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preffe (27). Tout ce que nous pouvons affurer ici, c'eft qu'en 1196, Robert avoit pour fucceffeur le Frere Gilbert Horal ou Éral, nommé d'abord Précepteur de France dans les Hiftoires de Bourgogne & de Languedoc (28), & reconnu enfuite pour Grand - Maître dans celle d'Arragon (29). Il y eft rapporté qu'Alphonfe fit, en faveur du Couvent Militaire d'Alhambra, donation du fort de Cide & du château des Granges à Gilbert Horal, Maître du Temple dans les Provinces au-delà des mers, à Ponce Rigault, Précepteur de France, à Arnauld de Clermont, Précepteur de Provence, & à plufieurs autres Supérieurs du même Ordre dans les Provinces d'Espagne, fans doute en reconnoiffance des fervices que l'Ordre avoit rendus à l'État dans les dernieres expéditions de ce Prince contre les

Maures.

Horal ne figura pas plus de cinq ans à la tête des Chevaliers. Vers le tems de fa promotion, les Seigneurs Allemands, incertains fur la fuite de leurs opérations, mais réfolus de venger le maffacre des Habitans & de la garnifon de Jaffa, députerent vers les principaux des Ordres Militaires, pour les prier de venir les joindre, de leur apprendre les détours du pays, & la meilleure maniere de battre les Mufulmans. Les Chevaliers réunis s'accorderent à refufer aux Impériaux de s'unir à eux, alléguant pour raifon qu'après avoir accepté, approuvé & juré auffi folemnellement qu'ils avoient fait la treve que Richard avoit conclue pour trois ans avec les Infideles, ils ne pouvoient l'enfreindre fans bleffer leur honneur & contrevenir à leurs conftitutions (30).

D'autres prétendent que ce ne fut point par délicateffe de confcience qu'ils refuferent de fe joindre aux Allemands, mais parce que ceux-ci avoient répandu dans le Public qu'ils ne vouloient partager avec perfonne la gloire de leurs expéditions. Ce n'est donc

(27) Statuta equitum Teutonicor., pag. 37. (28) Recueil de pieces fervant à l'Hiftoire de Bourgogne, pag. 263.

Hift. génér, de Languedoc, t. 3, P. 409. 10M)

(29) Hifpania illuftrata, tom. 3, pag. 59. ! (30) Hiftoire générale de Jérufalem, t. 1, pag. 389.

GILBERT

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pas la vie déreglée des Templiers & des Levantins qui fut caufe de cette féparation, ainfi que l'a cru l'Abbé Fleuri, fondé fur un chapitre ajouté à la Chronique d'Otton de Saint-Blaise (31).

Au refte, fans trop s'embarraffer des Ordres Militaires ni de leurs refus affectés, le Duc de Saxe s'empara de Sidon, emporta d'affaut Baruth, & alla fe préfenter devant le château de Thoron, place refpectable, & fituée fur des rochers inacceffibles, auxquels nulle machine ne pouvoit atteindre. Là, les Allemands s'étant amufés fans fuccès pendant trois mois entiers, donnerent à Saphadin, chef des Infideles, tout le tems néceffaire pour fe renforcer, pour furprendre la garnison de Baruth, & marcher enfuite contre le camp des Chrétiens. Ces contre-tems joints à la nouvelle de la mort de l'Empereur, arrivée le 28 de septembre, découragerent tellement les Croifés, qu'après quelques petits avantages qui coûterent la vie au Duc de Saxe, ils fe rembarquerent, laiffant le Roi Almeric dans la néceffité de renouveller la treve qu'ils avoient cru pouvoir violer impunément.

