TERRIC. 1185. 1187. de la Reine. N'ayant pu réuffir dans ce projet de rébellion, il en Tandis que, pour s'affermir fur le trône, Lufignan levoit des C'est que Raimond, n'ofant rien refuser à ceux dont il avoit im- Terric & Roger, à qui cette irruption parut un violement de (10) W. Tyrii continuata Hift.,col. 597, n. 4. (12) Histoire de Saladin, par M. Marin, (11) Chronicon Terra Sancta Radulphi Cog- tom. 1, pag. 456. geshale, ad annum 1187. ! avant que de marcher à l'ennemi avec cette poignée de monde, chacun des Grands-Maîtres, en vrais Mathathias, commença par ani. mer les fiens au combat, cherchant à leur infpirer les fentimens de zele & d'honneur dont il étoit pénétré. "Chers amis, crioit Terric à fa » troupe, fléaux du Mufulman, toujours intrépides, vous qui » n'avez jamais fu reculer ni trembler à la vue de ces impies, • "c'est ici le moment de vous rappeller votre ancienne valeur, & » de ranimer votre courage: c'eft ici le combat du Seigneur; " vous y tenez la place des illuftres Machabées; il s'agit d'en imiter » la bravoure, & d'expofer en ce moment ce que vous avez de plus » cher, pour la foi, pour l'Eglife, & pour l'honneur des Saints "Lieux. Soutenus par la force d'un bras tout-puissant, nos Ancêtres » ne compterent jamais leurs ennemis; pour moi, qui fais plus » de fond fur l'ardeur de votre zele que fur ces armes fragiles, » j'attends tout de vos efforts & de votre magnanimité (13). „ Ces paroles, proférées avec feu, furent accueillies d'une acclamation générale tous, d'une voix, y répondirent par ces mots : "Vaincre ou mourir pour celui qui nous a rachetés: marchons » qu'attendons-nous? la victoire nous eft auffi affurée dans la mort " que dans la vie. » Pleins de cette ardeur qu'inspire la présence. & l'exemple du Chef, ils courent à l'ennemi, ils l'atteignent; & fans égard à la fupériorité du nombre, ils preffent, ils enfoncent, tuant, frappant à droite & à gauche, jufqu'à ébranler & mettre en défordre ce corps redoutable. L'ennemi, revenu de fon épouvante, & ranimé à la vue du petit nombre des Chevaliers, essaya, par la fuite, de les attirer en plaine, afin de les féparer des Servans, & de les empêcher de fe prêter fecours les uns aux autres. Malheureufement on donna dans le piége, & ce petit corps. ainfi divifé, fut bientôt défait; les Soldats & Servans furent d'abord fabrés & foulés aux pieds des chevaux pour le Corps des Chevaliers, rien ne tenoit contre fa fermeté; il ne fallut rien moins, (13) Chronicon Terra Sanita, col. 549, apud Edm. Martenne, tom. 5 veterum Scriptorum. TERRIC. 1187. TERRIC. 1187. pour la vaincre, que tous les efforts des fept mille Musulmans; encore Comme il étoit monté fur un cheval blanc, & qu'il s'étoit fait remarquer de loin par l'éclat de fes armes, les Sarrafins le voyant (14) Chronicon Terra Sanita, col. 551, apud Hiftoria Jerofol, incerti auctoris in geftis Dei Edm. Martenne, tom. 5 veterum Scripto- per Francos, pag. 1151. rum, V.I'Hift. de Saladin par M. Marin, t. 1, p. 460. tomber, jetterent un grand cri, comptant avoir enfin faifi le Saint George des Francs. C'étoit une opinion commune en ce tems-là, & qui s'étoit répandue jufque parmi les Infideles, qu'on avoit fouvent vu à la tête des Croisés S. George monté fur un cheval blanc, & combattant en faveur des Chrétiens. Bientôt le corps du Chevalier fut environné de curieux, dont les uns fe difputoient la moindre partie de ses dépouilles; d'autres fe frottoient la tête & le visage de la pouffiere teinte de fon fang, comme fi cette superstition eût pu les rendre héritiers de sa bravoure (15). Cette déroute, arrivée le premier de