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tuelles; on fit un accommodement tout à l'avantage des Chevaliers, qui fe retirerent auffi contens du fuccès de cette expédition, que s'ils euffent eu affaire à un Prince Mahométan (33).

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Cependant le Roi d'Aragon fe difpofoit à continuer fes conquêtes.

fur le royaume de Valence; déja il étoit maître d'Enefe, pofte avantageux dans le voisinage de la capitale, & avoit affemblé à Monçon fes Etats, compofés des Prélats & des Chevaliers des deux Ordres, pour en obtenir des troupes & de l'argent. En vue d'attirer la protection du ciel fur fes armes, il fit un vœu par lequel il s'engageoit, au cas qu'il vînt à bout de chaffer les Maures du Royaume de Valence, d'en doter les Eglifes, fur-tout l'Archiépifcopale & celles qui en dépendoient, felon qu'il feroit réglé par l'Archevêque de Tarragone, par les Maîtres du Temple & de l'Hôpital, ou par leurs fucceffeurs. « Nous promettons auffi, dit le Roi, à " tous les Prélats, Clercs & Chevaliers qui feront des avances pour " cette expédition, que non-feulement elles leur feront rembour"fées, mais qu'ils auront leur part des terres conquifes, fuivant » la diftribution qui en fera faite par l'Archevêque de Tarragone " & les Précepteurs des deux Ordres. Nous défendons en outre à "tous nos Baillis, Viguiers & Militaires de Catalogne & d'Aragon, » de prendre par force aucun logement dans les Eglifes, Maisons, » Monafteres, Fermes & lieux privilégiés du Temple & de l'Hô" pital (34).

Des Templiers qui furent de cette affemblée, nous ne connoiffons guere que Raimond Patoce, Bernard Campana, Hugues de Montlaur, & un quatrieme, favoir Raimond Bérenger, qui comparant les forces des Maures avec celles de Don Jacques, crut devoir lui confeiller de renoncer à fon entreprise.

Ce Prince n'avoit en effet pas plus de deux mille hommes lorfqu'il ouvrit la campagne ; & fans les fecours qui lui vinrent de France

(33) Tyrii continuata Hiftoria, col. 716 (34) Conciliorum Hifpania, tom. 5, pag.. 8717

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HERMAN DE
PERIGORD.

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1238.

HERMAN DE

1238.

& d'Angleterre, jamais il n'auroit pu, fans miracle, résister aux PERIGORD. Infideles, bien moins encore les réduire; auffi l'accufoit-on ouvertement de témérité. Il fut cependant fi bien régler fes démarches & ménager fes avantages, qu'il eut tout le tems de raffembler près de Valence une armée de plus de foixante mille hommes, dont il inveftit cette opulente & forte place. Secondé par la valeur de fes Chevaliers, il la battit pendant fix mois fans discontinuer, avec toutes les machines qui étoient d'ufage en ce tems: ce ne fut qu'après avoir effuyé tous les dangers & travaux imaginables, qu'on vint à bout d'enlever pour toujours, fur les Maures, cette ville dont dépendoit la conquête de tout le Royaume. La résistance opiniâtre des affiégés, & l'efpérance des fecours qu'ils attendoient, firent durer le fiége, jufqu'à ce que les Bourgeois, dépourvus de vivres, menacerent de traiter eux - mêmes avec les affiégeans, fi la garnifon ne se rendoit. Elle propofa donc enfin une capitulation, qui parut fi avantageufe à l'Aragonois, qu'il ne balança point à l'accepter. On convint que non-feulement Valence, mais toutes les places du Royaume fituées en-deçà du Xucar feroient rendues aux Chrétiens; qu'il y auroit treve pour huit ans à l'égard de celles qui font au-delà; que la garnifon & les bourgeois auroient cinq jours pour évacuer la place, & en tranfporter leurs meubles & équipages. Cinquante mille Maures fortirent de Valence, & les vic◄ torieux y firent leur entrée le 28 Septembre de 1238. Le premier foin des Aragonois, fut d'établir folidement le Chriftianifine dans la ville, fous l'autorité d'un Pasteur, & n'ayant trouvé personne plus en état de répondre à leur louable deffein que le Prévôt de SaintMartin de Tarragone, ils l'envoyerent au pape, qui le facra Evêque de Valence à la recommandation du Roi & des Précepteurs des deux Ordres (35).