Ceux qui aiment à faire paffer les Templiers pour des avares & des perfides, fe font imaginés qu'ils étoient, devant Thoron, du nombre des affiégeans, & que s'étant laiffés corrompre par Saphadin, ils s'accorderent avec le Chancelier de l'Empire pour abandonner cette place à l'ennemi commun (32) moyennant une grande fomme d'or, qui fe trouva enfin n'être que du cuivre. Malheureufement cette fable ne fe lit dans aucun auteur contemporain, & la Chronique d'Otton de Saint-Blaise ne prouve rien, puifque le quarantedeuxieme chapitre que l'on nous en cite ne fe trouve pas dans le manufcrit, felon le célebre Muratori, qui en a fait la confrontation (33). D'ailleurs, celui qui s'eft avifé d'inférer ce fait dans la

(31) Hiftoire Eccléfiaftique, tome 15,magne, par le P. Barre
pag. 666.

Scriptores Italici, tom. 6, col. 899.
(32) Hift. Eccléfiaftique, tom 15.
Hiftoire des Croilades, Hiftoire d'Alle-

490.

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(33) Scriptores Italici, loco citato, in manufcripto codice defideratur integrum cap. 42.

Chronique

Chronique d'Otton, ne le rapporte que fur un bruit vague répandu apparemment par les ennemis du Chancelier Conrad, qui n'étoit pas aimé des Allemands. Mais fuppofons pour un moment la réalité de ce fait, que les Templiers & l'Evêque de Virsbourg firent lever le fiége de Thoron pour une fomme d'argent, toute ombre de perfidie difparoîtra, fi l'on confidere que le Roi de Jérufalem n'étoit pour lors que Titulaire, que les Allemands & les Chevaliers étoient à la tête des affaires, & faifoient prefque feuls tous les frais du fiége: en ce cas, pourquoi n'auroient-ils pas pu composer avec les affiégés? Dire que la fomme qu'ils en reçurent ne fut pas employée pour la cause commune, c'est deviner; voilà cependant ce que le P. Barre appelle infâme trahifon, ce que le P. Maimbourg appelle vendre Jésus-Christ aux Sarrafins, comme il le fut aux Juifs par Judas. On ne s'en tient pas là; après des expreffions auffi outrées, nos modernes ne manquent pas d'infifter fur la corruption générale de tous les Chevaliers peut-être n'étoient-ils pas meilleurs que le refte des Francs, mais pour preuve qu'ils n'étoient pas pires, on n'a qu'à' voir la lettre par laquelle Innocent III enjoint au Patriarche de Jérufalem de travailler à la réforme des Chrétiens Orientaux; on n'y trouvera aucune plainte contre ceux du Temple en particulier : bien plus, ce Pontife, qui monta fur la Chaire de S. Pierre en 1198, faifit l'occafion de les protéger toutes les fois qu'elle fe préfenta; par conféquent, dire avec le P. Daniel (34), qu'entre tous les Chrétiens d'Afie les Chevaliers du Temple furent ceux qui porterent le défordre aux plus grands excès, c'eft pure détraction, & renouveller une accufation que Roger de Hoveden reproche aux Albigeois de fon tems comme fentiment condamnable.

Une autre preuve cent fois ramenée de cette prétendue corruption générale, c'eft la réponse que fit le Roi d'Angleterre à Foulque de Neuilly. Celui-ci étoit un Prêtre zélé qui, en prêchant la Croifade, difoit affez librement la vérité aux grands & aux petits. Ayane trouvé

(34) Hiftoire de France, tom. 3, pag. 338.

Tome I.

