. On n'épargna, pour cette entreprise, ni travaux ni dépenses, & l'on contraignit grand nombre de pèlerins à quitter le bourdon, pour prendre la lance & l'épée. La figure d'Ascalon étoit un demi- cercle, dont l'arc s'étendoit vers l'orient, & dont le diametre étoit baigné, à l'occident, par les eaux de la Méditerranée. Parce qu'aucun des Princes Chrétiens, depuis qu'ils étoient en poffeffion de la Palestine, n'avoit ofé l'attaquer, elle se considéroit comme feule capable de foutenir & de rendre

(24) Willel, Tyrius, lib. 17, cap. 20.

inutiles toutes leurs forces réunies. Les Infideles, dont elle étoit un des principaux boulevards, n'avoient rien omis de ce qui pouvoit la faire refpe&ter. Ses maifons étoient couvertes de voûtes au lieu de toits; elle étoit puiffamment fortifiée de terrasses, de foffés profonds, d'avant-murs & de tours, dont le nombre étoit de cent cinquante.

Gerard de Sidon fut chargé par Baudoin de garder la mer, à la tête d'une flotte de quinze voiles; pour le côté oriental, on le distribua en différens poftes, d'où chacun à l'envi devoit battre la ville. L'artillerie, qu'on y employa, confiftoit en béliers, tarieres, balistes & catapultes : la portée de ces deux dernieres machines étoit presque égale à celle de nos bouches à feu. Les catapultes étoient capables de lancer des roches entieres, & les balistes chaffoient des traits armés de fer de quatre pouces de diametre au moins & de fix à sept pieds de longueur. Depuis le commencement jufqu'à la fin du fiége, la garnifon furpaffa du double le nombre des affiégeans, & pendant les deux premiers mois, c'est-à-dire jusqu'au commencement d'avril, il ne fe paffa prefque aucun jour fans fortie de la part des affiégés, ou fans attaque du côté des Croifés. Mais le tems du premier paffage arrivé, les chofes changerent de face à la vue des réjouiffances que les nouveaux venus avoient occafionnées dans le camp, l'ennemi commença à se défier de fes forces, à se ralentir, & à folliciter du fecours auprès des Egyptiens. Tandis que ceux-ci se disposoient à équiper une flotte, les affiégeans, encouragés à de nouveaux efforts, acheterent à grand prix plufieurs vaisseaux, dans le deffein d'en employer la charpente, tant à augmenter le nombre de leurs tortues & machines de jet, qu'à conftruire une de ces tours mobiles, que l'on faifoit anciennement avancer contre les villes ennemies à force de moufles, de cordes & de vindas. Celle dont il s'agit furpaffoit en hauteur les murs d'Afcalon. Pour la garantir des feux & des coups lancés de la ville, on la revêtit, à l'extérieur, de mantelets faits d'ofier ou de gros cables, qu'on avoit eu foin de couvrir de peaux crûes, & qu'on n'avoit garde d'appliquer immédiate

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ment contre lá tour, mais qu'on laiffoit librement fufpendus; en DE TRAMELAI, maniere de rideaux, à certaine distance. Les mantelets, autrement difpofés, n'auroient jamais pu réfifter aux traits lancés les machines, au lieu qu'étant fufpendus à deux pieds de la charpente, ils rompoient & amortiffoient la force des coups les plus terribles (25).

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par

Tandis que les uns applaniffoient la route par où l'on devoit pouffer cette lourde machine ambulante, d'autres travailloient à des tortues de comblement. C'étoient des affemblages de groffes poutres, en forme de quarré long, dont toutes les pieces, fur-tout les poteaux & les fablieres, étoient à l'épreuve des plus grands efforts: leur principale force étoit au comble & dans les poutres qui les foutenoient, pour n'être pas écrafés par les corps jettés d'en-haut. Le Soldat, à

couvert dans ces maifons de bois, comme la tortue fous fon écaille, s'avançoit en assurance jufqu'à la contrefcarpe, & travailloit à combler le foffé.

On n'eut pas plutôt mis la derniere main à tout cet appareil d'artillerie, qu'on fit avancer la tour au milieu des acclamations du Soldat. Elle appuyoit fur une plate-forme de madriers, de peur que les rouleaux, qui la rendoient mobile, n'enfonçaffent dans les terres à mesure qu'on approchoit. Une nuée de pierres, lancée des catapultes dont le rempart étoit bordé, ne ceffa de pleuvoir fur la machine jusqu'à ce qu'on fût arrivé fur le comblement du foffé. Alors un nombre d'excellens archers découvrant, du haut de la tour, le rempart & les terraffes, n'eurent pas de peine d'en écarter, à force de traits, ceux qui oferent fe montrer. Par-là on fe vit en état d'attaquer, de près comme de loin, de plonger fur les tours des affiégés, & de feconder ceux qui faifoient agir le bélier. Cependant les baliftes lançoient contre les murs des poutres armées de fer, & les catapultes des blocs énormes dans l'intérieur de la ville, pour en écrafer les bâtimens.

Malgré cette ardeur du Soldat chrétien, on ne fe trouvoit guere plus

(25) Traité de l'attaque des Places, par le Chevalier Folard, pag. 539, tom. 2.

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avancé après cinq mois de fiége, que le premier jour : les murs paroiffoient à l'épreuve du bélier, & la résistance des Ascalonites infurmon- DE TRAMELAI. table. D'ailleurs les Egyptiens, devenus maîtres de la mer par la fuite de Gerard de Sidon, venoient d'introduire dans la place une grande provifion d'armes & de vivres à la vue des affiégeans, qui n'en furent pas peu déconcertés. Toutefois leurs batteries ne difcontinuoient pas d'un moment, celles fur-tout qui fe trouvoient placées derriere la tour de bois. L'ennemi, plus molefté de ce côté-là feul que d'aucun autre, crut n'avoir point de meilleur parti à prendre, que de mettre le feu au château mobile, fe doutant que tôt ou tard il ne pourroit manquer de lui être fatal.

Ayant donc choifi pour cela une nuit fort obfcure, fans craindre de s'expofer à toute la fureur du Soldat chrétien, il remplit de bois fec & de matieres combuftibles tout l'efpace qui reftoit entre le mur & la tour, parvint à y mettre le feu, & à répandre pardeffus quantité de poix & de réfine; mais avant que l'incendie fût affez fort pour prendre à la tour, il s'éleva un grand vent, qui, pendant la nuit, portoit les flammes & toute l'activité du feu contre le mur. Il en fut, dit-on, calciné, & tomba le matin avec un horrible fracas au pied de la tour. Il falloit qu'il eût été endommagé auparavant par la fappe ou le bélier, car, fans cela, il n'eft pas concevable comment une maçonnerie, en talus & auffi forte, fe feroit fi tôt éboulée. Les Templiers, poftés près de là, étant accourus au bruit, virent avec étonnement le château fur pied, & une ouverture confidérable à la muraille; & fans s'embarraffer s'ils feroient fecourus à tems ou non, ils franchiffent tout obftacle, montent à la breche au nombre de cinquante, le Grand-Maître à la tête, & portent l'alarme jufque dans la ville. L'ennemi cependant, non moins actif, parvient à s'emparer auffi-tôt de l'ouverture, travaille à la réparer, la traverse de longues poutres, d'antennes de vaiffeaux & d'autres pieces deftinées à cet ufage, empêchant, par ce moyen, les uns d'entrer & les autres de fortir. Les Chevaliers, enfermés & faifis, furent bientôt facrifiés au reffentiment des Afcalonites..

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