Cette ville eft fituée à trois milles de la mer, dans une cam

35) Bernardinus Gomefius, lib. 9 & 10. Item., J. Marian. lib. 12, cap. 19.

Item., Hiftoire des Révolutions d'Espagne, fur l'an 1238,

pagne

pagne agréable, où la nature femble avoir répandu fes dons à pleines
mains on y refpire un air fi doux & fi tempéré, qu'on n'y fent
prefque jamais d'hiver; on y trouve en abondance tout ce qui fert
aux befoins & aux délices de la vie. La beauté de ce lieu, les
agrémens de fa fituation, la fertilité de fon terroir, le voifinage de
la mer,
toutes ces chofes réunies font de Valence & de fes en-
virons un lieu enchanté, que Mariana ne fait pas difficulté de com-
parer aux Champs Elyfiens. Le Roi abandonna cette charmante plaine
aux Chevaliers & à la nobleffe, qui fe la partagerent à proportion
de ce que chacun avoit contribué aux frais du fiége (36). La ville,
qui étoit de figure ronde, avoit quatre portes principales, dont
l'une fut appellée dans la fuite la Templaire, à caufe des bâtimens
que les Templiers firent élever dans le voisinage.

Celui des Templiers, qui fe fignala le plus en cette expédition, fut le Frere Hugues de Montlaur, Précepteur de Provence, qui, peu auparavant, avoit moyenné une réconciliation entre le Roi Jacques & Nugnès, fils du Comte de Rouffillon, & qui, l'année précédente, avoit renouvellé avec le Roi S. Louis le pariage de plufieurs villages, que Gilbert d'Eracle avoit fait autrefois avec PhilippeAugufte. Nous ignorons fi ce Hugues étoit de la Maifon de Montlaur en Vivarais, ou de celle du Diocese de Maguelone, ou enfin d'une troifieme de même nom dans le Touloufain - ( 37 ).

Comme on n'avoit diftribué aux nobles Aragonois les terres conquises, qu'à charge d'en défendre les frontieres, il fut réglé que cent d'entr'eux tiendroient continuellement garnison dans les villes; qu'ils feroient remplacés par cent autres tous les quatre mois; qu'ils auroient pour commandans le Frere Nafturce de Beaumont, Précepteur, avec trois autres Seigneurs de la premiere nobleffe, & connus par leurs faits d'armes. Il reftoit encore à donner des loix aux colonies qui étoient venues prendre dans Valence la place des

(36) Mariana, lib. 12, cap. 19. Templariis Militibus & Hofpitalariis fua premia fuere. Tome I.

(37) Hift. générale de Languedoc, tom. 3,

pag. 409.

Z z

HERMAN DE
PERIGORD.

1138.

HERMAN DE

1238.

Sarrafins. Après y avoir pourvu, Don Jacques fit un voyage à

PERIGORD. Montpellier, pour en réconcilier les habitans divifés entr'eux. Pendant ce tems-là, l'infraction de la treve donna lieu aux Templiers de s'emparer du fort de Cullera, fitué fur le cap de même nom, à l'embouchure du Xucar: le Roi, s'y étant rendu à fon retour, loua le zele des Chevaliers, & leur donna, par reconnoiffance, le bourg de Succa, qu'ils ont poffédé jufqu'après le Concile de Vienne & qui, dans la fuite, eft paffé dans l'Ordre de Montefa (38).

Le fort des armes ne fut pas auffi favorable aux Orientaux, ainfi qu'on va le voir après que nous aurons rappellé quelques faits moins importans, qui n'ont pu avoir place ailleurs.