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occafion en Normandie de parler à Richard, il lui dit, d'un ton afsuré : Je viens, Sire, vous annoncer, de la part de Dieu que vous ayiez à mettre ordre à votre confcience, & à marier au plutôt trois filles dangereufes que vous avez, & qui ne manqueront pas de caufer un jour votre malheur. Tu en as menti, hypocrite, répondit le Roi; je n'ai point de filles à marier. Vous en avez, Sire, trois des plus méchantes, répliqua Foulque, qui font, l'Arrogance, l'Avarice & la Luxure. Eh bien, puifqu'il faut les marier, je donne ma Superbe, dit Richard, aux Templiers & aux Hofpitaliers, mon Avarice aux Moines de Cîteaux, & ma Luxure aux Prélats de l'Eglife (35). Tout ce qu'on peut inférer de cette burlefque réponse, c'est que Richard, pouflé à bout, emploie la récrimination à tort & à travers, à l'exemple de ces méchans convaincus par l'évidence, qui, d'ordinaire, font retomber fur ceux qu'ils n'aiment pas les fautes qu'on leur reproche. C'est la pensée de Ma:thieu de Westminster, qui, après avoir raconté ce dialogue, ajoute : Ainfi montroit-il, ce Prince déréglé, par une injurieuse plaisanterie, combien il avoit les Eccléfiaftiques en averfion. Voilà de quelle maniere on s'y prend pour prouver que les Templiers étoient gens perdus de réputation. Je ne ferois pas plus embarrassé de les difculper d'avarice, fi c'étoit ici le lieu: avouons plutôt que parmi eux, comme dans toute autre fociété, les difputes, les embarras, les foucis fe font multipliés en raifon directe de la quantité des biens qu'ils acquéroient; plus ils recevoient de donations, plus ils avoient de charges à fupporter, d'affaires à terminer & d'envieux à ménager; de-là, cette néceffité de recourir fi fouvent aux Souverains Pontifes.

Sous le Pape Céleftin III, les Evêques d'Antivari, de Nona & ' de Spalatro, affemblés dans l'Eglife cathédrale de Tin, fur les confins de la Bofnie & de la Dalmatie, ayant terminé les conteftations qui s'étoient élevées entre les Chevaliers de Tin & les Religieux de Saint-Côme & Saint-Damien, au fujet des eaux & limites

(35) Hiftoire véritable & fecrete des Rois d'Angleterre, tom. 1, pag. 90.

de leurs territoires refpe&tifs, l'accord fut confirmé par Innocent III, & foufcrit par Gaultier, Précepteur d'Esclavonie, par le Frere Aczo, Commandeur, & par tous les Templiers de Tin (36),

La même année, c'est-à-dire, la premiere de fon Pontificat, Innocent fut encore follicité d'approuver un accommodement fait entre les Templiers de Montpellier & le Chapitre de Maguelone. Voici le fait. Les Chanoines ayant vendu au Temple de Montpellier les terres de Granolet & de l'étang de Cucule, s'oppoferent à ce qu'on y érigeât des Chapelles avec droit de cimetiere, & prétendirent non-feulement lever la dime fur ces terres, mais encore partager avec les Chapelains du Temple, ce qu'ils recevoient pour les fervices & enterremens qui fe faifoient dans leur Eglife.

L'affaire fut portée au Pape Céleftin, qui nomma des arbitres dont l'Archevêque d'Arles étoit le Chef. On s'en tint à leur jugement à condition qu'il feroit confirmé par le Saint-Siége (37). Cet accord porte, 1°. que dorénavant les Chanoines percevront la troisieme partie de toutes les offrandes en argent, luminaire, pain, vin & autres denrées qui fe feront dans l'Eglife du Temple; que les jours de fêtes folemnelles, ils auront droit fur la moitié de ces mêmes offrandes, foit qu'elles foient présentées sur l'autel, ou données de main à main.

2o. Que fans avoir rien à prétendre fur le luminaire pour les morts, ils tireront auffi la troifieme partie des droits d'enterremens, dés legs pieux, des donations, de tous les meubles & immeubles abandonnés aux Chevaliers par ceux qui choififfent leur fépulture dans leur Eglife, à l'exception cependant des équipages, des armes & chevaux, qui refteront fans partage à la Maifon du Temple.

3°. Que fi un mourant vient à léguer aux Chevaliers de l'argent, une terre ou quelque autre chofe, pour acheter des armes ou des montures, le Chapitre en percevra la troisieme partie, comme de toute

(36) Epiftolarum Innocentis III, lib. 2. (37) Ibidem, lib. 1, epift. 507, pag. 291. epift. 281.

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