mai, & qui obligea Terric de retourner à Nazareth, n'empêcha pas les autres Députés de pourfuivre leur route vers Tibériade: ils y trouverent le Comte Raimond fort affligé de la mort du Grand - Maître Defmoulins & de toute cette malheureuse aventure, qu'il auroit dû preffentir, & dont fes plus zélés Apologiftes ne pourront jamais le difculper (16). On profita de fa confternation, pour lui faire des remontrances fur les fuites funestes de fes engagemens avec Saladin, fur le tort qu'il fe faifoit, & à fa réputation, & fur les avantages qu'il retireroit de fa réconciliation avec Lufignan. Raimond se laissa toucher, renonça dès-lors à fon alliance avec le Sultan, renvoya les Sarrafins qu'il avoit à fa folde (17), & partit avec les Députés, après avoir fait avertir le Roi de fes difpofitions. La nouvelle de fon départ fit renaître le calme dans les efprits : le Roi, accompagné d'un nombreux cortège d'Evêques, de Templiers & de Barons, vint audevant de lui. Du plus loin qu'ils s'apperçurent, ils defcendirent de cheval le Comte, en abordant le Roi, fe jetta à fes genoux, & le reconnut pour fon Souverain; le Roi l'ayant relevé, l'embrassa tendrement, & l'accueillit, jufqu'à Naplouse, avec toutes les démonstrations poffibles de bonté & d'affection. Delà ils reprirent (15) Hiftoire de Saladin, par M. Marin, tom. 1, pag. 460. Hift. de Saladin, tom. 2, pag. 26. (16) Les Bénédictins, Auteurs de l'Hiftoire Sacri, colum. 600. de Languedoc, tom. 2, pag. 646. TERRIC. 1187. TERRIC. 1187. le chemin de Jérufalem, où Raimond fit hommage fuivant les cérémonies accoutumées. Les Francs n'étoient pas les feuls qui euffent à fe plaindre du peu de refpe&t qu'on avoit eu pour la derniere treve. Saladin pouvoit bien leur reprocher d'avoir été les premiers à l'enfreindre, puifque, peu avant l'affaire du premier mai, le Seigneur de Krak avoit encore fait une courfe jufqu'en Arabie, où il avoit enlevé une caravane de Mufulmans qui alloient à la Mecque. Un de nos Hiftoriens rapportant ce fait, ajoute que Châtillon, dans fa colere, s'emporta jufqu'à dire mille indignités contre Mahomet, & refufa de rendre les paffagers, fuivant la coutume des Templiers, dont fa ville étoit pleine. Je ne trouve les Templiers coupables de cette prétendue coutume que dans l'Abbé Fleuri : il falloit qu'il fût bien ftérile en preuves contre ces Chevaliers, pour n'avoir à nous citer qu'une vie de Saladin manufcrite, à laquelle on ne peut avoir recours. Si ce manufcrit eft celui de l'Abbé Renaudot, on peut lui opposer un autre ouvrage du même Écrivain (18), où parlant du même fait, il ne dit pas un feul mot des Templiers. Si cette circonftance fe trouvoit chez les Hiftoriens Arabes, par quel hafard auroit-elle échappé à nos modernes, qui les traduifent fi fcrupuleusement (19)? On ne trouve pas que le fort de Krak, tant de fois attaqué, ait jamais été défendu par une garnison de Templiers. Où donc a-t-on trouvé que cette ville en étoit pleine (20)? En vain chercheroit-on ailleurs que dans les divifions & le mauvais gouvernement des Francs, la vraie fource des malheurs où nous les allons voir plongés. C'est à Raimond fur-tout & à Châtillon qu'en vouloit le Sultan: outré de la rupture du premier, & de la perfidie du fecond, il réfolut de les exterminer l'un & l'autre. Tandis (18) Hiftoria Patriarcharum Alexandrin. ad annum 1186, pag. $44. (19) Hiftoire des Arabes, in-4., tom. 16 de l'Histoire Universelle des Anglois, pag. 542. Hift. de Saladin sur l'an 1186, t. 1, p. 452. Hiftoire des Arabes, par l'Abbé de Marigny, tom. 4, pag. 267. (20) Hiftoire de Saladin, tom. 1, pag. 214, 436, tom. 2, pag. 119. |