Par un traité de mariage passé en 1219 entre Thibaud, Comte de Champagne & la fœur du Roi d'Ecoffe, les Précepteurs de France & d'Angleterre font conftitués cautions pour fix mille marcs d'argent, que le Roi d'Ecoffe s'engageoit de payer aux futurs époux dans un tems déterminé (39).

Vers ce tems-là Henri, fils aîné de Hugues III, Comte de Vaudemont, fonda le Temple de Norrois près de Mirecourt. Ferri de Morhenges, Chevalier de cette Maison, fit, en 1239, un accord avec l'Abbaye de Flabémont, touchant le banc & finage de Sarcels. On connoît un Hugues de Vaudemont, Templier, qui fe trouvoit paffant à Beaupré en 1186, pour les affaires de fon Ordre, & qui étoit frere de Gerard, Evêque de Toul. La Commanderie de Norrois eft unie préfentement à celle de Robécourt; celle-ci n'a pas été fondée pour des Templiers, quoi qu'en dife l'Auteur de la Notice de Lorraine, trompé par le Pouillé du Diocefe de Toul (40). En 1227, il y eut une tranfaction entre le Prieur de Hareville dans le Baffigni, & les Templiers de Noée, au fujet d'un tiers. des dîmes des terres que les Chevaliers cultivoient, le Prieur pré

(38) Bernardin. Gomefius, lib. 13, pag. [laire de Flabémont.
495 & 502.

(39) Thefaurus Anecdot., 1, col. 873.
(40) Pouillé du Diocefe de Toul; Cartu-

Hiftoire des Ducs de Bourgogne, tom. 2, pag. 48.

tendant qu'il lui étoit dû ceux de Noée convinrent de donner actuellement fix réfeaux de froment, & autant d'avoine pour leurs anciennes terres; mais le cas arrivant, qu'ils en aquêteroient d'autres, ou qu'on leur en donneroit par aumône, il fut arrêté qu'ils en payeroient la dîme fuivant l'ufage établi (41).

La même année, Bernard de Rochefort, Abbé de Brive dans le Limoufin, confirme un acte d'accommodement paffé entre les Chevaliers & le Chapitre de cette ville (42)

Peu auparavant, l'Abbé de Saint-Maur-du-Foffé abandonna la dîme de Viestre à ceux d'Orléans, à charge de lui payer tous les ans cinq fous parifis (43).

En 1228, Bernard de l'Ile Jourdain laiffe, par testament, au Temple de Touloufe toutes fes armures (44).

En 1229, Thibaud, Conte de Champagne, vend aux Chevaliers , pour la fomme de dix mille livres, tous les droits de gruerie qu'il avoit fur leurs forêts (45).

Vers 1230, Frere Jean de Montgroffin, du confentement de fes Confreres, achete des Religieux du Mont Saint-Quentin, près de Péronne, les eaux de la Scarpe, à charge de payer à l'Abbaye un cens annuel (46).

En 1231, Henri de Villeneuve, Evêque d'Auxerre, ratifie un ace par lequel le Maître & les Lépreux de Saint-Siméon vendent aux Templiers du Saulce leurs moulins & leurs biens du Saulce (47). En 1234, Joffroi de Graffe, Précepteur du Temple de Nice, de Bifot & de Graffe, vend à l'Evêque de cette derniere ville tous les droits & les fonds que l'Ordre y poffédoit & dans fes environs, de même qu'un tiers des biens qu'ils avoient dans la terre de Nogarede (48).

HERMAN DE
PERIGORD.

1238.

(41) Hiftoire de Saint-Mihiel, pag. 132.
(42) Gallia Chrift. nova, tom. 2, col. 477.
(43) Ibidem, tom. 7, col. 296.

(44) Hiftoire de Languedoc, tom. 3, pag. 273, Probat.

(45) Priviléges des Chevaliers de l'Ordre de
Saint-Jean de Jérufalem, pag. 31.
(46) Gallia Chrift. tom. 9, col. 1107.
(47) Ex Tabulario Templi Parif.
(48) Gallia Chrift., tom. 3, col. 1160.

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